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GILDAS GIRODEAU |
Tempête Sur La Belle MariaAux éditions DU JASMINVisitez leur site |
1928Lectures depuisLe samedi 18 Janvier 2014
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Une lecture de |
Comme disait ma grand-mère, Si ma tante en avait, je l'appellerais mon oncle !... Et avec des si, les histoires les plus belles n'auraient plus aucun intérêt. Par exemple, si le père de Benji n'était pas mort dans un combat en Afghanistan, il est probable que le gamin serait resté à Annecy avec ses parents. Mais voilà, son militaire de père victime des talibans l'a laissé seul avec sa mère, et il a mal tourné. Benji a été interpellé devant son collège à Annecy pour trafic de marijuana, il a bénéficié de la mansuétude des policiers grâce à son statut de pupille de la nation et de l'influence de quelques personnes haut placées. Il aurait pu continuer une carrière de petit délinquant, dans ce domaine point n'est besoin de posséder de diplômes, si René, un ami de son père, militaire lui-aussi, n'avait pas proposé de passer quelques jours sur son bateau à Port Camargue. Benji et sa mère n'ont pas eu à réfléchir longtemps. Ils acceptèrent afin de fuir les miasmes nauséabonds de la petite criminalité que Benji côtoyait à Annecy et enthousiasmé par le soleil et la mer, Benji a compris alors qu'il avait trouvé sa voie : l'eau. La mer, qu'on voit danser le long des golfes clairs, l'appelait telle une sirène et il n'a pas pu y résister. Sa mère, a compris l'attrait de son fils pour la mer, et elle s'est installée à Sète, trouvant un poste d'infirmière tandis que Benji était inscrit à l'école maritime. Comme il doit effectuer un stage embarqué de quatre semaines, sa mère se résout à faire appel à son frère Gontran qu'une vieille fâcherie familiale avait détourné de ses pensées, lequel est le propriétaire capitaine d'un petit chalutier à Port-Vendres. La Belle Maria, le navire en question n'a vraiment pas belle allure, un bâtiment des années cinquante complètement déglingué. Et la réception de Pierre, l'officier motoriste, et de son oncle Gontran n'est pas des plus chaleureux. Seul Yacoub, l'homme à tout faire, un Mauritanien, l'accueille avec un sourire éclatant. Ils partagent la même cabine, un placard exigu, puis ils s'attellent aux travaux d'entretien des filets de pêche. Benji met en pratique ce qu'il a appris au collège maritime, et passe son examen haut la main dans la confection des nœuds marins sous l'œil bienveillant de Yacoub. Après un repas frugal, c'est l'heure de se coucher et pour la première l'ado réalise qu'il est seul. Durant la nuit ils appareillent afin de se rendre sur les lieux de pêche. Benji évite de poser trop de questions indiscrètes, pourtant il est étonné qu'un tel rafiot soit équipé d'une GPS et d'un sondeur en 3 D. Et s'il doit se familiariser avec la timonerie, le pont, les chaluts, il se demande pourquoi la salle des machine est soigneusement cadenassée. Le travail ne manque pas à bord, la relève des filets, le tri puis l'étripage des poissons, dans le froid, le vent. Benji fait la connaissance de Cheikha, la fille de Yacoub, venue en France poursuivre ses études, tandis que le reste de la famille est au pays. Il fait sa connaissance et est ébloui, mais ce n'est pas le temps de batifoler, le travail avant tout. Toutefois des faits insignifiants, des incidents alertent Benji qui se demande bien ce que son oncle et Pierre, toujours aussi désagréables, peuvent bien trafiquer. D'autant que Pierre et son oncle ne respectent pas les consignes de sécurité imposées, malgré la tempête qui sévit, et ils se rendent sur des lieux sur lesquels ils ne devraient pas se trouver. Et bien évidemment le drame se produit.
On suit les aventures de Benji avec ce plaisir juvénile qu'on ressentait en découvrant les romans de Jack London ou de Rudyard Kipling. Cela m'a fait penser à Capitaines Courageux, tout en sachant que l'histoire est totalement différente. Non, c'est le rapport entre un adolescent et la mer, les conditions difficiles des pêcheurs, ce goût de l'aventure qui suinte tout au long du récit qui prend le lecteur dans ses filets, sans toutefois lui donner le mal de mer. Les rapports entre les deux adolescents, Cheikha et Benji, apportent un vent de fraîcheur dans une histoire qui pourrait être glauque, éclaboussée de paquets de mer et de traces de gas-oil. Pas d'esbroufe dans ce roman mais un voyage qui sans être au long cours dépayse. Et le personnage de Yacoub, le Mauritanien éloigné loin de son pays, s'avère être l'un des rares personnages, à part nos deux loupiots, sympathiques. Comme quoi, la couleur de peau ne reflète pas la noirceur de l'âme de certains protagonistes. L'auteur est un enfant de la mer et il nous fait partager son univers avec enthousiasme entre deux vagues déferlantes. Et comme chantait Renaud, Ce n'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme...
Pour autant, l’auteur ne s’enferma pas dans un angélisme club des cinq. Il n’hésita pas à parsemer son récit de cadavres et de drogue, de trafic et d’individus patibulaires. Dans ses conditions, pourquoi avoir rangé cet écrit dans la case jeunesse ? Peut-être tout simplement parce que deux des principaux protagonistes sont des adolescents… Quoi qu'il en soit, cette tempête sur la Belle Maria est à mettre entre toutes les mains et chacun y trouvera son contentement. C’est peut-être à ça que l’on différencie un écrivaillon d’un écrivain. D'évidence Gildas Girodeau appartient à la seconde catégorie, à celle des conteurs talentueux. |
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