|
|
PASCAL GARNIER |
Lune Captive Dans Un œil MortAux éditions ZULMAVisitez leur site |
3841Lectures depuisLe samedi 11 Janvier 2009
|
Une lecture de |
Le prospectus était alléchant : un nouveau concept de vie pour retraités désirant ne pas s’enfermer dans le train - train quotidien mais demeurés actif, situé au soleil, dans un cadre agréable et sécurisé. Une résidence spécialement aménagée pour seniors encore verts. Martial et Odette ont craqué pour ce petit paradis du sud de la France, abandonnant leur banlieue sans charme. Depuis un mois qu’ils sont installés, ils déchantent. Pluie à longueur de journée et comme ils sont les premiers à s’être installés dans leur bungalow de rêve, ils s’ennuient. La seule personne avec laquelle ils peuvent discuter, et et encore, c’est le gardien, un ancien militaire qui fait office de surveillant, de jardinier, d’homme à tout faire. Le concierge idéal, enfin presque. Heureusement un couple joue les renforts quelques semaines après leur aménagement. Lui, Maxime, svelte, vieux beau, sourire éclatant, le sportif accompli. Elle, Marlène, la poupée Barbie, en un peu plus vieux et plus défraîchie, surtout lorsqu’on la regarde de face. De toute façon il faut bien s’accommoder de ses voisins, et quant on s’ennuie…Enfin le beau temps se met de la partie et Léa, une troisième résidente débarque. La petite communauté s’étoffe mais les activités promises ne sont pas au rendez-vous. Alors Flesh, le gardien, engage Nadine. Elle est gentille, Nadine. Elle fait visiter l’arrière pays, propose des jeux de salon, des occupations récréatives. Et puis il y a la piscine. Ce serait dommage de ne pas en profiter avec la chaleur qui amollit les corps et les esprits. Seulement il y a des hiatus dans cette harmonie de façade. Par exemple lorsque Flesh tue un malheureux chat qui s’était égaré dans la résidence. Ou quand la grille électrique télécommandée ne veut plus fonctionner. Ou encore quand un camp de gitans s'établit non loin. Flesh met en garde, ses pensionnaires, on ne sait jamais. Il vaut mieux éviter de sortir. Martial qui ne buvait jamais se convertit au rosé, Maxime se blesse en jouant au golf, Odette est toujours en train de chasser d’imaginaires mouches, Léa se trouve confrontée à des absences mentales. Tout se dégrade lorsque Martial se rend compte que Maxime qui ne quittait plus son fauteuil roulant depuis son accident et trimbale un revolver n’est pas véritablement handicapé. *L’OPA Garnier (option paradisiaque apocalyptique) fonctionne une fois de plus dans cet univers clos peuplé d’un minimum de personnages qui semblent être communs mais se révèlent plus complexes qu’il y paraissait de prime abord. L’atmosphère sereine du départ, dans un cadre présenté comme idyllique par les promoteurs, se délite sournoisement. La résidence de rêve n’est qu’un enclos où sont parqués des retraités qui veulent accéder à un bonheur factice, oublier les aléas d’une vie routinière ou peuplée de cauchemars. Pascal Garnier instille progressivement un climat poisseux, lourd, étouffant et pas seulement à cause du soleil qui darde ses rayons caniculaires, comme s’il annonçait que les portes de l’enfer n’étaient pas loin. Court roman mais efficace et l’on aimerait retrouver l’auteur plus souvent. Mais pas forcément ce genre de résidence attrape nigauds.
La résidence Les Conviviales, c’est le paradis des seniors. Un hameau clôturé et sécurisé, des maisonnettes fonctionnelles de plain-pied, un club-house et une piscine, le soleil du Sud toute l’année, voilà ce que promet le programme. Venus de Suresnes, Odette et Martial Sudre en sont les tout premiers habitants. Couple harmonieux sans enfants, ils se sentent ici comme en vacances. Odette déborde d’idées pour s’occuper, c’est une enthousiaste. Martial s’ennuie un peu plus, lui qui fut habitué à une certaine routine. D’autant qu’il pleut presque chaque jour, la réputation du Sud apparaissant exagérée. Et que le couple passe l’hiver sans aucun voisinage. Avec son air sournois, le gardien M.Flesh n’est guère loquace, ni tellement aimable. C’est le 23 mars qu’arrivent enfin des voisins, Maxime et Marlène Node. Malgré des sourires étincelants et un aspect physique entretenu, ils ne sont pas aussi frais qu’ils l’affichent. Marlène Node évoque sans cesse son brillant fils Régis dans les conversations. On devine que Maxime, ex-commercial vendeur de serres, fut un bon vivant. Ils apportent un brin de fantaisie dans l’existence de Martial et Odette. Un peu plus tard, arrive une nouvelle résidente, Léa. Cette très belle femme se montre courtoise avec les deux couples. Elle ne tarde pas à les voir tels qu’ils sont : le boute-en-train Maxime, le timide Martial, la coquette Marlène, la studieuse Odette. Des gens tels qu’elle en a rencontré souvent. Léa masque ses failles, ce décalage qu’elle a connu toute sa vie durant. Maxime tente de la draguer sans finesse : “Léa le sentait chercher une piste, comme un chien de chasse, en jouant avec la chevalière en or qui lui alourdissait le petit doigt.” Elle le prie de ne pas insister. Nadine, l’animatrice du club-house, ne fait ce job que pour glaner un peu d’argent. Il suffit de laisser Odette et les autres imaginer leurs loisirs, finalement. De menus incident troublent parfois le quotidien des cinq résidents. M.Flesh supprime un chat. Odette est obsédée par une mouche qui la harcèle. Quand Maxime veut initier Martial au golf, le voilà qui se blesse et doit s’installer en fauteuil roulant. Léa est victime d’une crise hypnotique. Quand un petit camp de gitans s’installe dans les environs, ça excite la paranoïa de Maxime. Les habitants d’ici bientôt victimes d’une malfaisante horde de gitans, imagine-t-il déjà. Il est armé, Maxime. Au risque de tirer par erreur sur le voisinage. Inquiétude absurde, selon Léa. Mais la chaleur étouffante qui règne désormais échauffe les esprits… Il n’est pas indispensable de multiplier les scènes morbides ou violentes, ni les effets spectaculaires ou sanglants, pour raconter une histoire passionnante. Il suffit de réunir un petit groupe de personnages dans un espace clos. Fatalement, chacun possède ses petits secrets ou ses douleurs intimes. C’est sans doute d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit de seniors. Par nature, ils ont un long vécu et des manies profondes. Ce ne sont nullement des monstres : “Curieusement, très vite, [Léa] avait eu l’impression de les connaître, ou plutôt de les reconnaître comme des gens qu’on a croisés il y a très longtemps, des collègues, des camarades de classe…” Transplantés dans une ambiance aseptisée, le moindre problème peut faire déraper ces résidents lambda. Telle est l’idée qu’exploite ici Pascal Garnier, décédé en 2010. Par ailleurs artiste peintre, il dessine un portrait nuancé de ce groupe, bientôt plongé dans la noirceur. Court roman impeccable, captivant à souhait. Dans cette édition, Jean-Bernard Pouy signe une préface-souvenirs, en hommage à l’auteur. Pour un téléfilm, Laurent Jaoui a adapté ce roman sous le titre “La Résidence” (avec Michel Jonasz, Hélène Vincent, Guy Marchand, Nicole Calfan). Il a été diffusé sur France3 le 24 mai 2011. |
Autres titres de |