ANDRE FORTIN

Elles étaient trois familles à se partager Massilia.
Il y avait les frères Ounes chef de la bande dite des « Oranais », spécialisée dans la drogue; Casavacchi chef de la bande dite « des Corses », spécialisée dans les braquages et enfin Pipoli, à la tête d’une bande de gitans, spécialisée dans la pute.
Quoique partager ne soit pas vraiment le verbe approprié, il conviendrait mieux de dire à coexister l’arme aux pieds, mais l’arme chargée jusqu’à la gueule…
En d’autres termes à Massila, chez les truands, il y avait deux familles de trop.
Du côté des politiques, se posait aussi un problème de surpopulation… Zéphyrin Monge, suppléant du député Marius Boutefigue, lorgnait le fauteuil de ce dernier. Mais il est vrai que Zéphyrin lorgnait sur les sièges de beaucoup de ses collègues, comme par exemple sur celui du maire de Massilia.
Du côté des autorités administratives, judiciaires et policières, on grenouillait tout autant.

Alors ce qui devait arriver arriva : entre les trois familles, la guerre éclata. Elle fut aussi brève que sanglante : la bande à Ounes truffa de plomb, tour à tour et dans l’ordre, Pipoli et Casavacchi. Mais il est vrai qu’elle bénéficiait de la complicité du préfet, du chef de la police et du procureur adjoint ainsi que de Zéphyrin Monge à qui elle avait promis son soutien lors des échéances électorales à venir. Business is business et tenir le maire de Massilia n’était pas de nature à contrarier le commerce parallèle mais non équitable.
Ainsi donc l’affaire semblait réglée, Ounes contrôlait la truanderie au plus grand profit des politiques en indigestion de couleuvres… à moins que ce ne soit l’inverse… à moins que la famille Ounes ne contrôlât tout pour son unique profit…
L’affaire semblait réglée, du moins en apparence, car en coulisse d’autres intérêts s’agitaient, mondialisation oblige… et qu’en coulisse de la coulisse celui que l’on surnommé « l’Avocat » jouait, au vu et au su de tous, une partition au tempo discordant.

André Fortin avec ce « Deus ex Massilia », sur un ton enjoué et dans un style chargé des embruns méditerranéens, nous convie à une visite guidée, mais fictive, des égouts de la société à l’heure de la globalisation, là où confluent politique, finance et gangstérisme.