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PHILIPPE FEENY |
Seine De CrimesAux éditions KRAKOENVisitez leur site |
2985Lectures depuisLe lundi 3 Aout 2009
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Une lecture de |
Au printemps 1940, le policier Arsène Kalouba est en poste à Rouen, quand il doit enquêter sur le meurtre d’une femme de 26 ans à Fécamp. Alors que son mari était en déplacement, Christine Fontin a été agressée et assassinée chez elle. Principal d’un collège, son mari a disparu. Arsène Kalouba commence son enquête par l’établissement scolaire. C’est surtout le jeune Benjamin qui le renseigne. Plus âgé que son épouse, M.Fontin fait preuve d’une sévérité parfois injuste au collège. Benjamin révèle au policier que le pion Florent Routois, 18 ans, était l’amant de la victime. Ce dernier ne nie pas, admettant même qu’il a dû s’enfuir cette nuit-là, au retour du mari. Florent n’a certainement pas la trempe d’un assassin, d’autant qu’il vénérait Christine. Le cadavre de M.Fontin est bientôt retrouvé en bord de mer, abattu de trois balles. La guerre et ses hasards ne permettent pas de poursuivre l’enquête. C’est la débâcle, puis l’Occupation. Arsène Kalouba et son supérieur trouvent l’occasion d’entrer dans l’entourage de Pétain à Vichy. Sans attendre la fin du conflit, Arsène rejoint le maquis où il sera actif. De son côté, Florent Routois a aussi participé à la Résistance. Quant au jeune Benjamin, c’est à l’issue de la guerre qu’il va traficoter avec les troupes américaines. Le 15 septembre 1944, Arsène Kalouba est de retour à Rouen où, comme son supérieur, il reprend son poste. Collabo avéré, le commissaire Nibot qui les remplaçait a été exécuté. Un peu plus tard, on demande à Arsène d’enquêter sur le meurtre d’une jeune femme qui s’est produit le 19 avril 1944, lors d’un bombardement sur Rouen. En effet, la mise en scène est identique que pour Christine Fontin. Si le policier interroge quelques proches de la deuxième victime, il pense que le criminel n’a pas interrompu ses meurtres durant la guerre. On recense finalement une dizaine de cas de femmes disparues pouvant correspondre. Une troisième victime, Marika, vient d’être assassinée dans une auberge rouennaise. La personnalité de cette jeune femme, aux mœurs très libres et ayant détourné un lot de louis d’or, ne simplifie pas les investigations d’Arsène. Entre des musiciens de jazz et un professeur veuf qui souhaitait faire le bonheur de Marika, le policier ne veut rien exclure. Le suspect est un homme robuste, tel ce professeur qui n’a pas d’alibi. Mais il se peut que le grand blond costaud qu’on cherche ait été un des sbires du commissaire Nibot. Une fuite d’eau inondant une cave va permettre de faire progresser l’affaire… Il pourrait s’agir d’un bon roman d’enquête dans la tradition, avec ses énigmes et ses hypothèses. Effectivement, nous avons là un policier plutôt flegmatique, dont la vie privée est esquissée, sachant s’adapter aux circonstances, professionnel consciencieux exploitant les indices et explorant toutes les pistes. Classique, la forme reste absolument convaincante. C’est évidemment dans le contexte que cette histoire offre toute sa saveur. Car l’auteur reconstitue avec une belle habileté le climat de ces années 1940-45. Dans les faits historiques, bien sûr, avec les dégâts causés par la guerre à Rouen. Dans cette période trouble d’après-guerre, de la liberté retrouvée, mais aussi de l’Épuration. Et surtout, dans les comportements individuels de l’époque. Les repères de la moralité, de l’honnêteté, ceux qui différencient le héros du salaud, furent bien relatifs (Kalouba côtoyant la Maréchale Pétain ou Nibot fréquentant la Gestapo). Le cas de Marika est particulièrement éloquent sur le fait de profiter des évènements. Si l’intrigue criminelle est correctement menée, c’est dans cette ambiance-là que ce roman puise son caractère, son intérêt. Après “L’Oranaise”, déjà très réussi, Philippe Feeny confirme ses qualités.
