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LISA GARDNER |
Les Morsures Du PasséAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
2859Lectures depuisLe vendredi 1 Septembre 2012
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Une lecture de |
Depuis une douzaine d’année, D.D.Warren appartient à la brigade criminelle de Boston, qu’elle dirige aujourd’hui. Âgée de près de quarante ans, cette blonde célibataire compense son manque de relations sexuelles par des repas plantureux. Ses enquêtes morbides lui laissent peu de temps pour les affaires de cœur. Cette fois, c’est toute une famille qui a été assassinée à leur domicile. Mme Harrington a été poignardée en premier, puis son fils aîné, et ses deux autres enfants, avant que M.Harrington ne se suicide par arme à feu. Il est hospitalisé entre la vie et la mort. Pour Alex Wilson, associé à l’enquête, un scénario peut-être trop simple. Et D.D.Warren note la présence d’un sixième couvert sur la table familiale. L’angle de tir oblige à douter du suicide, pour le père. Selon Mme Bruni, paroissienne et voisine, c’était une famille sans histoire. Ils avaient adopté le petit Ozzie, enfant présentant des troubles psychologiques. Un autre témoin ami évoque les finances tendues du couple, le mari n’ayant plus d’emploi. Sans que ça explique une crise menant à un tel massacre. Le petit mystère du sixième couvert est vite résolu. Le cas pathologique d’Ozzie a certainement un lien avec le carnage. D.D.Warren et Alex se rendent à la polyclinique spécialisée où l’enfant fut suivi. Danielle Burton y est infirmière depuis plusieurs années. Elle se sent très impliquée, ayant elle-même vécu un drame durant son enfance. Elle culpabilise encore à cause de son comportement autour de cette dramatique expérience, en particulier envers le shérif Wayne. Danielle explique les méthodes utilisées pour soigner les enfants à problèmes. Peu de médicaments, beaucoup d’écoute, du rapprochement. Ce fut vrai avec le petit Ozzie, enfant ayant traversé un épisode qui le rendit sauvage. C’est en ce moment le cas avec la petite Lucy, toujours violente malgré le dévouement de Danielle. L’infirmière apprend aux policiers que les Harrington espéraient l’aide d’un guérisseur. L’équipe de D.D.Warren est bientôt appelée sur un nouveau carnage familial. Si c’est le début d’une série criminelle, le contexte chez les Laraquette-Solis est bien différent de celui des Harrington. Une maison crasseuse abritait le clan reconstitué de ce dealer, un rasta blanc, qui parait avoir éliminé les siens avant de se supprimer, lui aussi. D.D.Warren et Alex interrogent dans sa belle propriété Patrick Lightfoot. Ancien financier, il s’est découvert des dons de chamane issus de ses aïeux amérindiens. Cultiver l’énergie positive permet de résoudre bien des situations problématiques. C’est aussi vrai avec des enfants hyper caractériels, qu’il s’agit de restructurer. Des personnes désemparées s’adressent à lui, telle Victoria Oliver qui élève seule son dangereux fils Evan, huit ans, obsédé par les couteaux. La police s’intéresse à la scolarité chaotique des enfants des Laraquette. Y a-t-il là un lien avec les Harrington ? Hermes le dealer est mort, en réalité, à cause de décharges de Taser. Dans le Massachusetts, c’est une arme interdite, difficile de s’en procurer. Adulte ou enfant, le tueur sévira encore avant que D.D.Warren et son équipe ne puissent l’identifier… Ce n’est assurément pas en quelques lignes que l’on peut résumer un roman de Lisa Gardner dans toute sa subtilité. Certes, il s’agit d’une enquête de police. Mais c’est par une remarquable finesse psychologique qu’est portée cette histoire. Le thème abordé “enveloppe” toute l’affaire. Évoquer les “enfants incontrôlables”, sans tomber dans le pathos, n’est pas évident. Pourtant l’auteure y parvient, en partie grâce au scepticisme affiché de D.D.Warren. Des monstres dont la cruauté ponctuelle reste impossible à soigner ? Jusqu’où des parents peuvent-ils protéger ces enfants ? Utiliser des méthodes médicales douces ou une forme d’ésotérisme pour parvenir à les guérir ? Une personne ayant frôlé cet état pathologique est-elle mieux armée pour les aider ? Telles sont quelques-unes des questions qui figurent ici en filigrane. Outre les investigations, les témoignages de Danielle et de Victoria nous éclairent sur le sujet. Ambiance troublante et suspense policier, pour l’un des romans les plus captivants qu’ait écrit Lisa Gardner.
