Marc n’est pas un homme contrariant, au contraire, il laisse parler les autres et ne les interrompt pas, ne les contredit pas et lorsque la conversation pourrait s’envenimer, pas par sa faute, il s’arrange pour changer d’aiguillage. C’est un sexagénaire impassible aussi bien dans la vie courante qu’à la maison. Bref, quelqu’un de calme, de pondéré, presque d’insignifiant. Jusqu’au jour où il sort de son hibernation. Ça commence par une phrase lancée au cours d’un dîner, juste une phrase, puis Marc se replie dans sa coquille. Ensuite il achète un chat, pas de toute fraîcheur mais qui lui a tapé dans l’œil à cause de sa nonchalance. Il rend visite à sa fille qui végète dans un hôpital psychiatrique, avant la date du rendez-vous annuel, le jour anniversaire d’Anne, issue d’un premier mariage. S’il a divorcé des années auparavant, ce n’était pas de son fait mais celui d’Edith sa femme volage. Depuis, il s’est remarié avec Chloé et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il retourne rendre visite à Anne le bon jour cette fois, et cela se passe comme les autres fois, ou presque. Il a apporté des friandises, sa fille fume une cigarette, ils se promènent dans le parc, malgré le temps maussade. Alors que Chloé envisageait un voyage d’une semaine en amoureux, et qu’il était d’accord, comme d’habitude, Marc est pris d’une envie subite. Emmener Anne à la mer, au Touquet. Muni de la bénédiction du responsable de la clinique, les voilà tous les trois passant quelques jours sur une plage déserte, la saison n’étant pas favorable à la transhumance touristique. Tous les trois ? Oui car Boudu, le chat, fait partie de l’expédition. Mais cette escapade ne lui suffit pas et Marc propose à Anne de l’emmener plus loin, dans le Sud, peut-être en Espagne. Un chemin balisé d’embuches, de cadavres, mais Marc, en aveugle, ne se rend compte de rien. A moins qu’une fois de plus il se retranche derrière une impossible placidité, ayant oublié d’ôter ses œillères. Comment un homme rangé peut-il changer du jour au lendemain, découvrir dans sa tête un grain de folie qui germait peut-être depuis des années et dont l’éclosion a été favorisée par un petit rien ? Pourquoi quitter la quiétude d’un foyer et partir sur les routes, à l’aventure, sans que rien ne soit préparé avec la minutie coutumière ? Quelle est la cause de cette fracture mentale ? Pascal Garnier nous entraîne une nouvelle fois dans la dérive de personnages qui vont au fil du récit muter, se transformer, mettre au grand jour leur besoin de s’affranchir, prendre des initiatives même si elles se révèlent malheureuses. Des personnages que l’on croise avec indifférence dans la rue, sans se rendre compte qu’ils ont en eux une vie intérieure totalement dissemblable de leur apparence et dont ils ignorent l’existence. Des personnages falots que de petits riens accumulés au fil du temps convertissent en aventuriers à la recherche d’une autre vie. Une envie, un besoin qui peuvent rapidement être jugulés, car ce n’est pas dans leurs habitudes de se conduire en rebelles de leur destin. Une nouvelle fois une histoire sensible, humaniste, dérangeante, qui peut nous arriver à vous, à moi, à tout un chacun installé confortablement dans son train-train quotidien.
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