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LUIZ ALFREDO GARCIA-ROZA |
L’étrange Cas Du Dr NesseAux éditions ACTES N OIRS |
1876Lectures depuisLe dimanche 15 Aout 2010
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Une lecture de |
Psychiatre à Rio de Janeiro, le docteur Nesse donne des consultations à l’hôpital de l’université. Dès le premier entretien, il s’interroge sur ce nouveau patient qui se nomme Isidoro Cruz, mais se fait appeler Jonas. Nesse définit vite ce jeune homme de 22 ans comme psychotique. Il le voit souvent s’asseoir longuement dans la cour, sur le banc de pierre à l’ombre du grand manguier. Cette présence, le médecin la trouve dérangeante, peut-être inquiétante. Jonas ne tarde pas à approcher la famille du docteur, en particulier sa fille de 17 ans, Letícia. Celle-ci pratiquant le vélo, Jonas s’en procure une bicyclette, afin de provoquer une nouvelle rencontre avec Letícia. L’adolescente s’avoue attirée par cet homme, dont son père prétend qu’il est malade mental. Jonas continue à rôder dans la cour de l’hôpital, mais ne se présente pas à certaines consultations. Censée passer deux jours chez des copines, Letícia disparaît. Le kidnapping ne fait pas de doute pour Nesse, qui vérifie la (fausse) adresse donnée par Jonas. Il imagine que celui-ci a simulé son état pour préparer l’enlèvement. Le médecin contacte la police, qui pense à une fugue amoureuse de la jeune fille. Difficile de lancer une enquête officielle, aussi Nesse s’adresse-t-il au commissaire Espinosa, qui est actuellement en vacances. Le policier n’a pas vraiment de solution. Après deux jours durant lesquels le couple Jonas-Letícia a squatté une maison servant d’église, l’adolescente est de retour. Pour le Dr Nesse, la menace perverse que représente Jonas ne peut durer. Bien que le jeune homme soit arrivé serein à sa consultation, le médecin s’arrange pour le faire interner. Voulant rester près de son ami, Letícia trouve le moyen d’être placée aussi en psychiatrie. Plusieurs mois ont passé. Jonas a disparu, on le suppose décédé. Letícia reste posthume de Jonas est transmise à la police. Il y accuse le médecin d’avoir causé sa mort. Le commissaire Espinosa charge son jeune et honnête collègue Welber d’éclaircir l’affaire. La déposition du Dr Nesse semble sans ambiguïté. Il sera bien compliqué de savoir ce qu’est devenu le corps de Jonas, s’il est bien mort. Roberta, la fille cadette du psychiatre, disparaît à son tour. Alertée par le Dr Nesse, la police se rend chez son épouse. Celle-ci parait plutôt “en attente” que profondément angoissée. Pour l’inspecteur Welber, la sensation qu’il s’agit d’une famille fantomatique le perturbe un peu. Le médecin est placé sous une discrète surveillance policière. Espinosa se demande qui harcèle l’autre, le Dr Nesse ou son patient Jonas, qui aurait contacté de nouveau le psychiatre… Le commissaire Espinosa se définit lui-même ainsi : “Je ne suis pas un guerrier, mais un flic; je ne suis pas un héros, mais un fonctionnaire public; je ne suis pas non plus un philosophe, je n’en ai que le nom.” Certes, avec ses collègues, il mène des investigations policières. Pourtant, il ne s’agit pas d’une enquête au déroulement balisé. Le thème de la folie est ici abordé, dans une déclinaison de l’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Le sujet s’avère toujours troublant, nul ne pouvant prétendre être totalement équilibré, pas même un psychiatre. On ne nous cache pas, au début, que Jonas joue effectivement avec le médecin. Mais les évènements qui vont suivre n’en sont pas moins mystérieux. D’ailleurs, c’est l’existence même de Jonas que la police doit déterminer. L’histoire comporte un large côté sombre, énigmatique, mais l’auteur sait aussi nous faire sourire. La bibliothèque du commissaire (p.99), “œuvre singulière d’ingénierie domestique qui occupait toute l’étendue du mur du salon…”, amusera tous les lecteurs passionnés. Ou encore, après avoir interrogé la secrétaire du médecin : “Elle n’est pas impressionnée par la présence de policiers, dit Welber. — Elle a l’habitude de parler à des fous.” En outre, évoquer les décors de Copacabana ou Ipanema, ça parle à notre imaginaire. Brésil pas si idéal, malgré tout, puisqu’on souligne qu’une partie de la police est corrompue. On le constate, un roman riche en éléments. Et surtout, diablement maîtrisé. |