Alors que les Allemands s’approchent rapidement de la Normandie après avoir investit la Somme, en ce 27 mai 1940 l’inspecteur Kalouba, de la brigade criminelle de Rouen est envoyé enquêter sur le meurtre de la jeune femme du Principal d’un collège privé de Fécamp. Le corps de cette jeune enseignante des Beaux-Arts et de l’école de musique a été découvert étranglé dans son lit, le visage badigeonné d’une crème blanchâtre, la bouche barbouillé de rouge à lèvres, vêtue d’une simple nuisette et la toison pubienne recelant des traces de sperme. Une mise en scène pour le moins macabre. Le mari a disparu et à juste titre est soupçonné, mais lui aussi ne pourra plus nier ou avouer son crime. Son corps est retrouvé flottant près d’Etretat. Kalouba est rappelé à Rouen, d’autres tâches attendent les policiers et après quelques pérégrinations il va émigrer à Vichy, escortant la femme du Maréchal et jouant le rôle de chevalier servant. En avril 1945 de retour au bercail, dans une ville de Rouen sinistrée par les bombardements d’avril 1944, il se voit confier un dossier qui n’est pas sans évoquer celui avorté de Fécamp. Une femme a été assassinée selon le même procédé que la jeune professeur de Fécamp. Même petite taille, même apparence, et même appartenance au milieu musical. Des points communs qui relient les deux affaires. Alors que Kaluba et son équipe entament leur enquête une nouvelle affaire leur tombe sur les bras. Un troisième cadavre de jeune femme est retrouvé dans les mêmes conditions et il leur faut rechercher les similitudes, les points communs,, les relations communes. D’autant qu’en extrapolant sur les années de guerre, ils supposent que d’autres disparitions mystérieuses n’auraient pas forcément été déclarées en leur temps, à cause de la débandade qui frappait la population. En appliquant le petit jeu du pour et du contre, je relèverai pour le contre l’impression de déjà lu à moult reprises ce genre de scénario. Mais le final lui est trépidant et assez innovant. Toujours pour le pour j’avancerai comme bonne impression les phrases sculptées au rasoir, qui ne manquent pas parfois de poésie, les dialogues concis et percutants, la description historique brève et neutre de la guerre et du rôle des policiers durant la période de Vichy, et puis cette petit musique chaleureuse empreinte du jazz d’après guerre. D’ailleurs Kaluba, le narrateur déclare : Mon père raffolait de la musique russe : Moussorgski, Tchaïkovski, Borodine et Rimski, vous imaginez ! Shéhérazade, Le Prince Igor et Casse-noisette me cassaient les pieds ; il ne supportait qu’une exception : la mer de Debussy ; il nous lassait souvent et la commentait avec de terribles histoires de naufrage. Il y a bien longtemps de cela ! Des goûts plus légers se sont emparés de mes sens : Ray Ventura, Charles Trenet, et de Trenet au jazz il n’y a qu’un pas que je franchis au milieu des années trente. Ça bougeait assez à l’époque : Django, Grapelli, Benny Goodman, et, lorsque je tombais par hasard sur les enregistrements réalisés par le patron du Hot Club de France à La Nouvelle Orléans : Tommy Ladnier, Mezzrow, et à la suite, j’étais converti, mûr pour le Dixieland, les Lorientais, Claude Luter et Bechet. Seul petit bémol, Claude Luter et Les Lorientais n’ont commencé à jouer ensemble qu’en avril 1946 dans les caves de Saint-Germain des prés, et plus précisément dans celle du Lorientais d’où le nom de la formation. Drôlement fortiche l’inspecteur Kaluba, qui connaissait ce groupe en avril 1945. Mais ceci est une autre histoire. Seine de crimes reste une agréable balade dans les environs de Rouen |
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