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CADAVRES EXQUIS |
L'angle MortAux éditions MERCURE DE FRANCEVisitez leur site |
1548Lectures depuisLe samedi 11 Mai 2013
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Une lecture de |
Imbert, simple quidam, est dans sa voiture. Un camion le bloque, livrant un panneau de verre pour la vitrine d’une boutique. Dans le reflet dansant de cette vitre, Imbert croit apercevoir une jeune femme qui se précipite à une fenêtre anonyme d’un immeuble. Un flot de sang semble s’échapper de sa gorge tranchée. Seul dans la vie (avec ses deux perruches et son désespoir) Imbert revient dans le quartier le soir-même, espérant vaguement obtenir une explication sur cette troublante vision. Dans un bar tenu par un Auvergnat, il croise un Lituanien distingué et un horloger possédant une montre ancienne fort originale. Imbert et Virole –l’horloger– découvrent le Lituanien assassiné. Il n’a aucune envie de prévenir la police, Imbert! Ni de rester sur les lieux. Réminiscences d’un passé enfoui? Peut-être. Pourtant la commissaire de police qui l’attend chez lui quelques heures plus tard n’a pas grand chose à lui reprocher. Mlle Cécile, dont on remplaçait la vitrine ce jour-là, se montre amicale –et avoue ne pas s’appeler Cécile. Mais c’est la trace du Lituanien qu’Imbert préfère suivre, six culottes de dentelle en poche. La veuve de l’étranger n’aura pas le temps d’expliquer quoi que ce soit. À son tour, elle est assassinée. Quand les policiers cèdent la place aux espions, on doit s’attendre à une série de morts. Qu’ils prennent Imbert pour un agent de l’Est est absurde. Mais il pourra passer entre les gouttes (de sang ?) puisque le vrai espion demande qu’on l’épargne. Il ira jusqu’à Saint-Paul-de-Vence, presque nu, pour tenter de comprendre… La collection Crime Parfait des éditions Mercure de France (alors dirigée par Simone Gallimard) eut pour but d'amener des auteurs de littérature classique à écrire des polars. Paul Guth, Pascal Lainé, Pierre-Jean Rémy, Camille Bourniquel, René Barjavel, Jean Raspail, Michel Del Castillo, Suzanne Prou, et d'autres s'y essayèrent sans convaincre autant que Jean Vautrin, Gilles Perrault, Roger Peyrefitte, Cecil Saint-Laurent ou Didier Decoin, qui maîtrisaient déjà des intrigues à suspense. Les admirateurs de Guy des Cars, Jean Lartéguy, Pierre Bourgeade, ou René-Victor Pilhes y trouvèrent quand même quelques qualités. Le titre le plus original de cette collection fut sans doute “L'Angle mort” (publié en novembre 1991), un cadavre exquis réunissant huit auteurs. Le mieux est d'en relire la présentation : «Les Surréalistes, qui savaient s'amuser, jouaient aux cadavres exquis. L'un commençait une phrase, que l'autre poursuivait, et ainsi de suite. Jusqu'à ce que naisse, insolite, imprévisible, à l'insu des partenaire, un texte!... Les principes de ce feuilleton singulier [“L'Angle mort”] étaient simples. Réunir en huis-clos huit talentueux écrivains qui ne se connaissaient pas –ou mal– mais qui s'estimaient assez pour se supporter dans nos pages estivales, comme s'il se fut agit d'une croisière organisée, sur une mer agitée, par l'Événement du Jeudi [hebdo de l'époque], et reprise plus tard par le Mercure de France. Nous ne sommes pas peu fiers d'avoir fait rimer ici San-Antonio et Modiano, se croiser Daniel Boulanger et Michel Grisolia, se suivre Jean Vautrin et Didier Daeninckx, d'avoir réveillé Régis Debray de son long sommeil romanesque, et poussé Jean-Marc Roberts à s'exercer pour la première fois au polar.» Cette forme de “cadavres exquis” peut donner le meilleur ou le pire. Chacun des huit auteurs a fourni un chapitre devant tenir compte de ce qui précédait. Dans l’ordre : San-Antonio, D.Boulanger, P.Modiano, M.Grisolia, J.-M.Roberts, R.Debray, J.Vautrin, et D.Daeninckx. Ici le résultat fut plus que satisfaisant, très réussi. Chacun sut alimenter cette intrigue avec son propre style, gardant une tonalité convaincante, respectant le suspense et l’action, sans négliger une part d’humour dans cette suite sanglante et loufoque. Un roman assez court, que l’on savoure encore mieux en le lisant une deuxième fois, pour le plaisir. |