Avait-il senti le vent du boulet passer sur la profession de juge d’instruction, nul ne peut le dire, car l’action se déroule en 1983, mais Robert Delarue avait démissionné de sa charge et s’était reconverti comme critique littéraire sept ans auparavant. Il avait quitté Paris pour rejoindre Cambrai d’où est originaire sa femme Mireille, exerçant la profession de dentiste. Delarue s’occupe donc, modestement, de tenir la maison et de préparer les repas. Le mardi soir, alors que Mireille se détend à la piscine, il promène Jules (référence à Maigret ?), le chien, papote avec l’une de ses voisines, Danièle, avocate, ce qui les rapproche un peu plus, en tout bien tout honneur cela de soi, qui fait également le tour du pâté de maison afin de dégourdir les pattes de son corniaud Héloïse, de la gente canine également, ne vous méprenez pas. Depuis quelques temps Delarue a remarqué l’étrange manège d’une autre voisine, belle blonde élancée, qui rejoint un homme l’attendant dans une voiture blanche. Sans nul doute un rendez-vous galant. Delarue est de plus en plus intrigué lorsqu’il se rend compte qu’une fourgonnette suit le véhicule des amants supposés. Une diversion dans la vie calme et rangée de Delarue qui bientôt va s’atteler à une tâche qui ne lui déplait pas : enquêter sur un meurtre. Celui du conducteur de la voiture blanche dont le corps est retrouvé dans le coffre de son véhicule. Alors qu’il était encore juge d’instruction, Delarue avait eu parmi ses « clients » l’homme qui a pour résidence, à son corps défendant, l’habitacle arrière de son véhicule, ce qui le conforte dans cette envie de se plonger dans des recherches peut-être aléatoires. Entre histoire d’amour contrariée et coup de griffes à la société bourgeoise représentée par des industriels et des entrepreneurs, ce roman pourrait être catalogué comme une revisite des univers de Barbara Cartland et Emile Zola. D’accord j’exagère, mais il y a un peu de ça. Le côté fleur bleue interdit, l’homme, le père s’étant depuis des siècles et jusqu’en 1980 érigé en tyran du foyer. Et ce n’est pas une caricature, c’est une réalité rurale et provinciale, un dogme qui persiste encore aujourd’hui. « Tu devrais dire ce qu’a décidé mon père, à ma place et sans me consulter » mais il existe heureusement des rébellions tardives : « Partager ton lit me donnerait l’impression de dormir avec mon père ! ». Celui qui montré du doigt c’est l’homme qui s’insurge contre les progrès sociaux, qui enfreint allègrement le droit du travail, et s’indignait encore en 1970 « scandalisé qu’on ait accordé le droit de vote aux femmes ». Le pater familias dans toute sa splendeur, gérant la vie de sa femme et de sa fille comme si elles étaient ses esclaves, des potiches placées pour le décor et qu’on manipule comme de vulgaires objets. Des chefs de PME qui se réunissent en petites associations fascisantes, dénués de tout scrupule, et ne comprenant pas que des employés, et les membres de leur famille ont envie de se rebeller. Un livre qui sous des dehors gentillets soulève le coin du voile, là où l’ordure pousse.
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