le chat qui tombe – et autres histoires noires de René FREGNI


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RENE FREGNI

Le Chat Qui Tombe – Et Autres Histoires Noires


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Le mercredi 31 Mai 2017

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René FREGNI




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Les interventions d’un écrivain à la prison des Baumettes peuvent avoir des conséquences tendrement souriantes. Quand “Le chat qui tombe” se retrouve coincé dans une partie des bâtiments qu’on n’approche plus guère, il miaule à répétition, il appelle au secours. Car ce n’est qu’un chaton, que sa mère n’est pas parvenue à sortir de ce mauvais pas. L’animal en détresse n’est évidemment le souci principal des gardiens. Le récupérer et l’adopter ? Il est bien possible que la vie de l’écrivain et de sa fille en soient quelque peu modifiées…

Même en cette nuit de Noël, “L’homme qui passe” dans cette bourgade provençale n’est probablement le bienvenu nulle part. Il ne cherche pas à se faire remarquer. D’ailleurs les rues ne sont guère animées. Néanmoins, il a comme un point de repère ici. C’est l’ancien couvent, devenu l’hôpital de la ville. “Au dernier étage, la maternité brillait de tous ses feux, paquebot prêt à appareiller vers les merveilles et les tumultes du monde…”

À Marseille, “Le ballon” est une passion partagée par toute la population. Le football, le club adulé qu’est l’OM. Pour beaucoup de jeunes, le mythe est tout autant associé à des images d’enfance. Aux matchs disputés entre divers quartiers de la ville, sur des terrains approximatifs. Même ceux qui finissent aux Baumettes s’en souviennent peut-être.

S’il raconte “La nuit de l’évasion”, c’est que le jeune Rémi, quinze ans, est incarcéré à la prison d’Aix-en-Provence. Tout a commencé par un coup de folie de son copain Rocky. Ce dernier n’avait aucune raison de braquer un buraliste, ni de tirer. Rémi n’a rien fait, rien vu venir, mais il est malgré tout complice. La prison est un univers auquel personne n’est préparé, surtout pas un ado sans histoire. Heureusement pour lui, Rémi est mis en cellule avec Manu. Derrière les barreaux depuis trois ans, cet Espagnol de presque dix-huit ans a son propre parcours, qu’il ne renie pas. L’épreuve, pour Rémi, c’est aussi d’être séparé de Marie, sa petite amie. Une lettre de rupture ne suffirait pas à entamer l’espoir de la revoir. Attendre que passe les années, isolé par ces hauts murs, en s’adaptant à la vie carcérale ? Bien qu’il sache qu’aucune évasion n’ait jamais réussi depuis ce centre pénitentiaire, Rémi ne songe qu’à fuir cet enfer. Une date précise peut l’aider dans son projet insensé.

À Manosque, un femme troublante lui vend – ou plutôt, lui confie – un rubis d’une valeur inestimable. Ayant vérifié son authenticité, il réalise que cette pierre précieuse n’est pas sans rapport avec l’histoire de la ville. Surtout avec cette “Vierge noire”, joyau de l’église Notre-Dame-de-Romigier. Que le rubis soit maléfique, rappelant de sombres époques lointaines, c’est à craindre. D’autant que des hommes en noir le surveillent. Être enfermé dans l’église, en découvrir la crypte et autres mystérieux secrets, c’est pour lui courir un grand danger. Il a caché le rubis, mais résister à la menace est difficile.

C’est à cause de la misère que Valentin a malencontreusement tué un vieil homme. Il se trouve enfermé pour dix ans dans une lugubre forteresse, seul dans un cachot. Il risque de sombrer dans la folie, ce que lui prédit le gardien. Grâce à Marilou, il ne va plus voir le temps passer. Malgré l’improbable amitié qui les rapprochent, “Marilou et l’assassin” se tiennent agréablement compagnie…

(Extrait) “La prison abrite un peuple d’enfants blessés et dangereux. Chaque but qu’ils marquent claque comme une évasion. Du haut des miradors, les surveillants écoutent gravement ces cris de guerre rebondir sur les murs. Ces hommes n’ont plus d’âge, leur patrie est le temps. J’imagine qu’à cette seconde, des milliers d’hommes perdus poussent les mêmes cris en tapant dans un ballon, les yeux brûlés de révolte dans les prisons de Tétouan, Cadix, Valladolid et l’île de Ré. Les prisonniers et les footballeurs ont en commun cette forme de voyage que l’on nomme transfert. Ceux-ci vont d’un club à l’autre liés par les milliards, les autres d’une maison d’arrêt à une maison centrale les pieds entravés par des chaînes, des bracelets aux mains. Dans les avions de luxe comme dans les fourgons cellulaires, tous rêvent de pelouses vertes et de ballons blancs. Une mystérieuse complicité d’amitié et de clameur relie ces hommes. Les footballeurs aiment les voyous…”

Il s’agit d’un recueil de six nouvelles. Il serait plus exact de parler de "contes". Car c’est dans le respect de ces histoires courtes que s’inscrit René Frégni. Ces textes font-ils partie de la catégorie "polar" ? Cela n’a aucune importance. Pourtant oui, leur contexte n’en est pas éloigné. Car il est question de crimes, de prisons, d’évasion, de mystères, et surtout du destin d’une poignée de personnages. N’est-ce pas ce qui importe en priorité ?

Il y a mille manières de raconter. On peut se contenter d’une tonalité linéaire, suivre le déroulement factuel du récit. Écrivain émérite, René Frégni privilégie une souplesse narrative bienvenue, teintée de poésie, de tendresse. On passera d’une terrasse de café, d’où tout homme observe les jolies femmes, à une sombre cellule de prison, où subsistent dans les têtes des mâles ces images de l’idéal féminin.

S’il n’occulte pas la part noire en chacun de nous, il n’en retient pas un aspect malsain. "Fatalitas !" criaient autrefois les bagnards. Le hasard et la fatalité conditionnent souvent le sort des repris de justice. Mais, comme l’auteur, on peut espérer qu’apparaisse une facette plus lumineuse.

Notons encore un hommage à Francis Cabrel, et l’omniprésence footballistique chez les Marseillais dignes de ce nom. L’auteur en présente le côté positif ; oublions donc les excès que cette passion engendre quelquefois. Voilà un recueil de nouvelles d’excellent niveau.

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