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MAURICE GOUIRAN |
Train Bleu, Train NoirAux éditions JIGALVisitez leur site |
4702Lectures depuisLe dimanche 24 Mai 2009
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Une lecture de |
Marseille, 23 janvier 1943 : Le quartier du vieux port de Marseille est investi par les policiers français fidèles collaborateurs officiels de l’armée allemande, une opération surveillée par les SS. Théoriquement cette intervention musclée et nocturne était destinée à procéder à l’arrestation des truands locaux, caïds de la pègre notoirement connus, mais les membres du Service d’Ordre Légionnaire, qui deviendra la Milice, et les GMR encadrés par les SS, forcent une à une les portes des maisons, des immeubles et arrêtent tout le monde, Juifs principalement, mais ne s’embarrassant pas de détails, et embarquent leurs proies sans distinction, sans ménagement. Les malheureuses victimes de la rafle seront dirigées à la gare d’Arenc, puis vers Compiègne, ou vers Fréjus, en attendant mieux, ou pire. Parmi les milliers de personnes arrêtées, Robert qui n’a plus de nouvelles de sa femme et de sa fille et Michel accompagné de sa mère. Georges lui a réussi à échapper à la nasse tendu par les policiers français en se cachant dans un placard. Fourrant une valise quelques affaires et l’argent économisé par son père. Mais il est pris lors d’un coup de filet et évite d’être embarqué dans le train maudit en soudoyant un policier. Son nom est biffé et ce seront deux autres personnes qui seront emmenées en captivité. Si Robert est dans la fleur de l’âge, à peine la trentaine, Michel et Georges ne sont encore que des gamins. Robert et Michel et une centaine d’autres sont parqués dans un wagon, l’un des nombreux wagons qui constituent le train noir. Au cours du voyage, Michel et un autre enfant, aidés par Robert, parviennent à s’échapper en se faufilant par un orifice et rentrent à Marseille à pied. Robert lui sera consigné, anonyme parmi les anonymes, à Royallieu près de Compiègne puis direction le camp de Sobibor. Un camp qui n’était pas de concentration mais d’extermination. 50 ans plus tard, le 25 mai 1993, Robert, Michel et Georges prennent le train bleu en compagnie de milliers de supporters de l’O.M., direction Munich, afin d’assister à la finale de la Coupe de football contre le Milan AC. L’atmosphère n’est plus la même. Ça crie, ça hurle, ça chante, c’est la liesse générale, c’est la fête. Les conditions du voyage non plus. Ils ont droit à une couchette et à des provisions. Celles-ci sont cachées dans les toilettes, derrière une plaque de tôle qu’il suffit de dévisser pour les récupérer. Trois P38 qu’ils pourront récupérer, sans inquiétude, à la fin de leur voyage. Car leur but, ce n’est pas la finale, mais la rencontre avec un personnage du nom de Horst, un nom et un visage gravés à jamais dans leurs souvenirs. Les dérives de la Seconde Guerre Mondiale, ces faits passés sous silence ou évoqués avec parcimonie parce que honteux, alimentent depuis quelques décennies les romans noirs car ils est juste, légitime, obligatoire de démontrer les travers d’une frange de la société, affiliée aux idéologies nazies. Mais Maurice Gouiran, en humaniste lucide, ne s’en tient pas à ce simple bilan, à ce regard porté en arrière, à constater. Il nous propose de mettre en parallèle, comme les protagonistes de sa fiction, deux époques distantes d’un demi-siècle et plus. Un parallèle édifiant. Tout un quartier du vieux port fut démoli, rasé, sous prétexte de purification, d’un nettoyage visant le grand banditisme, un leurre. Comme il se plait à le noter, aujourd’hui on parle de karchérisation. Mais derrière ces démolitions à la dynamite, se profilaient les profiteurs immobiliers, français. Des actes qu’il était de bonne guerre d’imputer aux Nazis, cela arrangeait tout le monde, surtout à la Libération. Mais Maurice Gouiran décrit également les affres des prisonniers dans leur périple, l’angoisse, la fatigue, la faim, l’horreur, ressenties par ces hommes et ces femmes parqués pis que des animaux. A noter ces quelques réflexions pleines de bon sens : “ Les vaincus n’ont pas besoin d’avoir une histoire, les vainqueurs leur impose toujours la leur ”. Ou encore “ Quand on voit le fanatisme et la haine que peut déclencher un simple match de foot, on ne s’étonne plus de la stupidité et de la cruauté des guerres ” Un roman fort, un roman juste, qui devrait être étudié dans les écoles, et servir de base à des sujets de philo. Et qui devrait être lu aussi par les hommes politiques, lesquels réfléchiraient peut-être (mais est-ce trop demander ?) avant de faire des déclarations fracassantes, malvenues, démagogiques, ou énoncer un bon mot pour amuser la galerie, juste pour gagner des électeurs.
1943 : un train quitte Marseille… Sous les ordres Bousquet, lui même mandaté par le gouvernement Laval, deux cents inspecteurs Parisiens, quinze compagnies de GMR et des escadrons de gendarmerie et de gardes mobiles « occupent » Marseille. Le 22 janvier 1943, ces douze mille policiers bouclent le Vieux-Port et en entreprennent la fouille systématique. Au bilan 2000 Marseillais se retrouvent dans des trains en partance pour la mort.Vient ensuite l’évacuation totale du quartier et sa destruction… 1993 : un train quitte Marseille… emportant à son bord des milliers de supporters qui vont déferler sur Stade Olympique de Munich pour assister à la finale de la Ligue des Champions de l'UEFA qui oppose Olympique de Marseille à Milan AC.« La finale de la Ligue des Champions 1992-1993 a eu lieu le 26 mai 1993, au Stade olympique de Munich, devant 64 000 spectateurs. L'OM s'est imposé grâce à un but de Basile Boli, de la tête, à la 44e minute. » Avec ce onzième roman Maurice Gouiran poursuit le projet qui le tient à cœur depuis toujours : mettre l’histoire au service de l’Histoire. Et force est de constater qu’il s’en acquitte avec maestria.L’intrigue de ce roman est des plus simples : trois papys qui ont « pris » le train en 1943 reconnaissent lors d’un reportage de FR3 un des responsables de la déportation. Ils décident de profiter du train de 1993 pour se rendre à Munich et se faire justice. Mais je laisse la conclusion de cette chronique à René Barone |
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