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SYLVIE HUGUET |
La Noirceur Du CristalAux éditions LA MAIN MULTIPLE |
1047Lectures depuisLe jeudi 28 Juin 2018
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Une lecture de |
Collection Signé Polar. Parution 15 mars 2018. 122 pages. 15,00€. ISBN : 978-2356960597 Ange ou démon ? Jeune, on n’a qu’une hâte : vieillir afin de profiter de la vie à pleines dents, de se sentir libre, ne plus dépendre des parents. Un leurre car l’on dépend toujours de quelqu’un ou de quelque chose. Arrivé à l’âge des vétérans de la vie (j’ai horreur du mot senior qui n’est qu’une hypocrisie, senior étant réservé dans le monde du travail ou médical à des quadragénaires et des quinquagénaires), on se retourne sans cesse, quitte à attraper un torticolis, sur son passé avec nostalgie. En général. C’est ainsi qu’en octobre 2028, Olivier, le narrateur, se souvient d’un épisode de sa vie durant l’été 1994 alors qu’il était en vacances avec son ami le commissaire Gilles Verneuil, décédé depuis peu, dans un petit village des Pyrénées. Aude et son frère Tristan, ainsi que leurs parents, possèdent un centre équestre, et Gilles est attiré par les chevaux, lui qui est un cavalier accompli. Mais Olivier rechigne, ayant eu dans son enfance des problèmes avec ces animaux au caractère parfois ombrageux. Selon ceux qui les élèvent et les montent. Cette phobie, Olivier la doit en particulier à sa mère, pourtant Gilles parvient à lui faire surmonter sa répulsion. Gilles mais également Aude et Tristan qui lui promettent un cheval doux, facile à manier. Aude est fiancée à Marc, un propriétaire voisin dont les terres seraient propices à agrandir le centre équestre. Malgré tout Gilles et Olivier sont parfois déroutés par l’attitude de la jeune fille qui se comporte en coquette. Quant à Tristan, marié avec Thérèse, il veille jalousement sur sa sœur. Gilles et Olivier ne sont pas les seuls à fréquenter le centre et à effectuer des randonnées en compagnie d’Aude laquelle sait quel cheval réserver aux participants. Certains de ces touristes se montrent entreprenants auprès d’Aude. Des goujats qui se font remettre à leur place vertement, ou qui sont plus ou moins encouragés dans leurs démarches de Don Juan qui ne doutent de rien. Gilles et Olivier observent ces tentatives, ce marivaudage avec amusement, d’autant qu’Aude et Tristan deviennent leurs amis. Mais le batifolage, plus ou moins encouragé au départ, se transforme souvent en propos acerbes et acrimonieux. Parfois ils se sentent gênés, comme des témoins qui ne seraient pas à leur place. Et un soir un drame survient. L’un des touristes indélicats est retrouvé blessé à mort sous les sabots du cheval que conduit habituellement Tristan, un animal qui ne connait que son maître. Un autre accident se produit un peu plus tard, dans des conditions similaires et sans le témoignage de Marc, notamment, l’animal aurait été abattu. Mais Gilles et Olivier sont circonspects.
Les rapports entre Aude, qui parait nettement plus jeune qu’elle l’est réellement, et Tristan son frère, sont équivoques. Comme s’ils étaient des jumeaux siamois, de cœur et d’esprit. De même les relations maritales entre Tristan et Thérèse sont constituées de hauts et de bas. Cela dépend s’ils sont au lit ou non. Gilles et Olivier, quant à eux, s’ils sont amis depuis quelques décennies suite à une affaire menée par l’ancien commissaire de police et concernant Olivier, ils se vouvoient toujours, par respect et courtoisie l’un envers l’autre. Des relations amicales qui ne sont entachées d’aucunes arrière-pensées.
Le lecteur découvre cette histoire par deux biais. La narration d’Olivier, qui est professeur et romancier, est entrecoupée par des passages extraits du journal de Tristan. Un journal qui révèle peu à peu le caractère du frère et de la sœur, dont les relations sont fusionnelles et ambigües. Mais également celles de Marc envers Aude et Tristan. Un roman bucolique, animalier dans lequel on retrouve une passion pour la campagne secrète et les chevaux. Sans oublier les chiens. Et l’être humain qui n’est qu’un animal un peu plus évolué, parait-il, mais dont les sentiments se révèlent plus complexes. Le style plaisant de Sylvie Huguet m’a fait penser parfois à celui d’anciens auteurs du début du XXe siècle, Anatole France, Hector Malot qui écrivit d’admirables romans d’étude sociale dont Les Millions honteux, ou encore Rosny Aîné, par exemple. Ils savaient camper des personnages, étudier leurs comportements, décrire les paysages et les actes des protagonistes, sans pour autant se montrer agressifs, vulgaires, dédaigneux de la langue française comme chez bien des écrivains de nos jours. Leur style était peut-être parfois un peu pompeux, voire précieux, de nos jours désuets, mais quel plaisir on ressent en les relisant, car au moins ils ne se moquaient pas de leurs lecteurs en peaufinant leurs phrases, leurs dialogues. Sylvie Huguet fait partie de ces amoureux des lettres et de la belle phrase. Un véritable rafraîchissement pour l’esprit. Et pour autant, l’intrigue n’est pas dédaignée, au contraire.
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