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PAUL FEVAL |
La Fabrique De CrimesAux éditions LA CREME DU CRIME - OUEST-FRAN |
1184Lectures depuisLe jeudi 15 Aout 2008
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Une lecture de |
Paris, au 19e siècle. Rue de Sévigné, la nuit s’annonce agitée. Deux mystérieuses bandes sans pitié s’opposent depuis quelques temps. Le docteur Fandango, aussi nommé Le fils de la Condamnée, dont les origines sont aussi lointaines que compliquées, dirige le premier groupe. La belle Mandina de Hachecor, le cocher Mustapha issu de l’aristocratie, Silvio Pellico et leurs amis sont fidèles à Fandango. Leurs adversaires appartiennent à la sinistre bande du Duc de Rudelame-Carthagène. Plusieurs décennies plus tôt, ce vieillard s’exila à Londres. C’est là que sa carrière criminelle prit son essor ; là qu’il affronta pour la première fois le docteur Fandango. Alors que les dangereux Messa, Sali et Lina, sicaires du Duc, complotent en un coin sombre de la rue de Sévigné, une explosion se produit. La déflagration cause soixante-treize victimes, créant une terrible pagaille. Peu avant, la jeune Elvire s’était réfugiée chez les Piqueuses de bottines réunies. Venant d’accoucher, elle raconte son étrange histoire à celles qui l’accueillent (les Piqueuses sont dans le camp de Fandango). Le Duc de Rudelame est le bisaïeul d‘Elvire. Elle n’ignore rien de son parcours sanglant. La jeune femme tomba sous le charme de Coriolan Fandango, l’ennemi juré du vieux Duc. Le bébé qui vient de naître est fruit de leur amour. Bien qu’ayant épousé Fandango, Elvire fut séquestrée par son bisaïeul durant toute sa grossesse. Elle tenta de fuir par le caveau de sa famille, où elle découvrit d’étonnant prisonniers. Le Duc lui fit croire que son union avec Fandango était illégitime, contre nature. Mieux valait encore la marier au cruel Messa. Quand le palais du Duc fut ravagé par un incendie, Elvire profita de la confusion pour fuir et accoucher. Sur sa trace, Messa et ses complices cherchent à tuer son bébé. Mais le généreux Mustapha veille et intervient. Pourtant, Elvire et le bébé du docteur Fandango ne sont pas encore hors de danger... Paul Féval (1817-1887) fut un des grands maîtres de la Littérature populaire. “Les mystères de Londres” ou le cycle “Les Habits Noirs” figurent parmi les premiers romans de la catégorie « policiers ». “La fabrique de crimes” (1866) a été moins réédité. Bonne initiative que de l’intégrer dans la collection « La crème du crime » proposée par Ouest-France (été 2008). Cette histoire burlesque parodie les mélodrames rocambolesques publiés à l’époque en fascicules (à un sou) ou dans les journaux. Elle n’est pas dénuée d’autodérision, Féval ayant lui-même beaucoup écrit, et usé des clichés les plus caricaturaux. Cette version, comique jusqu’à l’absurde, est absolument exquise. L’outrance des personnages (les uns sombres criminels, les autres ayant vécu tant d’aventures) est d’une remarquable drôlerie. À lire, évidemment, au second degré. Un roman à redécouvrir, un vrai régal ! Voici quelques extraits de “La fabrique de crimes” : “Depuis quatre minutes au moins, mon bisaïeul méditait un nouveau forfait. Il avait dans sa poche un cric de Malaisie, empoisonné avec un art extraordinaire et dont la lame, bizautée selon certaines règles mathématiques, faisait des blessures mortelles qui ne laissaient aucune trace. Sans faire semblant de rien, il introduisit sa main sous le revers de sa redingote, il y prit le cric, et crac, au moment où le docteur Fandango le croyait occupé à préparer sa sortie, il lui plogea l'arme malaise dans le sein gauche jusqu'au manche...” “Au centre de la pièce mon bisaïeul, que je reconnus seulement à son visage de hibou, car un costume de lancier polonais dissimulait sa vétusté, mettait la dernière main à l'appareil électrique. Je crus être le jouet d'un rêve jusqu'au moment où on donna le signal, qui était un chant d'alouette, à cause de l'heure matinale.Mon bisaïeul retroussa aussitôt les manches de son uniforme, et se mit en devoir de passer l'appareil à travers nos corps. Je ne pus m'empêcher de jeter un cri...” “Vous êtes par conséquent la femme du père incestueux, adultérin et bigame de votre bisaïeul ! Je crois qu'un pareil fait ne s'est jamais produit dans les oeuvres d'imagination !” “Ils prirent place à table. Boulet-Rouge dissimulait avec le plus grand soin son cercueil d'enfant qui aurait pu le trahir. Et à propos d'enfant, on s'étonnera peut-être de voir Elvire s'occuper si peu du sien. Elle était mère depuis une heure à peine. Elle n'en avait pas encore l'habitude...”