Les morts surs du passé ! Le plus court chemin vers ma culotte passe par mon estomac ! C’est ce que déclare le commandant D.D. Warren qui partage un repas au restaurant avec Alex Wilson, personnage dont je reparlerai un peu plus tard. L’enquêtrice D.D. Warren approche à grands pas de la quarantaine, elle est toujours célibataire, mange gloutonnement sans que cela influe sur sa charge pondérale grâce à un métabolisme performant. Un appétit de sumo et une taille mannequin. Manger était sa passion. Surtout que son travail au sein de la brigade criminelle de Boston ne lui laissait guère de temps pour le sexe. Et tandis qu’elle se restaure en compagnie de Chip, comptable au département de médecine légale, avec en vue une éventuelle soirée à deux sous la couette. Une fois de plus le destin qui se nomme téléphone contrarie ses projets. Dorchester, banlieue de Boston, une petite ville pas pire que les autres en matière de criminalité, et pourtant dans une banlieue pavillonnaire cinq cadavres sont retrouvés, couchés côte à côte dans la véranda, la mère et les trois enfants, deux garçons et entre eux la fille. Assassinés à coups de couteau. Le père s’est tiré une balle dans la tête et s’est raté. Peut-être pourra-t-il apporter quelques explications, mais pour l’instant il est sur le billard. Et décède sans sortir du coma. Assistée de Phil et de Neil, ses fidèles collègues, Warren commence à supputer nombre d’hypothèses dont aucune ne se révèle convaincante. La famille Harrington, une famille recomposée, vivait dans une villa deux étages que Patrick, le père, retapait en vue d’en louer une partie. Endetté par l’achat immobilier, il se trouvait au chômage depuis quelques temps, et la situation financière risquait d’être critique sous peu. Une théorie probable, le père perdant les plombs et effaçant sa famille, mais des incohérences apparaissent lors de l’examen post-mortem. D’autres faits mènent à une autre supposition, comme le cas d’Ozzie, le petit dernier de la famille. C’était un gamin turbulent, hyperactif, violent parfois, suivi selon une voisine par une espèce de chaman, un certain Andrew Lightfoot. Et si Ozzie était le coupable ? Mais là encore des invraisemblances perturbent leurs déductions. Entre en scène Alex Wilson, professeur à l’école de police, qui a baroudé avant d’enseigner et qui a envie de se replonger dans l’ambiance et suivre une enquête sur le terrain. Il est beau, élégant, affable, tout pour plaire et… Inutile de s’attarder car une nouvelle cascade meurtrière est signalée. Une autre famille, qui vit à Cambridge, mais le décor est totalement différent. L’intérieur est sale, répugnant, et ce ne sont pas les six corps, quatre enfants, la mère et le père, enfin le dernier compagnon, qui vont redonner du lustre à la maison. Morts dans des conditions similaires sauf le petit dernier qui a été étouffé par un oreiller. De plus l’homme traficotait de la drogue mais ce n’est pas l’objet des meurtres. Les ballots de cannabis sont toujours entreposés dans la réserve. Des tueries similaires, des parcours et des problèmes neurologiques affectant l’un des enfants conduisent D.D. Warren et ses acolytes, Alex Wilson en tête (il est devenu inséparable), dans une unité de soin pédopsychiatrique où travaille Danielle, trente-quatre ans. Vingt-cinq ans auparavant sa famille a été décimée et tous les ans, à la même époque ses démons se réveillent et la perturbent. C’est pour bientôt. Mais D.D. Warren and c° rencontrent également Lightfoot, le sorcier rebouteux guérisseur, ancien trader dans une banque et qui s’étant découvert des dons particuliers a repris le nom de son grand-père. En incrustation de l’enquête le lecteur peut suivre l’histoire de Danielle mais également celle de Victoria dont le jeune garçon Evan est atteint lui aussi de folie meurtrière. Il n’a que huit ans, peut se montrer câlin et subir des sautes d’humeur incompréhensibles qui ont fait éclater le couple et dissoudre la famille. Il est attiré par les couteaux. Victoria est restée avec Evan et ses problèmes, le père est parti emmenant leur fille Chelsea pour la protéger.
Si la forme, la structure de ce roman consiste en une enquête policière avec recherche d’un ou d’une coupable, coupable que les lecteurs penseront avoir démasqué avant l’épilogue, c’est bien le fond qui donne toute sa valeur au récit. Ceux qui vivent avec des enfants souffrant d’hyperactivité, de troubles d’intégration sensorielle, d’autisme, de troubles psychiatriques quels qu’ils soient, ceux qui connaissent ou sont à même de côtoyer de tels enfants caractériels dans leur entourage proche ou lointain, ne seront pas choqués par les descriptions, qui ne sont pas complaisantes, de la part de Lisa Gardner. Ils savent que les parents sont prêts à tout pour soigner leur progéniture, de ne pas les dévaloriser, à leur trouver des solutions : pédopsychiatres, éducateurs, structures adaptées, médicaments et même se faire aider par des charlatans. Seule la foi sauve, souvent sans résultat significatif. Les autres, éloignés de ce genre de rapports, ne pourront que se demander si l’auteure n’a pas forgé une histoire abracadabrante, misérabiliste, voyeuriste, à dessein pour faire pleurer Margot dans les chaumières. Pourtant, cela existe et les faits de débordements sont de plus en plus d’actualité. Ainsi les bagarres à répétition dans les cours d’école, les agressions entre élèves ou d’enseignants, les parents battus, et ceci déclenchés pour des futilités en apparence. Des gamins inconnus des services de police comme on dit et dont on découvre qu’ils sont atteints d’un mal psychotique. Et ces personnes, la bouche en cœur, vous déclareront que c’est de la faute des parents, que s’ils avaient mieux élevés leurs enfants, cela ne se serait surement pas passé comme ça, des déclarations fracassantes de la part d’individus qui n’y connaissent rien mais ont des solutions toutes faites pour régler tous les problèmes. Lisa Gardner n’a pas écrit un roman facile, et il s’agit plus d’un engagement envers une famille qui a connu ce genre de déboires que de jouer avec le pathos à l’encontre de ses lecteurs. Emouvant, perturbant, dérangeant, mais passionnant et instructif. |
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