Inclus le CD « La musique du roman » Nancy est surtout réputée pour sa place Stanislas et pour ses Bergamotes. Mais derrière ces deux façades de prestige, existent aussi celles qui sont décrépites et promises à la démolition. Ainsi Bertin, le maire, envisage la construction, dans la Ville Vieille, d’une nouvelle tour, comparable à celles de la Défense, ce qui n’a pas l’heur de plaire à tout le monde, et notamment à Schoss, le patron du Courrier Lorrain. Madame Simon, de la société CREPIL, qui est directement intéressée dans la construction de ce bâtiment, tanne l’édile afin d’obtenir l’autorisation de la démolition d’un pavillon sis au 41 de la rue Saint-Michel. Patrick, musicien encombré par sa contrebasse, squatte cette maison abandonnée depuis des années, et s’en trouve fort bien. Au moins il est à l’abri, mais pas des mauvaises surprises. C’est ainsi qu’un soir il bute dans le cadavre d’une femme qui git dans l’escalier. Pour éviter les ennuis avec la police qui d’ailleurs patrouille toutes les nuits dans le quartier, il fourre le corps dans la housse de son instrument et à bord de son véhicule antédiluvien direction la décharge. Malheureusement pour lui il ne peut mener à bien son entreprise et est obligé de revenir à son point de départ avec son encombrant colis. Il se débrouillera plus tard avec l’aide de ses amis musiciens, lesquels lui présentent une jeune fille, Véronique, qui ne sait où coucher. Il propose son squat, sa chambre, son lit, un matelas posé à même le sol, et voilà. Il ne se passe rien entre les jeunes gens. A peine des cauchemars récurrents chez Véronique. Pendant ce temps, un déboussolé du sexe ne peut accéder à une érection, puis à la conclusion, qu’en violentant ses partenaires féminines, qui le plus souvent ne sont guère consentantes, avec pour résultat une femme défunte sur les bras. Patrick découvre un nouveau cadavre, dans la buanderie, puis c’est au tour de la secrétaire de Bertin de subir les assauts furieux du tueur en manque. Son cadavre est retrouvé dans un terrain sur lequel la société CREPIL entame des travaux de construction. Et si cela ne suffisait pas, quatre lascars s’acharnent sur Patrick et sa compagne, ce qui vaut au jeune homme un stage à l’hôpital. Ses amis se mobilisent afin que le projet de déconstruction ne soit pas mené à bon terme. Ancré dans les années 70, ce roman met en scène des personnages plus ou moins bargeots, déjantés, psychopathes, qu’ils siègent en haut de la pyramide sociale, ou pataugent dans les détritus du caniveau. Heureusement existent aussi des protagonistes sympathiques. Parmi les figures qui se présentent au fil des pages, je retiens particulièrement celle de Gaulard, le journaliste qui végète depuis plus de quinze ans dans le quotidien où il travaille, constamment rabroué par son patron, dont les articles sont quasiment toujours censurés, mais qui pourtant garde la vocation, l’amour de son métier. Mais c’est également la critique acerbe des pratiques des démolisseurs, des rapaces immobiliers qui n’hésitent pas à tout détruire pour de vulgaires raisons mercantiles. L’écriture est efficace et le ton est empreint d’humour, même dans les situations dramatiques. La scène de poursuite entre deux véhicules dans les rues de Nancy ne manque pas de souffle et le lecteur n’a aucune peine à s’imaginer devant un écran, petit ou grand. Je ne sais pas s’il existe réellement une tour Thiers à Nancy, mais si c’est vrai celui, ou celle, qui l’a baptisée ainsi fait preuve d’humour. La Tour Thiers, celle dans laquelle on fait cuire les quiches lorraines ?
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