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MAURICE GOUIRAN |
Le Diable N’est Pas Mort à DachauAux éditions JIGALVisitez leur site |
2847Lectures depuisLe samedi 1 Juillet 2017
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Une lecture de |
Henri Majeucoules revient à Agnost-d’en-Haut, son village natal, le temps d’enterrer sa mère. Habitué au bouillonnement californien, amour libre et LSD, il délaisse provisoirement le projet ARPANET sur lequel il travaille et qui connait ses premières avancées. A Agnost-d’en-Haut rien n’a changé depuis qu’il a quitté ces terres isolées où l’étranger demeure un étrange des décennies plus tard. Ignoré de tous, Agnost-d’en-Haut est devenu récemment le centre d’attention de tous les médias : une famille d’Américains y a été massacrée. Alors, probablement pour tromper l’ennui, Henri Majeucoules accepte d’aider Antoine Camaro, un ami de lycée, devenu journaliste et rencontré par hasard à l’unique bar du village. Maurice Gouiran, au fil des romans, est passé maitre dans l’art d’extraire de l’Histoire les éléments constitutifs de ses histoires. Il amalgame et tisse des faits ignorés, oubliés, occultés avec la dextérité d’une dentelière et la souplesse d’un narrateur hors pair. Les faits : les pratiques de ces savants à l’éthique inhumaine qui pratiquaient à Dachau ou ailleurs des expériences d’une sauvagerie extrême (1). Les faits : l’exfiltration de ces « savants » par les armées victorieuses (2). Les faits : leur enrôlement dans des programmes secrets pilotés par les agences obscures aux ordres des gouvernements terrés derrière la statue de la Liberté (3). Les faits : l’assassinat à proximité de La Grand'Terre, dans la nuit du 4 au 5 août 1952, de Jack Drummond, sa femme Anne et leur fille Elizabeth (4). Les faits : l’affaire du pain maudit de Pont-Saint-Esprit durant l’été 1951 (5). Les faits : les excuses publiques en 1995 de Bill Clinton pour les expérimentations faites sur des cobayes involontaires pendant la guerre Froide, au nom des États-Unis (6). « Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite », certes, mais un fait subsiste : « le Diable n’est pas mort à Dachau » 1-https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rimentation_m%C3%A9dicale_nazie
Parution 18 mai 2017. 216 pages. 18,50€. On l’appelle le Dénicheur… Un surnom qui convient comme un gant à Maurice Gouiran qui à chacun de ses livres parvient à amalgamer Grande Histoire, faits-divers et fiction avec un réalisme impressionnant. Dans ce nouvel opus, Maurice Gouiran nous entraîne dans une aventure basse-alpine en l’an 1967 mais qui prend ses racines dans les années sombres de la Seconde Guerre Mondiale, à Dachau, entre 1943 et 1945.
Lorsqu’Henri Majencoule, installé près de San Francisco, revient après quinze ans d’absence dans son village natal d’Agnost-d’en-haut, l’atmosphère d’insouciance, d’allégresse, de permissivité californienne tranche avec la rigueur et le mutisme des habitants du village. Prévenu par son père du décès proche de sa mère, il vient de voyager durant plus de trente heures, avion, train, car, mais lorsqu’il arrive sur place, c’est trop tard. Sa mère est allongée dans son cercueil de bois remisé dans la chambre du bas. Henri est un mathématicien, qui dès ses douze ans est parti à l’école loin de ses parents, qu’il ne voyait plus que de temps à autre, et ses études terminées, il a été recruté par une société américaine pour des développements informatiques. Il travaille au Standford Resarch Institute, le SRI, à Menlo Park en Californie, et son patron Doug Engelbart met au point de nombreuses applications dont il serait difficile de se passer aujourd’hui, par exemple les réseaux informatiques, ou tout simplement la délicieuse petite souris que l’on tripote activement face à son écran. Il couche avec une collègue, histoire de se décompresser, et s’adonne à la prise de LSD, mais il dépasse la dose prescrite par l’organisme militaire qui fournit cette drogue susceptible d’améliorer l’intellect et favoriser les recherches. Lors de l’enterrement de sa mère, il retrouve dans le cimetière deux de ses anciens copains d’école, mais ce ne sont pas les seules retrouvailles. Il y a aussi Alida, son amie Alida Avigliana, qu’il avait embrassée, chastement, avant de partir au collège à Marseille. Elle a vieilli physiquement, pourtant il ressent un petit pincement au cœur. Puis au café local, c’est Antoine, connu au collège, devenu journaliste réputé qui s’est fait un nom en couvrant la guerre des Six jours, qui l’aborde. Antoine est envoyé par son journal pour couvrir une affaire de meurtre qui s’est déroulé trois semaines