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JEAN-PIERRE FERRIERE |
Ma Mort Aura Ton VisageAux éditions CAMPANILEVisitez leur site |
3278Lectures depuisLe mardi 6 Aout 2013
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Une lecture de |
Être placée dans une institution en Suisse, même si c’est pour son bien, pèse pour Anne qui s’ennuie. Elle s’enfuit et rejoint sa mère à Cannes. Jessica fait contre mauvaise fortune bon cœur, ce qui est une façon de s’exprimer car elle possède une immense fortune héritée de son premier mari, le père d’Anne. Il était le propriétaire d’un laboratoire de parfumerie et produits divers de maquillage dont a héritée Jessica, mais est décédée dix ans auparavant. D’ailleurs entre son père et Anne, il n’y avait guère d’affinités. Et puis Julien, son beau-père, déclare au contraire qu’Anne a bien fait de venir les retrouver. Il est vrai qu’Anne s’entend mieux avec Julien qu’avec Jessica sa mère. Oui, quand j’écris s’entend bien, c’est à prendre au figuré car Anne est sourde et muette, et elle tient dans sa main en permanence un tableau ou un bloc de papier, ce qui lui permet de converser plus facilement, même si elle sait lire sur les lèvres. Amado, un jeune dragueur, aborde Anne qui est amusée par la tête du jeune homme lorsqu’elle lui apprend son handicap. Mais Anne, si elle n’a pas encore connu le loup, comme il était écrit dans les bons vieux romans à l’eau de rose, n’est pas pimbêche pour autant et ils deviennent rapidement amis. D’autant qu’elle lui offre quelques billets, car Amado est fauché. Julien est musicien, pianiste, auteur-compositeur. Pour l’heure il n’est pas encore très connu, mais cela ne saurait tarder. Corinne, une jeune chanteuse qui se produit à Cannes interprète quelques-unes de ses chansons. Ce n’est pas encore la gloire mais qui sait. Jessica connait quelques personnes influentes dans le milieu musical et elle lui arrange un rendez-vous avec un producteur télé qui éventuellement pourrait recourir à ses services pour la bande annonce d’une série. Seulement Jessica est jalouse et elle soupçonne qu’entre Corinne et Julien, ils ne se contentent pas d’échanger des partitions et qu’ils sont sur la même longueur d’onde. Elle n’a pas tort. D’ailleurs Anne non plus n’est pas dupe et elle demande à Amado de surveiller Julien et Corinne, puisqu’il peut se déplacer rapidement et incognito avec sa moto. Et elle a rapidement conformation de ses soupçons. Julien se rend à Paris afin de rencontrer le producteur conseillé par Jessica et retrouve par hasard un ami avec lequel il a effectué son service militaire en Algérie. Pendant ce temps Jessica se renseigne sur Corinne et une soirée est prévue. Avec peu de personnages, Jean-Pierre Ferrière monte une intrigue savamment agencée et si le lecteur pense connaître la solution finale, s’il croit anticiper les événements en imaginant tel ou tel épilogue, il se trompe. Car tout l’art de Jean-Pierre Ferrière est de savoir faire monter la pression, le suspense, et en maître machiavélique il dirige à sa guise ses différents protagonistes, y compris le lecteur. Le thème de la femme fortunée remariée avec un homme plus jeune qu’elle, ne possédant pas un fifrelin, et attiré par une jolie jeunette, est un thème que l’on pourrait penser éculé. Le théâtre de boulevard et les vaudevilles l’ont largement exploité et pourtant tout n’a pas encore été exploré. Jean-Pierre Ferrière se complait à décrire les relations Homme-femme (vous mettez le pluriel où vous voulez), et en peu de mots il croque psychologiquement ses créatures avec justesse et finesse. Point n’est besoin de longs paragraphes ennuyeux, en quelques lignes tout est décrit. Avec simplicité, fluidité et limpidité. Ce roman se déroule au début des années soixante, ce qui lui apporte une saveur particulière. Les prolétaires roulent en 2CV ou en Dauphine, et ils découvrent des musiques nouvelles dont le jerk.
