|
|
JAMES HOLIN |
Bleu, Saignant Ou à Point ?Aux éditions RAVET-ANCEAUVisitez leur site |
919Lectures depuisLe mercredi 21 Mars 2018
|
Une lecture de |
Collection Polars en nord N°249. Parution le 12 février 2018. 352 pages. 15,00€. Pour moi, ce sera cru, comme disait Luce. Surchargée de travail, Michèle Scanzoni, avocate parisienne, est exacerbée par l’un de ses clients, comique à la télévision mais imbuvable dans la vie quotidienne. Il vient de chipoter une facture, alors elle le met dehors sans perte ni fracas. Presque. Alors elle décide d’accéder à la demande d’une amie qu’elle ne voit qu’occasionnellement et qui souhaiterait qu’elle défende son père, vétérinaire-inspecteur dans un abattoir et qui vient de se faire virer. Sise à Hesdin, l’usine de retraitement de la viande hachée, qui ne serait pas de première qualité, et conditionnée pour des plats tout préparés, et l’arrivée d’une nouvelle directrice chinoise, a mis le feu au barbecue. Le propriétaire peu scrupuleux est un courtier en viande bovine, un maquignon comme on disait dans le temps, fils de chevillard, qui magouille un peu partout et partout un peu. Le véto, Gilbert Castillon, vit dans un camping-car, sur une plage du Touquet, dans un camp de réfugiés, s’étant fait mettre à la porte par sa femme qui lui réclame une pension avec insistance. Bref le gars est vraiment mal embarqué Comme la demi-sœur de Michèle lui demande dans le même temps d’aller rendre visite à Cousin Pierre, atteint d’un cancer et soigné dans un clinique du Touquet, Michèle décide d’aller prendre l’air du large et de laisser ses dossiers, nombreux, en attente. A près de soixante ans, Michèle est une femme qui attire les regards des jeunes hommes et, alors qu’elle va se chercher des cigarettes afin de se calmer les nerfs après l’échauffourée avec le comique du petit écran, elle se fait draguer par un jeune homme qui dit s’appeler Drago. En réalité son nom est plus long, mais pour la notule le décliner entièrement n’a aucun intérêt. Et le Drago dragueur collectionne les numéros de portable, afin de pouvoir participer à un jeu du meilleur séducteur. Il porte un micro et son frère Emir enregistre en vidéo ses approches auprès des femmes afin de justifier la possession de ce numéro. Il lui en faut dix et pour l’heure il n’en a récolté que cinq. Et l’échéance arrive très vite. Et il doit se rendre au Touquet afin de participer à une compétition internationale entre les meilleurs séducteurs. Revenons au Touquet et retrouvons Michèle qui rend une petite visite à Cousin Pierre, et va se mettre en relation auprès de l’irascible véto. Cousin Pierre n’est plus qu’une loque, mais il demande des trucs impossibles à manger. Il est journaliste à la Voix du Nord, et a enquêté sur diverses affaires, dont la disparition d’une Camerounaise, joueuse de rugby dans l’équipe de l’Ovalie touquettoise et travaillait pour Plankaert. Et il demande à Michèle d’aller chercher chez lui un dossier qui lui est consacré à la disparue. Le véto malgrâcieux la reçoit comme s’il s’agissait d’un os dans un hachis Parmentier. Tandis qu’elle essaie de discuter avec lui, il reçoit la visite d’un homme affublé d’une tache lie de vin sur tout un côté de la figure. Il se nomme Tancrède mais tout le monde le surnomme Fraise-Vanille. Il est transporteur entre le Nord de la France et les Pays-Bas, de viande principalement, mais d’autres marchandises illégales. Le brigadier Stalter la prévient que le véto est porté aux abonnés absents, son camping-car ayant été fracturé et visité. Départ précipité ou enlèvement ? Lui aussi est sur la piste de Fraise-Vanille. Pendant ce temps, Plankaert, le courtier en bidoche indélicat est en tractation avec un juteux marché de viande plus ou moins frelatée, de la viande de cheval en provenance du Mexique. Il est marié avec une ancienne actrice porno qui dirige un cabaret de transformistes, tous des joueurs de rugby dans une équipe du Touquet appartenant à un club présidé par Plankaert lequel s’occupe également d’une équipe de rugby féminine. Le décor est presque posé. Reste à signaler que Drago se fait de se plus insistant auprès de Michèle qui va l’entraîner dans un bar de Boulogne fréquenté par des rockeurs tendance Heavy-metal dont Fraise-Vanille. Et que lorsque Michèle se rend chez Cousin Pierre, une femme y est déjà. Michèle se fait agresser mais elle parvient à mettre en fuite l’indélicate. Indélicate qui a tenté de l’occire à l’aide d’un pistolet d’abattage, et s’est emparée du dossier constitué par Cousin Pierre de la Camerounaise. Elle en fait part à Stalter qui justement travaille lui aussi sur cette disparition mais est occupé à traqué un clown qui s’amuse à effrayer les passants avec une tronçonneuse.
Placé résolument sous le signe de l’humour noir, ce roman nous réserve de belles surprises ainsi que des scènes parfois désopilantes. L’auteur souffle le froid et le chaud, sur cette histoire qui nous ramènera quelques années en arrière avec le scandale de la viande. Un sujet grave dédramatisé par l’humour qui règne en permanence dans le récit mais qui ne l’étouffe pas. Un peu comme ces vieux films muets dits comiques mais n’excluaient pas les côtés dramatiques, les vieux Charlots ou Laurel et Hardy qui gardaient une grande part de réalisme et d’humanisme. Ou encore, un peu plus tard, les Branquignols qui savaient nous faire rire tout en préservant une part de tendresse. Mais sans oublier les films d’horreur de Tod Browning par exemple. Ainsi les passages dans lesquels une femme s’invite, s’impose même, dans les chambres d’hôpital, voulant absolument jouer de son violoncelle, afin d’apporter un peu de bonheur aux patients, ne se rendant pas compte qu’elle les indispose. Ou lorsque Drago, en compagnie de son frère Emir, doit déménager un piano, dans des conditions ubuesques. Drago qui prend une place importante dans ce roman, avec son côté quelque peu naïf, désireux de devenir un grand séducteur et s’installer comme coach, abordant les femmes selon des critères bien établis, mais le résultat, coucher avec elles, n’est pas primordial. C’est encore un gamin dans un corps d’adulte avec un aspect attendrissant. Mais ça, c’est pour la partie humoristique du roman, car il faut aussi considérer la partie saignante de l’intrigue, et celle-ci ne fait pas dans le détail. Plutôt dans le gros et le demi-gros, et les carcasses sont malmenées. Comme à l’abattoir. Un roman qui se dévore, pourtant c’était mal parti. Dès la première ligne, j’ai sursauté : Attablé devant une côte de bœuf de deux kilos et un saut de frites profond comme un panier de basket, Plankaert sifflait son dixième verre de vin. Puis je suis amusé à évoquer un saut de frites dans le seau devant un sot, et ayant déblayé de mon esprit cette image, j’ai continué ma lecture, et bien m’en a pris car il s’agit d’un véritable roman que l’on dévore, telle une pièce de bœuf savoureuse et gouteuse.
|
Autres titres de |