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JULIUS HORWITZ

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Le lundi 5 Janvier 2015

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Julius HORWITZ




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

New York, vers la fin des années 1960. Âgée de quinze ans, A.N. appartient à une famille de Noirs. Il y a sa mère, Esther. Sa sœur Harriet a treize ans et son frère Charles a douze ans. Et le petit Edgar, bébé d'un an et trois mois. Les quatre enfants sont issus de pères différents. Celui d'A.N. s'appelait Joseph, il avait environ seize ans quand elle est née, et déjà des ennuis avec la justice. Le père d'Edgar passe parfois la nuit chez eux, mais il ne s'occupe pas de son môme. Leur mère touche chaque mois un chèque de l'Assistance. Il y a intérêt à compter au plus juste entre loyer et nourriture. Pour les vêtements d'occasion, il faut aller au magasin de l'Entraide. Les enquêteurs sociaux passent périodiquement. Dans leurs carnets noirs, ils notent les besoins. Ils font ce qu'ils peuvent, selon les cas.

Depuis peu, A.N. et sa famille ont emménagé dans un immeuble de la 104e Rue Ouest, à deux pas de Central Park. Il a fallu colmater les trous par où passaient les rats. Contre les cafards, on ne peut pas grand-chose. Les toilettes communes sont souvent hors d'usage. On se lave comme on peut, sans intimité. On dort comme on peut, dans l'unique pièce du logement. Il paraît que sur les toits de ces immeubles, on se drogue et on fait l'amour. La plupart du temps, il s'agit de mineurs. Selon l'enquêteur social, “cet immeuble est destiné à être sale. Il existe pour être sale, il est habité par des gens qu'on n'accepte nulle part ailleurs, c'est le dépotoir du bureau de l'Assistance.” Pourtant, la mère d'A.N. ne fait pas beaucoup d'effort pour chercher ailleurs. Le reste du quartier ne vaut pas mieux, en fait.

D'avance, la mission des professeurs est un échec. Apprendre ? A.N. est une des rares qui va à l'école pour ça. Les autres font du chahut, mais savent à peine lire et écrire. Miss A. incite A.N. à persévérer, à passer des examens. Elle vient d'une famille d'enseignants et d'avocats, des Blancs aisés. Miss A. ne désespère pas encore de l’École, même si elle est lucide sur ses élèves. Lisant un maximum, A.N. part quelquefois à la découverte de sa ville, New York. Cet été-là, elle passera même deux semaines dans un camp de vacances, découvrant avec étonnement la campagne. Mais ce n'est que pour mieux revenir dans la crasse de cet immeuble vétuste de la 104e Rue Ouest. Dans sa famille, le quotidien ne fait que se dégrader. Charles et Harriet y sont pour beaucoup.

Son frère a commencé à se droguer. Puis il a fait une fugue, durant une douzaine de jours. On l'a retrouvé chez un homo malsain. À douze ans, Charles ne risque pas de poursuites. Il va bientôt quitter sa famille, et tout faire pour ne pas être repris. Harriet rate l'école, car elle couche avec un gars de son âge, espérant faire un bébé afin de mener sa vie au frais de l'Assistance. Elle risque surtout de récolter une blennorragie. Leur mère est hospitalisée un temps, suite à un avortement sauvage. Les enquêteurs sociaux se succèdent, pour la plupart peu motivés. Ils ne peuvent rien pour “cette espèce particulière de pauvres, les pauvres sacrés, qu'on ne doit pas toucher, pas déranger, pas troubler, à qui on ne doit pas poser trop de questions.” Parce que l'Assistance reste le moindre mal…

Il ne s'agit ni d'une intrigue policière, ni d'un roman criminel. Par son aspect sociologique, par son contexte sur fond de violence et de drame, il mérite néanmoins l'étiquette “roman noir”. Si le journal intime de cette jeune Noire est fictif, il montre pourtant les réalités de la misère new-yorkaise dans ces années-là. Un témoignage basé sur l'expérience de Julius Horwitz, qui fut assistant social. Il n'est pas question de nier le désœuvrement d'une population, ni les trafics qui ne leur rapporte guère plus pour vivre. On ne se voile pas la face sur le cas de ces femmes ayant tant d'enfants de pères différents. Le sort des propriétaires de ces taudis n'est pas tellement plus enviable que celui des locataires.

Mais se pose également le problème concret : aucun dirigeant ne cherche à résoudre la situation, à améliorer le logement, à trouver un système meilleur. Alors, comme la mère d'A.N., on s'installe durablement dans la pauvreté. “Je suis sûre que les poulets qu'on va tuer, les poulets dans leur cage, sont mieux traités que nous et sont mieux protégés jusqu'à leur mort. Les poulets doivent être propres, parce que les gens veulent manger des poulets propres” écrit la jeune fille avec amertume. L’Éducation étant peu valorisée dans ces milieux, il faut redoubler de volonté pour entretenir l'espoir d'en sortir. Le niveau social a-t-il progressé depuis l'époque décrite ? Oui, mais peut-être pas tant. Fascinant de vérité, un livre marquant.

-“Journal d'une fille de Harlem” de Julius Horwitz, disponible dès le 8 janvier 2015-

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