auparavant, celui d’une famille américaine venue passer quelques jours dans une maison du village. L’homme, Paul Stokton, un scientifique, était venu dans le village au début des années 1950, Henri s’en souvient vaguement, il avait acheté une magnanerie délabrée, puis il revenait tous les deux ou trois ans avec sa femme, plus jeune que lui, et sa fille âgée de huit ans au moment du drame. Les soupçons se sont immédiatement portés sur le patriarche de la famille Avigliana, originaire du Piémont, et donc un étranger, ainsi que sur l’un des fils, réputé comme mauvais garçon. Le commissaire Castagnet de Marseille, un personnage imbu de ses prérogatives et de son grade, organise de temps à autre une conférence de presse dans le café, délivrant les informations aux nombreux journalistes qui se sont installés dans la vallée. Antoine demande à Henri s’il veut bien participer à son enquête, et comme celui-ci ne doit retourner aux Etats-Unis que quelques jours plus tard, il accepte. Or quelle n’est pas leur surprise d’apprendre, grâce aux appels téléphoniques qu’Henri passe à des connaissances américaines, et à son amie collaboratrice, que Stokton est inconnu des services, et que les diplômes qu’il s’enorgueillissait de détenir, d’après son C.V., il ne les avait jamais obtenu dans les prestigieuses écoles qu’il aurait soi-disant fréquentées.
En interlude, le lecteur visite le camp de Dachau et peut assister à quelques expériences réalisées notamment par Sigmund Rascher un médecin sans véritable envergure mais désireux de complaire à son mentor. S’il est exécuté le 26 avril 1945 à Dachau, pour avoir déplu à Heinrich Himmler, son mentor, ses travaux seront récupérés et utilisés notamment par la NASA. Certains de ces scientifiques seront jugés à Nuremberg, d’autres, comme le docteur Paul Nowitski qui travaille sur la mescaline et ses effets, seront récupérés par l’armée américaine et l’OSS, ancêtre de la CIA, et seront même naturalisés américains un peu plus tard, l’exemple le plus connu étant Von Braun, le père des V2, qui participera activement au programme de vols habités comme Gemini et Mercury. Il deviendra même administrateur adjoint de la NASA. Toutes les récupérations sont bonnes.
Comme le précise en liminaire Maurice Gouiran, même si ce roman fait référence à des événements historiques, toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite. Une précaution de la part de l’auteur, et effectivement, les personnages du roman n’ont pas existé, du moins sous les noms qui leur ont été attribués. Mais outre les recherches scientifiques effectuées par des médecins, les fameux savants fous à Dachau et autres camps de concentration, on ne peut s’empêcher de penser à deux affaires qui ont défrayé la chronique dans les années 1950. L’affaire Dominici, par exemple. Petit rappel : dans la nuit au 4 au 5 août 1952, trois Anglais, Sir Jack Drummond, un scientifique de 61 ans, sa femme et sa fille de 10 ans sont retrouvés assassinés à proximité de la ferme des Dominici, à Lurs dans ce qui était à l’époque les Basses-Alpes, devenues aujourd’hui les Alpes de Haute-Provence. Le patriarche, Gaston Dominici est accusé et condamné à mort, sans que sa culpabilité soit prouvée. Mais il sera grâcié. Autre affaire, l’histoire du pain empoisonné de Pont-Saint-Esprit. Durant l’été 1951, une série d’intoxications alimentaires se déclarent en France dont la principale à Pont-Saint-Esprit, dans le Gard. De nombreux morts, une cinquantaine de personnes internées et plus de deux cent cinquante atteintes de troubles plus ou moins grave. Les symptômes ressemblaient à une forme d’ergotisme, une maladie provenant de l’ergot du seigle, mais le diagnostique n’a pu être prouvé. De nombreux romanciers et journalistes ont glosé sur ces deux affaires, apportant des solutions toutes plus ou moins réalistes mais n’amenant aucune preuve de leurs conjectures. Maurice Gouiran apporte sa pierre à l’édifice, sans référencer ces deux affaires, mais ceux qui ont connu, vu, lu ou entendu dans leur enfance les reportages sur ces drames, reconnaitront aisément les protagonistes de ce qui reste des mystères. Quant aux savants démoniaques ou tout simplement qui pensaient en toute bonne foi ou presque faire avancer la science médicale, ce sujet grave a également été traité maintes fois, mais tout ce qu’écrit Maurice Gouiran s’inscrit dans une logique romanesque non dénuée de logique et de preuves. Il a réussi à imbriquer les uns dans les autres trois faits avérés, et offre des solutions qui tiennent la route, plausibles à défaut d’être véridiques, et mieux encore en respectant les dates, les événements, les conclusions.
