Recevoir des lettres anonymes de dénonciation, pour un fait-diversier travaillant dans un journal local, est monnaie courante. Pourtant conscience professionnelle ou prescience, Mathieu Launet pour une fois ne jette pas à la poubelle le corbeau, au contraire le contenu lui aiguise sa curiosité naturelle. Cette bafouille lui conseille de se renseigner sur les agissements d’un certain Legris ainsi que sur ceux de sa femme. Legris possède un C.V. long comme l’autoroute ferroviaire Lille-Perpignan : kinésithérapeute, ostéopathe, spécialiste des traumatismes du sport et des problèmes neurologiques, diplômé en psychologie, champion d’arts martiaux, conseiller auprès du ministre des sports, numismate et expert en minéralogie, enfin bref quelqu’un que tout le monde trouve éminemment sympathique. Y aurait-il quelque chose de moche derrière cette façade d’immeuble neuf ? Sa femme, quant à elle s’affiche sans pudeur, dans un magazine pornographique, en pleine page, entourée de jeunes hommes habillés en militaires. Peut-être à rapprocher avec le camp de Tarcenans dont il est question dans la lettre. Tout de même pour une directrice de MJC, s’exposer ainsi, c’est de la provocation, même si elle aurait été démise de ses fonctions récemment, selon certaines sources bien informées. Malgré les réticences de son chef de rédaction, Mathieu commence à enquêter sur Legris qui voue une phobie des communistes, dénonçant un péril, malgré des déplacements en Bichkhistan. Et ce ne sont pas ses relations avec le député Roncière qui vont empêcher Mathieu de poursuivre ses investigations. Au contraire. D’abord Mathieu n’apprécie pas du tout le député, alors pourquoi se gêner ? Et quand des rumeurs mettent en cause un homosexuel en forêt de Fontainebleau, des racontars que le commissaire Berche veut prendre à la légère mais qui intéressent fortement Launet, non pas à cause de détails croustillants mais bien parce que Legris et des militaires seraient impliqués dans cette affaire, cela incite le journaliste à continuer ses fouilles. Et puis cela ne peut que lui changer les idées car depuis une semaine Launet n’a pas de nouvelles d’Isabelle, sa copine. Mais une autre Isabelle s’immisce dans sa vie privée, la secrétaire parlementaire du député, et elle en a des révélations à lui fournir, même que cela ne plait pas à son petit ami, une brute aux ordres de Legris et qui écraserait bien notre fait-diversier afin de l’empêcher de mettre son nez là où il ne faut pas. Launet n’aime pas ce genre d’interdit et il n’en faut pas plus pour qu’il s’obstine à remuer la vase et tant pis si les remugles sont trop forts pour nez et âmes sensibles. Ce roman emprunte des thèmes toujours d’actualité, le personnage influent qui s’érige en tyran, la résurgence d’idées nazies, les maltraitances sexuelles auprès de jeunes militaires, des SDF paumés et subissant le rejet d’une frange de la population, la formation de sectes non considérées comme dangereuses. C’est aussi la constatation de dérives occultées par des hommes politiques trop préoccupés par leur avenir. Ainsi que la déficience de rédacteurs en chef de journaux qui ne veulent pas déplaire à ceux qui tiennent les manettes du pouvoir, et parfois de l’argent. Outre l’intrigue, l’auteur nous rappelle que le fait-diversier est par essence chargé de couvrir les événements, quels qu’ils soient, d’où certaines extrapolations, qui coupent parfois le récit, mais le lecteur ne comprendrait pas que le journaliste ne couvre que cette affaire, d’autant que le responsable d’agence n’est pas franchement emballé par ses investigations. Et l’épilogue n’emprunte pas les sentiers balisés auxquels on était en droit de s’attendre, ce qui aussi un bon point. Dommage que le titre du livre soit par trop explicite.
|
Autres titres de didier fohr
Le Pacte
Les Filles Maléfiques
L’ogresse Met Le Feu |