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NICK GARDEL |
Lâches DéraisonsAux éditions BALEINEVisitez leur site |
2211Lectures depuisLe vendredi 7 Octobre 2011
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Une lecture de |
La neige n’étant pas son élément naturel, il n’est pas fréquent de trouver un Poulpe en Alsace. Même les trottoirs parisiens sont blancs de neige, et c’est ainsi qu’André Ziegler est immobilisé après une chute. Il charge son copain Gabriel Lecouvreur d’une mission. Son frère Ernest, ancien militaire, habitait près de Colmar. Il s’est suicidé en se perforant le front avec une cloueuse pneumatique. Curieux qu’avec la demie-douzaine de pétoires accrochées au mur du salon, il ait choisi un tel outil, mais c’est ainsi. André voudrait récupérer quelques babioles sur place, avant que les enfants d’Ernest s’en emparent. Gabriel fait route vers Nordhoffen, le village où le défunt vivait dans la maison de ses parents. Sur place, le Poulpe réalise vite que la mauvaise réputation des fils Ziegler n’est pas usurpée. Dylan, 23 ans, et son frère Kévin, 17 ans, possèdent déjà un joli palmarès dans la délinquance. Si leur mère est décédée, ils font partie d’un clan maternel Yéniche comptant une flopée d’oncles et de tantes, chez qui ils sont censés habiter. Cultivant leur marginalité, ces familles Yéniches sont comparées aux manouches. En réalité, ils se montrent bien plus violents que la majorité de leur ethnie, Dylan et Kevin. Ce que confirme leur sœur aînée Jessica (avec de tels prénoms, “ces gamins étaient de véritables génériques de feuilletons américains”). Aidée par son père Ernest, Jessica s’est éloignée de cette “fratrie de l’enfer” pour élever son propre bébé et sa jeune sœur orpheline de mère. Gabriel cerne bien la situation familiale des Ziegler, tordue, pesante. Ce ne sont pas des associations sociales comme Adocentre qui peuvent gérer de pareils cas. Le Poulpe a été agressé par Dylan au domicile d’Ernest, où le délinquant venait de saccager les lieux, cherchant quelque chose. Quand Gabriel reçoit des coups, il aime bien les rendre. Il observe le quartier sensible où habitent les Yéniches. Entre les diverses communautés vivant dans ces HLM, ça s’agite souvent, ça se castagne sévère. Si Gabriel chope sans ménagement Dylan, celui-ci dit ignorer où se trouve Kévin. Le Poulpe tente une piste jusqu’à Mulhouse, auprès d’une autre association tâchant d’aider un “public remuant”. Pas de trace de Kévin, ici aussi connu pour ses méfaits. Retournant chez Ernest, Gabriel ne désespère pas de savoir ce qui s’est réellement passé… Malgré ses Marchés de Noël et ses paysages typiques, l’Alsace n’est pas un pays si enchanteur, nous dit-on : “La région gardait dans ses gènes ces foires d’empoignes successives […] C’était une terre de rancœur, de vengeance, de regrets et de remords. Une terre où la paix avait appris à être temporaire […] L’identité nationale était une foutaise, une raison de plus de crever.” Il est vrai que le climat n’est pas forcément au beau fixe de Strasbourg à Mulhouse, en passant par Colmar. Analphabétisme et médiocrité sociale, délinquance à travers divers trafics, violences urbaines, tel est le sombre tableau que découvre ici le Poulpe. Oui, ce héros est bien là pour témoigner de son époque. Plus souriant, Gabriel ne risque pas de tromper sa douce Chéryl. L’accent guttural d’une jeune serveuse freine son désir : “Comme un festin de roi servi sur un couvercle de poubelle, il vit la beauté simple de la lolita maculé de consonances germaniques. Le phrasé traînant et lourdaud venait de le refroidir aussi sûrement qu’une douche écossaise.” D’un héros populaire à un autre, l’auteur rend également hommage au créateur d’Arsène Lupin, estimant que Maurice Leblanc n’est pas si démodé : “Son Lupin cristallisait tant de caractéristiques du héros passé et futur. Au-delà de l’atmosphère surannée qui en appelle immanquablement à la fibre nostalgique, on y trouve des gouffres de noirceurs et des éclairs de rédemption.” Humour, références littéraires, témoignage sociale, cette nouvelle aventure du Poulpe s’inscrit dans la tradition de cette série de romans. |
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