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MICHEL EMBARECK |
À Deux Pas De Nulle PartAux éditions AUX EDITIONS DE L’ARCHIPEL |
2327Lectures depuisLe mardi 30 Septembre 2003
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Une lecture de |
Rien de tel qu’un plongeon pour bien démarrer un livre. Celui qui ouvre le roman de Michel Embareck a lieu, non dans une piscine, mais dans un palais de justice (ces fidèles lecteurs n’en seront pas surpris). Ici, point question de corruptions ou de magouilles, pas au début du livre en tout cas (elles n’apparaîtront qu’en filigrane tout le long du récit), mais d’un divorce. Une fois n’est pas coutume, Embareck nous fait découvrir la face immergée d’un iceberg… les soubassements affectifs de son narrateur. Il nous les fait toucher du doigt (d’autres ont eu besoin de plonger la main dans certaines blessures pour y croire). Il met de la chair dans tout ce qu’il écrit. Embareck ferait un très mauvais scénariste pour Matrix 3 (4 ? 5 ?). Nous déconseillons son embauche aux frères Wachowski. Le décor est vite planté, terriblement familier. « Une petite ville vraiment tranquille. Loin de tout, toujours à deux pas de nulle part. Une ville comme des dizaines. Le fleuve, le vieux quartier rénové-spéculé, la basilique, la fête foraine en avril, la foire au boudin blanc en août. Ordinaire. Ni plus ni moins qu’ailleurs, on pourrait y tourner La moisson rouge avec décor et figurants naturels. Une petite ville moisie. Ici. De temps en temps, les flics cognent un nègre, un notaire rougit devant la caisse vide, un promoteur disparaît pendant six mois, le maire marie une de ses filles, un pompier volontaire oublie un mégot dans les poubelles, un proviseur rejoint le corps des ballets bleus. Ici. » Plus grave : le narrateur perd Sarah. Se retrouve à errer dans un appartement « où manque un meuble sur deux ». Sort pour s’enfermer. « Au hasard d’une virée, j’avais échoué au Rapido, découvert la flemme obligée, l’ennui cultivé, le très très long terme. » Lui « que l’ordre, l’autorité, la pensée au carré révoltaient viscéralement » manque de s’engager dans la Légion Etrangère Espagnole ! Se ressaisit à temps. Retour à la case départ où les choses ne s’arrangent guère. « Aux carrefours, d’immenses panneaux lumineux annonçaient une ribambelle de festivités, chaque matin, le journal retraçait une page d’histoire locale, les Grandes Galeries abritaient au dernier étage une exposition futuriste, et les autobus promenaient des slogans prétentieux. Chaque quartier eut droit à son feu d’artifice, chaque vieux à sa boîte de chocolats, chaque école à sa visite du musée. Chez les commerçants, il était recommandé de s’indigner raisonnablement, mâhh encore nous coûter bonbon, tandis que sur les marchés les derniers dinosaures de l’internationalisme prolétarien tiraient leur langue de bois à ce gaspillage éhonté. Au Rapido, la clientèle s’en serait moquée comme d’une guigne si le bureau d’aide sociale n’avait réquisitionné ses meilleurs chômeurs diplômés pour d’inhumains petits boulots, distribution de prospectus ou aménagements de parkings, autour du palais des Foires. Le bar devint le siège d’une nouvelle résistance passive, avec ses guetteurs d’employés municipaux, ses agents infiltrés, et ses malgré nous qui, après six heures, racontaient aux réfractaires les mille et un tracas de la misère salariée. Tous virent donc venir avec soulagement le grand raout marquant la fin des commémorations. » Un vilain bandeau (pléonasme) barre la couverture du livre et évoque les figures de Djian et de Bukowski. Facile, mais pas faux. Embareck écrit « à l’oreille », à l’instar de l’auteur de « Echine ». Il n’a peur ni des longues phrases ni du sexe. Il sait garder son souffle et la distance. Plus proche de Selby que de Houellebec. Et ensuite, qu’arrive-t-il à son « Dernier des Mohicons » ? Pas des tonnes de choses. Il ne braque pas de banque comme dans « 37°2 ». Il entend de vieilles rengaines. « Dans ma tête légèrement embrumée résonnaient à n’en plus finir des « T’étais où ? », comme si être à l’heure coupait court à tous les emmerdements du couple. » Il redécouvre des évidences. « La solitude, c’est juste la liberté qui présente la note. » Question d’attitude. Sorti il y a exactement un an, ce bouquin mérite d’être commandé chez votre libraire préféré. |
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