Parution 18 mai 2017. 216 pages. 18,50€. On l’appelle le Dénicheur… Un surnom qui convient comme un gant à Maurice Gouiran qui à chacun de ses livres parvient à amalgamer Grande Histoire, faits-divers et fiction avec un réalisme impressionnant. Dans ce nouvel opus, Maurice Gouiran nous entraîne dans une aventure basse-alpine en l’an 1967 mais qui prend ses racines dans les années sombres de la Seconde Guerre Mondiale, à Dachau, entre 1943 et 1945.
Lorsqu’Henri Majencoule, installé près de San Francisco, revient après quinze ans d’absence dans son village natal d’Agnost-d’en-haut, l’atmosphère d’insouciance, d’allégresse, de permissivité californienne tranche avec la rigueur et le mutisme des habitants du village. Prévenu par son père du décès proche de sa mère, il vient de voyager durant plus de trente heures, avion, train, car, mais lorsqu’il arrive sur place, c’est trop tard. Sa mère est allongée dans son cercueil de bois remisé dans la chambre du bas. Henri est un mathématicien, qui dès ses douze ans est parti à l’école loin de ses parents, qu’il ne voyait plus que de temps à autre, et ses études terminées, il a été recruté par une société américaine pour des développements informatiques. Il travaille au Standford Resarch Institute, le SRI, à Menlo Park en Californie, et son patron Doug Engelbart met au point de nombreuses applications dont il serait difficile de se passer aujourd’hui, par exemple les réseaux informatiques, ou tout simplement la délicieuse petite souris que l’on tripote activement face à son écran. Il couche avec une collègue, histoire de se décompresser, et s’adonne à la prise de LSD, mais il dépasse la dose prescrite par l’organisme militaire qui fournit cette drogue susceptible d’améliorer l’intellect et favoriser les recherches. Lors de l’enterrement de sa mère, il retrouve dans le cimetière deux de ses anciens copains d’école, mais ce ne sont pas les seules retrouvailles. Il y a aussi Alida, son amie Alida Avigliana, qu’il avait embrassée, chastement, avant de partir au collège à Marseille. Elle a vieilli physiquement, pourtant il ressent un petit pincement au cœur. Puis au café local, c’est Antoine, connu au collège, devenu journaliste réputé qui s’est fait un nom en couvrant la guerre des Six jours, qui l’aborde. Antoine est envoyé par son journal pour couvrir une affaire de meurtre qui s’est déroulé trois semaines auparavant, celui d’une famille américaine venue passer quelques jours dans une maison du village. L’homme, Paul Stokton, un scientifique, était venu dans le village au début des années 1950, Henri s’en souvient vaguement, il avait acheté une magnanerie délabrée, puis il revenait tous les deux ou trois ans avec sa femme, plus jeune que lui, et sa fille âgée de huit ans au moment du drame. Les soupçons se sont immédiatement portés sur le patriarche de la famille Avigliana, originaire du Piémont, et donc un étranger, ainsi que sur l’un des fils, réputé comme mauvais garçon. Le commissaire Castagnet de Marseille, un personnage imbu de ses prérogatives et de son grade, organise de temps à autre une conférence de presse dans le café, délivrant les informations aux nombreux journalistes qui se sont installés dans la vallée. Antoine demande à Henri s’il veut bien participer à son enquête, et comme celui-ci ne doit retourner aux Etats-Unis que quelques jours plus tard, il accepte. Or quelle n’est pas leur surprise d’apprendre, grâce aux appels téléphoniques qu’Henri passe à des connaissances américaines, et à son amie collaboratrice, que Stokton est inconnu des services, et que les diplômes qu’il s’enorgueillissait de détenir, d’après son C.V., il ne les avait jamais obtenu dans les prestigieuses écoles qu’il aurait soi-disant fréquentées.
