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JILALI HAMHAM |
93 PanthersAux éditions RIVAGESVisitez leur site |
877Lectures depuisLe jeudi 17 Fevrier 2017
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Une lecture de |
Le département de la Seine-Saint-Denis a mauvaise réputation, en terme de banditisme, de trafics en tous genres, de ses diverses populations d’origine étrangère. Les gangs qui y font la loi finissent par se politiser, en grande partie sous un prétexte religieux. Celui des "93 Panthers" franchit une étape supplémentaire ce 17 octobre, journée qu’ils ont baptisée le "Black friday". Menées par leur leader Alix Malinka, avec "la Marianne au keffieh" Houria, le frère de celle-ci l’autoproclamé général Krimo, et le vétéran Katanga, les troupes de 93 Panthers envahissent les Champs-Élysées. Loin d’une banale manifestation, une opération commando destinée à semer le chaos, avec pillages et barricades. De véritables scènes de guerre, auxquelles les CRS sont impuissants à répliquer. On dénombrera quelques dizaines de morts, plusieurs centaines de blessés, chez les policiers et chez les 93 Panthers. À l’issue de ce carnage, Alix Malinka adresse aux autorités un message comminatoire : la Seine-Saint-Denis proclame son indépendance, avec La Courneuve pour capitale, et lui-même comme Président. Le discours mêle l’oppression colonialiste à des notions inspirées de la religion musulmane (et de la Bible), promettant de chasser de leur territoire tout représentant de la France. La riposte du maire de Saint-Denis est médiatique : il veut publiquement prouver que tout va bien, que chacun des habitants est heureux, en bonne harmonie. Le reporter noir Harry Mackysall fait partie des journalistes présents. Face à l’image artificiellement propre, il pose au maire des questions dérangeantes. Mais la démonstration officielle va bien vite tourner court, les 93 Panthers ayant un émissaire insoupçonnable dans la foule. L’état d’urgence ne suffit certainement pas à contrer ces "indépendantistes". Chef de la sécurité intérieure, Bernard Bawer suit de près les événements. Il possédait un atout, tenant prisonnière Rokiya, l’égérie du gang de banlieue, dans un lieu aussi secret qu’inattendu. Ça ne suffit visiblement pas à juguler la croisade terroriste d’Alix Malinka et de sa bande. D’autant que Bawer devine des intérêts financiers derrière l’affaire. D’autres veulent profiter des troubles pour afficher leur "patriotisme". Le groupe Vendée 93 entend pratiquer désormais un catholicisme de combat, au nom des valeurs les plus passéistes de la France. Ces comploteurs organisent à leur tour une action commando, l’objectif étant une cérémonie à la mairie d’Angers. Un carnage s’annonce, là encore. Outre le préfet et le RAID, un policier chevronné est chargé – sur ordre de Bawer – de gagner du temps. Lutter contre deux ennemis à la fois, au même moment, ça ne déstabilise pas vraiment Bawer… (Extrait) “Carré dans son fauteuil en cuir, Bernard Bawer, alias "le Diable borgne" contemplait les bulletins d’informations des chaînes françaises et étrangères. Homme mesuré, sans femme ni enfant, fuyant la lumière et cherchant toujours les replis du système, il n’avait pas de titre précis et pourtant, il détenait plus de pouvoir que n’en auraient jamais l’hémicycle et les cabinets ministériels réunis. La crainte plutôt que le respect, tel était l’adage qui avait inspiré sa carrière […] Le chef de la sécurité intérieure l’observa de son regard borgne. Une vie passée à promener ses yeux sur les champs de bataille lui ait alloué un œil de verre. Il passa ses mains sur ses cheveux noir corbeau qui entouraient son crâne dégarni…” Le socle fondamental de la Constitution française mérite d’être rappelé : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances…” D’une totale limpidité, ce principe est fréquemment bafoué par des idéologies visant à diviser la population, à nier les valeurs de notre démocratie. Se servir d’une religion pour imposer sa vision du monde, jusqu’à utiliser la violence meurtrière, ce n’est pas tolérable dans notre société. Semer le désordre au nom d’un ultra-nationalisme identitaire excluant avec brutalité les opinions modérées, ce n’est pas acceptable non plus. Aussi imparfait soit-il, notre fonctionnement est dû à cet équilibre social édicté par la Constitution. Si ce roman fait la part belle à l’action, imaginant une situation de crise apocalyptique, son but est évidemment de témoigner sur certains aspects de notre époque. Comme pour se légitimer, toute une branche du banditisme a glissé vers un islamisme destiné à fédérer les musulmans de France, c’est exact. En créant des institutions spécifiques superficielles, nos autorités se sont trompées, c’est vrai. À l’opposé, les théories fumeuses d’un retour a un passé prétendument idyllique, et autres foutaises noircissant les réalités, n’ont-elles pas pour but d’affaiblir également notre pays ? Par ailleurs, si notre sécurité est assurée "au mieux possible", quelle est la part de manipulation dans tout ça ? Telles sont quelques-unes des questions soulevées en substance dans cette fiction. On note une belle souplesse d’écriture de la part de Jilali Hamham, qui fait preuve d’une culture certaine, avec un regard se voulant lucide et même parfois enjoué. S’agissant d’illustrer une forme de guerre, avec ses combats et ses victimes, la tonalité du récit reste plutôt sombre. On espère un avenir plus optimiste et positif que celui qu’il suggère ici. |