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OLIVER HARRIS |
Le Réseau FantômeAux éditions SEUILVisitez leur site |
753Lectures depuisLe jeudi 19 Novembre 2015
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Une lecture de |
De nos jours, Nick Belsey est constable au poste de police d'Hampstead, à Londres. Il loge dans un hôtel minable des environs, au nord de la ville. Après de précédentes aventures, il est en service minimum : “Il possédait un casier disciplinaire particulièrement bien rempli, dont les actes de violence et la consommation de drogue constituaient les faits marquants. À plusieurs reprises, il avait frôlé le renvoi.” La nouvelle chef du poste n'est autre que son ex-amante, Kirsty Craik, promue au grade de sergent. Entre les excès de Nick Belsey et les sanctions le visant, elle doit rester prudente. Alors qu'il pourchasse un voleur de BMW, Belsey perd de vue le malfaiteur dans une impasse. Ses vieux collègues constables lui apprennent qu'existent là d'anciens abri anti-aériens datant de la guerre. Il va explorer clandestinement celui de Belsize Park. Belsey trouve dans ces souterrains un dortoir bien équipé, ainsi que du champagne et des médicaments. Peu après, il entraîne sa copine du moment, Jemma Stevens, étudiante de vingt-deux ans, dans ces lieux insolites. Bientôt, la jeune femme disparaît au cœur de ces tunnels. Belsey trouve finalement une sortie, par la bibliothèque Saint-Pancras. Il recherche des infos sur ces abris, formant un réseau presque oublié. Le ravisseur signant “Ferryman” contacte Belsey par un message mail. Des incidents récents s'étant produits près des entrées de ces abris, il en fait le tour afin de visualiser les lieux. Belsey fait aussi analyser les médicaments trouvés : ce sont de puissants produits militaires, plus disponibles depuis les années 1970-80. Une vidéosurveillance datant de quelques jours montre que la BMW volée a servi pour le transport d'un cadavre. Une étrange opération de police a permis de nettoyer la voiture, et aucune affaire criminelle n'est recensée autour dudit cadavre. Dans le véhicule, Belsey trouve un magazine militaire, dont le psy propriétaire de la BMW affirme que ce n'est pas à lui. Une piste à exploiter ? Expert en espionnage, le journaliste Tom Monroe explique à Belsey que “Ferryman” fut naguère le pseudonyme d'un agent secret jamais identifié. Son suspect serait bien plus jeune que cet espion. L'abri de Chancery Lane n'a pas servi en temps de guerre, mais aurait été un central téléphonique secret de l’État par la suite. Non loin de là, la tour de Center Point resta inuilisée de 1963 à 1973. Pour quelle raison ? Dans le métro, Belsey s'arrange pour pénétrer dans la station fantôme de North End, dont la construction fut inachevée. Enquêtant de son côté, Kirsty Craik est arrivée au même souterrain. Ils explorent les endroits où Belsey est passé la veille, jusqu'à Saint-Pancras. La police est mobilisée cette fois, afin de rechercher Jemma Stevens. N'ignorant pas que les sous-sols de Londres passent sous des bâtiments gouvernementaux, Belsey lit certains documents remontant à novembre 1983. Une alerte nucléaire aurait alors menacé le pays. Le ravisseur de Jemma le contacte par téléphone. Ennemi ou ami, en échange de l'otage, “Ferryman” paraît surtout attendre quelque chose de Belsey. Pour l'heure, il ignore à quoi servaient ces installations, et ce que signifie l'appellation “Site 3”. Début des années 1980, une opération de défense baptisée “Able Archer” mobilisa une partie des employés publics londoniens, ce qui intrigua sûrement les services secrets de l'URSS. Aujourd'hui députée, Suzanne Riggs participa à cet exercice, interrompu sans que l'on sache pourquoi. “Un tas de choses restent secrètes. Certaines institutions n'aiment pas l'idée que l'opinion publique puisse fourrer son nez dans certains dossiers” dit-elle. Sir Douglas Argyle, ancien chef d'état-major de la Défense, n'est-il pas le cadavre de la BMW, escamoté par la police ? Ça portera préjudice à sa carrière de constable, mais le principal pour Belsey (et Kirsty Craik) reste de retrouver Jemma Stevens vivante, si possible… Sur fond d'espionnage, voilà un excitant roman d'action dans la plus pure tradition. Le premier élément notable, c'est la notion de Guerre Froide. En France, on cesse d'y voir un danger concret avant 1980. En Grande-Bretagne, ce concept paranoïaque est encore très présent pendant longtemps. Et laisse des traces, une trentaine d'années plus tard : “Tous ces efforts. Toute cette peur qui était toujours là, enfouie. Personne pour faire le ménage. Il commençait à comprendre : une chose qui ne se produit jamais établit une relation étrange avec le temps. Elle ne peut pas devenir du passé. Elle se retrouve coincée…” Pays très militarisé, le Royaume Uni a connu bien des scandales autour d'agents secrets. Il est probable que ces questions soient encore vivaces dans l'état d'esprit général anglais. Beaucoup de métropoles possèdent des réseaux souterrains complexes. Londres ayant été la première ville à construire un métro, on imagine qu'ont pu se développer bon nombre de structures en sous-sol (en plus des égouts et autres passages discrets). L'auteur s'est précisément documenté sur le sujet. Une carte des abris anti-aériens du centre de Londres nous indique les sites réels évoqués dans ce roman. Qu'existe un réseau de tunnels et de salles, d'installation défensives et de stations de métro fantômes, on n'en doute guère. Ensuite vient la fiction avec, au centre du récit, ce personnage atypique de Nick Belsey. On n'ose pas le traiter d'anar, mais son mépris de toute règle détonne par rapport à son métier de constable. Un fonceur, en décalage avec le monde qui l'entoure. Une marginalité qui fait son charme, et donne envie de le suivre pas à pas, c'est certain. L'argument “suspense trépidant”, si souvent utilisé par les éditeurs, correspond cette fois à la tonalité intense de cet excellent roman d'aventure, sous tension permanente. |