En interlude, le lecteur visite le camp de Dachau et peut assister à quelques expériences réalisées notamment par Sigmund Rascher un médecin sans véritable envergure mais désireux de complaire à son mentor. S’il est exécuté le 26 avril 1945 à Dachau, pour avoir déplu à Heinrich Himmler, son mentor, ses travaux seront récupérés et utilisés notamment par la NASA. Certains de ces scientifiques seront jugés à Nuremberg, d’autres, comme le docteur Paul Nowitski qui travaille sur la mescaline et ses effets, seront récupérés par l’armée américaine et l’OSS, ancêtre de la CIA, et seront même naturalisés américains un peu plus tard, l’exemple le plus connu étant Von Braun, le père des V2, qui participera activement au programme de vols habités comme Gemini et Mercury. Il deviendra même administrateur adjoint de la NASA. Toutes les récupérations sont bonnes.
Comme le précise en liminaire Maurice Gouiran, même si ce roman fait référence à des événements historiques, toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite. Une précaution de la part de l’auteur, et effectivement, les personnages du roman n’ont pas existé, du moins sous les noms qui leur ont été attribués. Mais outre les recherches scientifiques effectuées par des médecins, les fameux savants fous à Dachau et autres camps de concentration, on ne peut s’empêcher de penser à deux affaires qui ont défrayé la chronique dans les années 1950. L’affaire Dominici, par exemple. Petit rappel : dans la nuit au 4 au 5 août 1952, trois Anglais, Sir Jack Drummond, un scientifique de 61 ans, sa femme et sa fille de 10 ans sont retrouvés assassinés à proximité de la ferme des Dominici, à Lurs dans ce qui était à l’époque les Basses-Alpes, devenues aujourd’hui les Alpes de Haute-Provence. Le patriarche, Gaston Dominici est accusé et condamné à mort, sans que sa culpabilité soit prouvée. Mais il sera grâcié. Autre affaire, l’histoire du pain empoisonné de Pont-Saint-Esprit. Durant l’été 1951, une série d’intoxications alimentaires se déclarent en France dont la principale à Pont-Saint-Esprit, dans le Gard. De nombreux morts, une cinquantaine de personnes internées et plus de deux cent cinquante atteintes de troubles plus ou moins grave. Les symptômes ressemblaient à une forme d’ergotisme, une maladie provenant de l’ergot du seigle, mais le diagnostique n’a pu être prouvé. De nombreux romanciers et journalistes ont glosé sur ces deux affaires, apportant des solutions toutes plus ou moins réalistes mais n’amenant aucune preuve de leurs conjectures. Maurice Gouiran apporte sa pierre à l’édifice, sans référencer ces deux affaires, mais ceux qui ont connu, vu, lu ou entendu dans leur enfance les reportages sur ces drames, reconnaitront aisément les protagonistes de ce qui reste des mystères. Quant aux savants démoniaques ou tout simplement qui pensaient en toute bonne foi ou presque faire avancer la science médicale, ce sujet grave a également été traité maintes fois, mais tout ce qu’écrit Maurice Gouiran s’inscrit dans une logique romanesque non dénuée de logique et de preuves. Il a réussi à imbriquer les uns dans les autres trois faits avérés, et offre des solutions qui tiennent la route, plausibles à défaut d’être véridiques, et mieux encore en respectant les dates, les événements, les conclusions.
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