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PASCAL GARNIER |
Vieux BobAux éditions IN8Visitez leur site |
2468Lectures depuisLe lundi 29 Septembre 2014
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Une lecture de |
Collection Polaroïd. Parution le 9 septembre 2014. 112 pages. 12,00€. Un Pascal Garnier émouvant qui met toujours la plume où ça fait mal ! Le point commun entre toutes ces nouvelles qui composent ce recueil, c'est le couple. Le couple qui se forme, qui se cherche, qui se désagrège, qui se supporte, le couple qui vit par et pour lui-même. Le couple, c'est l'homme et la femme, bien évidemment, mais c'est également l'homme et son chien ou plutôt le chien et son maître. C'est la mère et son fils. C'est le jeune homme solitaire, secrètement amoureux. Et le lien qui unit ces couples est lâche, dans le sens de desserré ou celui de couard, près de la rupture. Tendu ou serpentin, effiloché ou solide comme un fil de nylon qui se plie, se tord mais ne rompt pas. Des couples éphémères, qui vivent, qui meurent, un moment intense d'où la solitude est exclue mais pourtant veille comme une augure pessimiste. Des couples pour qui la vie de couple devient comme une entrave à une liberté choisie délibérément à deux. Des couples où seul l'un des deux a son mot à dire, l'autre subissant passivement la loi. Des couples que pas même la mort parviendra à scinder, déchirer, car l'habitude et l'amour sont plus forts que tout. Tout seul, c'est pas drôle, on n'est plus qu'une moitié qui passe son temps à chercher l'autre... Des tranches de vie, comme prises au hasard, mais qui illustrent bien ce besoin de parcourir l'existence à deux, ce rejet de la solitude, tout en jetant parfois un regard nostalgique derrière soi. Comme la quête de son double. J'avoue professer toutefois un attrait particulière pour Vieux Bob, nouvelle éponyme du recueil, qui narre la vieillesse d'un vieux chien dans un bistrot. Un chien qui se traîne près du frigo, dehors il fait trop chaud, et gêne le passage du patron servant les clients. Un vieux chien qui désire juste un peu de fraîcheur mais est rejeté justement parce qu'il est vieux. C'est pas beau de vieillir et de subir une vie de chien. Pathétique.
A signaler que Cabine 34, l'une des nouvelles de ce recueil, avait figuré dans L'anthologie des meilleurs nouvelles de l'année 88/89 parue chez Syros, une anthologie concoctée avec soin par Christine Ferniot. Pascal Garnier nous a quitté le 5 mars 2010, et je salue l'excellente initiative des éditions Atelier In8 et le directeur de cette collection, Marc Villard, qui viennent de rééditer ce recueil initialement paru chez Syros/Alternative en 1990 sous le titre de Cas de figures. Pascal Garnier fait partie de ces figures incontournables des écrivains méritant le respect et sa mémoire doit être entretenue grâce à la réédition de ses œuvres.
Un recueil de neuf nouvelles de Pascal Garnier (1949-2010) Elle et lui : C'est certainement la première fois qu'ils prennent le même métro. Elle, jeune employée de bureau, mène une vie très active et aime à se cultiver. Elle rêve parfois à Constantine, le ville d'origine de ses parents. Elle n'attire pas plus que ça l'attention. Lui, il travaille au rayon poissonnerie d'un supermarché. Même en se nettoyant bien, un odeur de marée persiste sur lui. Il rentre chez lui, s'inquiétant pour son vieux chat. Une panne du métro, ça perturbe et retarde les passagers. Il fait nuit quand elle et lui descendent à la même station. Vieux Bob : Le café-tabac-restaurant d'Arlette, elle l'a hérité de sa mère. De même que le vieux berger allemand Bob, gardien illusoire des lieux. Il se traîne quelquefois, rarement, jusqu'à l'arbre d'en face pour y faire ses besoins. Sinon, il reste douillettement installé non loin du comptoir. Pendant le service, il gêne le personnel qui va et vient. Bien davantage que Pierrot, le pilier de comptoir qui écluse bière sur bière. Qu'on l'envoie faire un tour à la campagne, ça ne dérange pas le vieux Bob. Cabine 34 : C'est un vacancier anonyme en villégiature pour une quinzaine de jours en bord de mer. À la plage, allongé sur sa natte, il observe la famille qui occupe la cabine 34. Des gens qui possèdent sûrement une villa cossue dans les environs. Parmi leurs enfants, c'est surtout la gamine qui retient l'attention de ce touriste. Au point de lui inspirer un désir obsédant. Il aimerait bien approcher de plus près cette famille et la petite fille, savoir où donc habitent ces voisins de plage et leur chien Boulou. Ville nouvelle : La famille Jantet s'est installée ici voilà une douzaine d'années. C'était plus que neuf, puisque tous ces quartiers étaient encore en chantier. Robert et Édith, les parents. Olivier et Nelly, les enfants. Les Brisseau et leur fils Antoine, les voisins. Ni loin, ni près de Paris, propre mais pas tellement vivant, comme souvent ces villes nouvelles. Le temps a passé. Il y a un an que, après Olivier, sa sœur Nelly a quitté la maison. Une sorte de fuite, car elle revient rarement déjeuner en famille. Édith ressent une nervosité morose qu'elle s'efforce de masquer tant bien que mal. Paris-Melun-Paris : Un trajet dans un train de banlieue. C'est aussi bien un vieux couple qui rentre vers Melun, sans avoir grand-chose à se dire, observant le paysage déjà connu. Ou, dans l'autre sens, un jeune homme un peu tendu accompagné de ses parents. Lui, il va prendre le train seul, abandonnant ses proches sur le quai de la gare. Eux : Ils se sont rencontrés la veille dans un bal, à Caen. Victor est Malien, vivotant depuis quelques années en France, logeant dans un foyer, s'habillant classe pour sortir. Il bosse aux entrepôts, derrière la gare. Née ici, la très brune et rondelette Zoubida est fille de Harki. L'ambiance familiale est plus ennuyeuse que tout pour elle. Chacun de son côté, Victor et Zoubida estiment que ce bal n'a rien de tellement excitant. Ensemble, ils éprouvent un besoin d'évasion. Une parenthèse qui n'a pas nécessité de les mener loin, juste jusqu'au bord de la mer. Publié dans la collection Polaroid dirigée par Marc Villard, ce recueil inclut encore trois autres nouvelles : “La barrière”, “Couple chien plage”, “Ami”. Dans tous ces textes, c'est un regard aiguisé sur le quotidien que porte Pascal Garnier. Peu de faits marquants, ni de réel héroïsme, dans la population lambda. Invisible parmi la foule, on prend le métro ou le train. Ou, tels Édouard et Marie-Hélène, jeune couple modeste et futurs parents, on se balade dans les rues tristes avec un landau. On rumine certains souvenirs, peut-être des moments un brin plus heureux. Il arrive qu'un fantasme malsain traverse l'esprit, avec ou sans conséquence. On va au boulot, à la plage, ou manger dans ce bistrot dans lequel rôde un vieux chien inoffensif. Ces moments et ces images, c'est avec humanisme que l'auteur savait les décrire. Photos instantanées qui nous parlent du monde tel qu'il va, en bien et en mal, beaucoup mieux que ne le ferait un sociologue. Pascal Garnier a su illustrer la banalité apparente de notre quotidien, ces neuf nouvelles en témoignent.
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