: . Collection Labyrinthes. 160 pages. S’il faut en croire l’auteur dans sa préface, chaque chapitre de ce court roman contiendra soixante-treize assassinats ! Evidemment, ceci n’est qu’une accroche propre à méduser, surprendre et estomaquer le futur lecteur. Car il ne faut pas oublier que les romans en ce XIXème siècle paraissaient en priorité en feuilletons, et Paul Féval savait que pour appâter le lecteur, le début se doit d’être assez mystérieux et surprenant. Aussi, l’écriture de la préface n’est pas confiée à un spécialiste, un confrère ou un critique littéraire, mais il se charge lui-même de la rédiger, annonçant la couleur : Nous aurions pu, imitant de très loin l’immortel père de Don Quichotte, railler les goûts de notre temps, mais ayant beaucoup étudié cette intéressante déviation du caractère national, nous préférons les flatter. C’est pourquoi, plein de confiance, nous proclamons dès le début de cette œuvre extraordinaire, qu’on n’ira pas plus loin désormais dans la voie du crime à bon marché. Nous savons tous que les records sont faits pour être battus, et le bon Paul Féval s’il vivait aujourd’hui verrait ses cheveux se dresser sur sa tête s’il lisait certaines productions. Pourtant, toujours dans sa préface, ne seront pas comptés les vols, viols, substitutions d’enfants, faux en écriture privée ou authentique, détournements de mineures, effractions, escalades, abus de confiance, bris de serrures, fraudes, escroqueries, captations, vente à faux poids, ni même les attentats à la pudeur, ces différents crimes et délits se trouvant semés à pleines mais dans cette œuvre sans précédent, saisissante, repoussante, renversante, étourdissante, incisive, convulsive, véritable, incroyable, effroyable, monumentale, sépulcrale, audacieuse, furieuse et monstrueuse, en un mot Contre nature, après laquelle, rien n’étant plus possible, pas même la Putréfaction avancée, il faudra, Tirer l’échelle ! Mais avant d’aller plus loin dans cette mini étude, je vous propose de découvrir l’intrigue dans ces grandes lignes. Dans la rue de Sévigné, trois hommes guettent dans la nuit la bâtisse qui leur fait face. Ce sont les trois Pieuvres mâles de l’impasse Guéménée. Ils ont pour crie de ralliement Messa, Sali, Lina, et pour mission de tuer les clients du docteur Fandango. L’un d’eux tient sous le bras un cercueil d’enfant. Un guetteur surveille les alentours, placé sur la Maison du Repris de Justice. Ils ont pour ennemis Castor, Pollux et Mustapha. Ce dernier met le feu à une voiture qui sert à transporter les vidanges des fosses dites d’aisance et derrière laquelle sont cachés les trois malandrins. Sous l’effet de la déflagration, les trois hommes sont propulsés dans les airs, mais le nombre des victimes de l’explosion se monte à soixante-treize. Le docteur Fandango s’est donné pour but de venger la mort d’une aristocrate infidèle, homicidée par son mari le comte de Rudelane-Carthagène. Les épisodes se suivent dans un rythme infernal, tous plus farfelus, baroques, insolites et épiques les uns que les autres. Tout autant dans la forme que dans le fond, dans l’ambiance, le décor, les faits et gestes des divers protagonistes. Ce malfaiteur imita le cri de la pieuvre femelle, appelant ses petits dans les profondeurs de l’Océan. Avouez que ceci nous change agréablement de l’ululement de la chouette ou du hurlement du loup, habituellement utilisés par les guetteurs et par trop communs. Et puis dans les rues nocturnes parisiennes, au moins cela se confond avec les bruits divers qui peuvent se produire selon les circonstances. Paul Féval ironise sur les feuilletonistes qui produisent à la chaîne, lui-même en tête. Derrière eux venait le nouveau mari de la jeune Grecque Olinda. Nous ne sommes pas parfaitement sûrs du nom que nous lui avons donné, ce doit être Faustin de Boistord ou quelque chose d’analogue. Il est vrai que parfois les auteurs se mélangeaient les crayons dans l’attribution des patronymes de leurs personnages, rectifiant après coup sous les injonctions des lecteurs fidèles, intransigeants et attentifs. Le sensationnel est décrit comme s’il s’agissait de scènes ordinaires, mais qui relèvent du Grand Guignol : Bien entendu, les malheureuses ouvrières, composant l’atelier des Piqueuses de bottines réunies, avaient été foulées aux pieds et écrasées dès le premier moment ; elles étaient maintenant enfouies sous les cadavres à une très grande profondeur, car le résidu de la bataille s’élevait jusqu’au plafond et les nouveaux venus, pour s’entr’égorger, étaient obligés de se tenir à plat ventre… Le sang suintait comme la cuvée dans le pressoir. Tout cela est décrit avec un humour féroce, débridé et en lisant ce livre, le lecteur ne pourra s’empêcher de penser aux facétieux Pierre Dac et Francis Blanche dans leur saga consacrée à Furax ou à Cami pour les aventures de Loufock-Holmès, ainsi qu’à Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain. A la différence près que Paul Féval fut un précurseur, et ces auteurs se sont peut-être inspirés, ou influencés, par cette Fabrique de crimes. Nous sommes bien loin de l’esprit du Bossu et autres œuvres genre Les Mystères de Londres, Alizia Pauli, Châteaupauvre, ou encore Les Habits Noirs, Les Couteaux d’or ou La Vampire. Quoi que… Ce roman est offert gracieusement pour l’achat de deux romans de la collection Labyrinthes et n’hésitez pas à le réclamer à votre libraire distrait s’il oublie de le glisser dans le sac contenant vos achats. Vous pouvez bien évidemment consulter le catalogue de la collection Labyrinthes des éditions du Masque et lire mes articles consacrés à quelques-uns des ouvrages proposés : Rubis sur l’ongle de Fortuné du Boisgobey, La franc-maçonnerie des femmes de Charles Monselet, Jaune sable de Viviane Moore, L’enlèvement de Louis XIV de Jean d’Aillon ou encore Les loups de la Terreur de Béatrice Nicodème |
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