Sourde et muette, âgée de dix-huit ans, Anne Marezki vient habiter à Cannes chez sa mère, la riche Jessica. Veuve, celle-ci a hérité de l'immense fortune de son premier époux, un industriel de Grasse. Elle est mariée depuis cinq ans à Julien Valoret, compositeur et auteur de chansons. Solitaire, Anne communique en écrivant sur une ardoise ou un bloc. Elle se sent de grandes affinités avec Julien. Le couple Valoret bat de l'aile, pas seulement à cause de leur différence d'âge. Elle a quarante-quatre ans, lui trente-cinq. Bien que terriblement jalouse, Jessica a toléré quelques passades de son séducteur de mari. Elle imagine à juste titre que la relation de Julien avec la chanteuse Corinne est plus sérieuse. Effectivement, Julien est amoureux, au point d'envisager de quitter sa femme. Toutefois, ayant connu des temps difficiles, il n'a aucune envie de se retrouver sans argent. Anne a fait la connaissance du jeune Amado. Motard marginal, il apporte de la fantaisie dans la vie de la handicapée. Ils deviennent bientôt amants. Anne observe sa mère et son beau-père, devinant que ça ne tourne plus rond. D'ailleurs, Jessica a engagé un détective privé pour espionner Julien et Corinne. Tous deux jouent la comédie du professionnalisme devant lui. Dans le même temps, Julien a acquis une petite maison près de Bûgnes, pour Corinne. Dans ce village isolé, ils peuvent se rencontrer en cachette. L'idée d'assassiner Jessica commence à germer dans l'esprit de Julien. Un soir, il sabote la voiture de son épouse, espérant causer un accident mortel dès le lendemain. Pourtant, cette première tentative de meurtre va tourner court. Anne et Amado sont intervenus à temps. La jeune fille commence à éprouver de l'hostilité pour son beau-père. Les hasards de la vie vont offrir une solution à Julien. Il se déplace à Paris pour un rendez-vous avec Rodolfi, producteur de séries-télé ayant besoin de musiques pour ses films. Se baladant dans les quartiers qu'il fréquenta, Julien retrouve son ancien copain Maxime. Ce petit délinquant fauché sort d'un séjour de trois mois en prison. Le peu honnête Maxime Thomassin vit avec Ginette, ouvreuse dans un cinéma. Le trio passe la soirée ensemble. L'alcool aidant, un plan est bien vite organisé par Maxime et Julien pour supprimer Jessica. La maison de Bûgnes, dont Corinne s'est lassée, servira à attirer la victime. Il suffira d'exciter la jalousie de Jessica pour que ça fonctionne. Pendant ce temps, Julien disposera d'un alibi incontournable... La plupart des romans de Jean-Pierre Ferrière sont des comédies policières gardant une tonalité amusée, voire une ironie bienvenue. Ce titre apparaît un peu plus sombre que les autres. Malgré le contexte “dolce vita–Côte d'Azur–années 60”, l'ambiance n'est pas si festive. Probablement parce que mari et femme forment une belle paire d'égoïstes. Elle ne s'intéresse pas à sa fille, et entend garder ce mari qu'elle a acheté avec sa fortune. Quant à lui, sans doute est-il amoureux d'une autre, mais c'est autant à la liberté et à son confort qu'il pense. Malgré son handicap, Anne est assurément la plus lucide et la moins pitoyable dans cette histoire. Elle seule donne un peu de luminosité, par rapport à la grisaille qui règne sur Julien et Jessica. S'il y a quelques seconds rôles (Amado, Corinne, Maxime, Ginette), l'essentiel de l'intrigue tourne autour de ce trio. Inutile d'alimenter une intrigue avec une ribambelle de protagonistes, de créer une confusion factice, alors que c'est juste sur ce couple que plane la mort. On ne répétera jamais assez que la fluidité narrative est le premier atout des meilleurs auteurs, tel que J.P.Ferrière. Bien sûr, aucun temps mort dans ce récit, dont le dénouement s'avère excellent. En nous proposant ces nouvelles rééditions au format poche, les Éditions Campanile ont pris là une initiative de bon aloi. |
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