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LIONEL FINTONI |
Il Ne Faut Jamais Faire Le Mal à DemiAux éditions L'AUBE NOIREVisitez leur site |
1029Lectures depuisLe mardi 19 Septembre 2017
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Une lecture de |
La société de la famille Mahoudi est florissante, fournissant en produits divers beaucoup de points de vente à Paris et en Île-de-France. Ils sont d’origine kabyle. Kamel, le père, en a fait une entreprise commerciale prospère. Malik, le fils, gère au mieux leurs activités. Il s’associe à un copain passionné de moto pour d’autres livraisons plus illicites. Les mafieux russes paient bien, un apport financier à ne pas négliger. Quant à ses employés, Malik doit être vigilant. Ses fourgonnettes pourraient servir à certains trafics. La religion musulmane est prétexte à des comportements irréguliers, possiblement extrêmes. Affaibli, son père reste néanmoins de bon conseil, ayant un peu anticipé ces problèmes. À Saint-Cloud, la clinique du docteur Bellefond est réputée pour la chirurgie esthétique. On y accueille une clientèle de haut niveau. Telle Isabelle Caillerai, épouse d’un politicien, ou Aïcha, princesse des émirats arabes. Future mariée, cette dernière a besoin de retrouver sa virginité. Elle est aussi là pour sa sœur, qui aurait besoin d’une intervention spécifique. Kyril Annaviev, partenaire en affaires du Dr Bellefond, s’occupe de ces aspects en marge de la chirurgie ordinaire. Il confie ces cas à un expert russe, Oleg, qui devient d’ailleurs de plus en plus exigeant sur sa rémunération. Kyril Annaviev dispose d’une équipe de voyous venus de Russie, prêts aux missions les plus glauques, parfois trop expéditifs. Sammy est un jeune reporter-photographe qui peine à fournir des sujets vendeurs. Cette fois, il pense tenir de l’exceptionnel. Certes, les mafias russes sont un thème sensible, et la prudence s’impose. En contact avec une mannequin des pays de l’Est, Sammy rôde dans un bar interlope fréquenté par des hommes de main au service de cercles mafieux. Il finit par situer leur principal employeur, une clinique de Saint-Cloud. Aussi discret pense-t-il être, Sammy est bientôt intercepté par ces sbires brutaux. Vu leurs méthodes, voilà un tracas supplémentaire à régler rapidement pour Kyril Annaviev. Quant à se fournir pour répondre aux besoins chirurgicaux spéciaux, ça devient moins facile ces temps-ci. Alain Dormeuil a longtemps été un baroudeur au sein de la police, évoluant dans certains milieux troubles. Quand son ami Didier, médecin humanitaire soignant en particulier des populations Roms, fait appel à lui, il y a de quoi hésiter. Bien sûr, plusieurs enfants de leurs clans ont été kidnappés ou même tués. Et ce ne sont pas leurs adversaires Gitans ou autres marginaux qui sont en cause. Mais avec des caïds Roms comme Ivo, pas simple de se sentir en confiance. Heureusement, la belle Marjiana Bromiscu va servir d’interprète, et aidera le policier à cerner l’affaire. D’un côté, Dormeuil n’est pas insensible au charme de Marjiana. De l’autre, la jeune femme de vingt-et-un ans veut quitter son univers, le clan. Informé de pratiques médicales concernant les enfants Roms, Dormeuil tient une piste. Son ami Max, flic déclassé, est sans doute assez fiable pour l’aider. Mais la DGSI garde un œil sur tous ceux qui approchent le scabreux Kyril Annaviev ; y compris sur l’entreprise de Malik Mahoudi. Des dirigeants occultes décideront de "faire le ménage" le moment venu, et pas seulement dans les rangs des Russes mafieux… (Extrait) “Alain veut poser une question, mais Didier lui fait un signe de la main pour lui dire d’attendre. L’homme dans le coin le regarde toujours fixement. Et puis récemment, deux enfants d’un autre camp ont été attaqués. Une fille a disparu et un garçon a été retrouvé mort sous des bâches et des cartons dans une traverse. Ils ont été tués par des professionnels, aucun doute là-dessus. Le gamin n’a eu aucune chance. Un Gitan a parlé de voitures noires, d’hommes qui ne parlent pas. Trois jours plus tard, des enfants sont allés dans un ancien camp que la préfecture avait fait évacuer, pour voir ce qu’il y avait à récupérer avant l’arrivée des bulldozers. Ils ont trouvé le corps de la petite. Ils sont revenus chercher les hommes. Ils ont ramené la petite dans son camp. Les femmes ont commencé à la laver pour l’enterrement rom et c’est là qu’elles se sont mises à hurler, à dire qu’il y avait un monstre autour des camps.” Lionel Fintoni nous présente ici un roman noir s’inscrivant dans un contexte actuel, autour de Paris. Sans être réellement un défaut, la construction sinueuse du récit exige que le lecteur soit très attentif. Le schéma correspond plutôt à un scénario cinéma ou téléfilm, où la succession de scènes et d’ambiances est visualisée par le spectateur. Dans un roman, on ne s’adapte pas forcément illico à ces brusques différences – entre les taudis des camps Roms, une chic clinique clodoaldienne et l’entreprise d’une famille kabyle, entre autres. Rien qui soit insurmontable, la lecture apparaît simplement moins fluide. Toutefois, on n’éprouve aucune difficulté à reconnaître les protagonistes, à suivre chacun dans les péripéties – souvent tendues ou même fort dangereuses – qu’ils vont traverser. En filigrane, cette fiction pose des questions sociétales. Sur l’impossible intégration de la majorité des populations venues de Roumanie, tant que persiste un fonctionnement clanique. Sur les nervis venus des pays de l’Est, de la Russie jusqu’aux Balkans, évoluant en toute liberté dans nos pays, "terrain de jeu" sans loi et sans limite. Sur d’odieux trafics, auxquels s’associent sûrement des personnages issus de hautes sphères. Et sur le rôle de nos services de police, face à tout cela. L’enquête d’Alain Dormeuil n’est qu’officieuse. Au-dessus de lui, on manipule les faits : “…la vérité est arrangée, aseptisée et le mensonge est distillé avec précaution, mélange de faux messages et de judicieuse dissimulation.” La morale n’est pas sauve, mais on préserve un équilibre artificiel. Si la structure de cette histoire est complexe, c’est que notre monde l’est tout autant. |