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LISA GARDNER |
Sauver Sa PeauAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
3817Lectures depuisLe lundi 7 Septembre 2009
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Une lecture de |
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Aujourd’hui âgée de 32 ans, Annabelle est revenue vivre à Boston. Ses parents et elle ont fui le Massachusetts vingt-cinq ans plus tôt. Elle a connu une enfance chaotique, son père décidant souvent de changer de ville. Il lui apprit à se méfier des inconnus, lui fit suivre des cours de boxe. Annabelle ne sut jamais ce que son père, universitaire ayant quitté son poste, redoutait réellement. Ce mode de vie, autant que l’alcool, furent fatals à sa mère. Quelques temps après leur retour à Boston, sous des faux noms, le père d’Annabelle mourut dans un accident. Restant en permanence sur la défensive, la jeune femme vit seule avec sa chienne Bella. À part le livreur d’UPS lui apportant des colis à domicile pour son métier, Annabelle ne cherche pas à communiquer avec quiconque. Ancien tireur d’élite mêlé à une affaire mal éclaircie, Bobby Dodge est désormais policier. Son amie D.D.Warren, commandante de la police de Boston, fait appel à lui. Dans le quartier de Mattapan, juste à côté de l’ex-hôpital psychiatrique, on vient de faire une macabre découverte. Dans une caverne creusée et aménagée, on a trouvé les corps momifiés de six fillettes dans des sacs. Il s’agit d’enfants enlevés un quart de siècle plus tôt. Ce qui rappelle à Bobby Dodge l’affaire Umbrio. En 1980, ce type kidnappa la jeune Catherine Gagnon. Celle-ci ayant pu s’en sortir, le coupable (mort depuis) était en prison à l’époque où les six fillettes furent enlevées. Par la suite, Bobby et Catherine eurent une relation trouble. La mort brutale du mari de Catherine obligea Bobby à changer de métier. Annabelle est censée faire partie des six victimes. En réalité, c’est son amie Dori Petracelli qu’on a découverte à sa place. Est-ce l’enlèvement de cette gamine qui alimenta la paranoïa du père d’Annabelle ? La jeune femme explique son cas à Bobby Dodge et D.D.Warren. Les policiers acceptent qu’elle visite “la tombe de sa meilleure amie”. Un témoin s’adresse au trio. Ancien employé de l’hôpital psychiatrique, Charlie Marvin relate quelques cas singuliers qu’il a connus. Il cite notamment celui de Christopher Eola, un cinglé particulièrement fourbe. Cette piste intéresse la police. Ils apprennent que l’introuvable Eola fut trop vite remis en liberté, et qu’il bénéficie d’une rente de sa riche famille. Bobby s’interroge aussi sur le protecteur père d’Annabelle, possible suspect pédophile. Annabelle revoit les parents de son amie Dori, qui n’ont jamais compris le déménagement express de sa famille, ni la disparition de leur propre fille. Puis, la jeune femme et les deux policiers rencontrent Catherine Gagnon dans sa belle propriété d’Arizona. Elle confirme que son kidnappeur était bien Umbrio, pas un autre. Hospitalisée, elle fut questionnée par le père d’Annabelle qui se faisait passer pour un agent du FBI. Or, l’affaire se passait deux ans avant l’enlèvement de Dori et des fillettes. Au retour, D.D. Warren trouve un message menaçant sur sa voiture. Malgré l’efficacité de Bobby, elle va être exposée à un grave danger. Annabelle reste méfiante, étant certaine que le criminel rôde non loin d’elle. Seul l’ancien supérieur de son père connaît tous les détails et les causes… À ceux qui imaginent que ce petit résumé raconte toute l’histoire, il convient de répondre qu’ils se trompent. Ce n’est là qu’un survol, à travers les grandes lignes du scénario concocté par Lisa Gardner. Tortueuse à souhait, l’intrigue est bien plus dense encore, plus intense. La complexe expérience de vie d’Annabelle dès l’enfance, les mystères entourant son père, le cas de Dori Petracelli différent de celui de Catherine Gagnon, ou la situation de Bobby Dodge, ne sont pas si limpides. Quant au meurtrier, inspiré par l’affaire Umbrio ou pas du tout, il serait prématuré de le désigner trop rapidement. Si l’équipe de policiers est active, l’adversaire est habile, toujours présent. Personnage central, la dynamique et prudente Annabelle s’avère attachante, car elle n’a jamais un comportement de victime. Savoir si elle doit détester son père, pour avoir perturbé ses jeunes années, reste une des clés de l’énigme. La force de l’auteur consiste à mesurer la tension, sans tomber dans des effets faciles, des schémas attendus. C’est dire que ce roman est idéalement maîtrisé. Un suspense de qualité supérieure.
Sally, Lucile, Cindy, Tanya… Depuis l’âge de ses sept ans et la première fuite imprévue de sa famille, Annabelle a appris à changer de nom, de ville, d’école, d’amis… au moins une fois par an, parfois plus. Elle ne sait pas pourquoi, mais il faut partir. Certains soirs, en rentrant de l’école, elle trouve sa mère en train de faire les valises. Si elle apprend à s’adapter, soutenue par son père qui lui explique « la vie est un système, il faut le comprendre pour s’en protéger », sa mère finit par craquer. Alcool, médicaments… devenue adolescente, Annabelle se retrouve seule avec son père à changer, encore et encore de ville et de vie. Mais pourquoi cet homme, à l’origine enseignant, chercheur en mathématiques au MIT, lui a-t-il appris à toujours avoir ses clefs à la main, à vérifier l’arrière de la voiture avant de monter dedans, à poser des repères dans son appartement ? Lorsqu’il finit écrabouillé par un taxi vingt ans plus tard, elle ne le sait toujours pas. Comme héritage, il ne lui a laissé que des habitudes de fantôme. Revenue dans la ville de son enfance, Annabelle découvre aux infos qu’on a trouvé une tombe collective, sorte de grotte macabre, dans laquelle un cinglé a déposé, des années auparavant, le corps de six petites filles. L’une d’entre elles porte le médaillon d’Annabelle… Qui est morte à sa place autrefois? L’enquête, au suspens abouti, renvoie sans cesse Annabelle à des questions essentielles. Qui est-elle, qui étaient ses parents disparus ? Qu’ont-il fui toute leur vie ? Paranoïa ou précautions vitales ? Son passé et son futur se tiennent la main, elle en est consciente. Lisa Gardner, comme à son accoutumée, mène une danse intelligente, sans pour autant que ses personnages perdent en épaisseur et en humanité. Ses banlieues américaines ne sont pas l’antichambre de l’enfer, juste de grises banlieues. Cela suffit à les rendre déprimantes à souhait. L’hôpital psychiatrique désaffecté où l’on retrouve les corps n’a rien d’un décor de film d’horreur. Juste des vieux bâtiments qui tombent. Cette modestie rend la tension encore plus palpable, car plus proche. Annabelle, personnage central, est tout à la fois forte et faible : elle voudrait échapper à ses souvenirs et devenir ordinaire. Mais ce n’est pas son destin… Il lui faut avancer longtemps seule (accompagnée d’une chienne extraordinaire), portant symboliquement les cendres de ses parents dans un médaillon qui ne la quitte pas, avant de découvrir pourquoi elle peut abandonner la haine de son père. Les romans américains à forts tirages offrent souvent une fin décevante après un déroulement tonitruant. Ce n’est pas du tout le cas ici. Sans être une œuvre inoubliable, la facture est de belle qualité et il n’y a pas à regretter de s’offrir ce moment de suspens. 7€50, 499 pages |
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