Sénateur de l’Oise âgé de 72 ans, Roland Chégnieux apprend qu’il n’en a plus que pour quelques semaines à vivre. Les traitements, les spécialistes, il n’en veut pas. Si la maladie le fatigue, son esprit retors reste vif. “Cette perspective de duper une dernière fois son monde servit d’énergie au corps atteint et déjà meurtri. Désormais, il allait vivre sur cette seule volonté : réussir son départ. Un grand bluff. Comme ceux qui lui avaient permis sa terrible ascension sociale (…) Rester le plus fort et, après lui, tout détruire.” Côté politique, Chégnieux laisse entendre au conseiller général Delange qu’il pourrait le désigner comme son successeur. Ce qui est un pur mensonge. Le sexagénaire Maurice Guinchard, vieil allié de Chégnieux, vise la présidence de la Région. Mais le sénateur affirme que la décision dépend du Parti, à Paris. Delange comploterait contre Guinchard, et les dirigeants voudraient imposer un certain Jean-Claude Dharlay. Côté vie privée, Chégnieux modifie son testament chez le notaire. Il s’invente un fils non reconnu, qui bénéficiera d’une forte somme planquée au Luxembourg. Il s’agit d’un nommé Jean-Claude Dharlay, habitant en Alsace. C’est un peu par hasard qu’Hubert Lorat est témoin officiel du codicille notarié. Ce jeune parisien, fils de bonne famille, est un combinard oisif et désargenté. Hubert s’interroge sur cette affaire douteuse. Il ne tarde pas à trouver le bénéficiaire du testament, qui existe réellement. Ce Dharlay est un marginal vivant pauvrement près d’une bourgade alsacienne. Hubert contacte un clochard qui se fait appeler Le Prophète et règne sur une petite bande de compères. Celui-ci n’accorde pas une grande confiance à ce blanc-bec d’Hubert. Pourtant, il accepte la transformation qui le fera passer pour Jean-Claude Dharlay. Bientôt, Le Prophète obtient des papiers d’identité à ce nom. Toutefois, il est toujours méfiant, menant son propre jeu. Un duo de mafieux colombiens débarque à Paris, à la recherche d’Hubert. Celui-ci a contracté une sorte de dette envers leur Organisation. Entre-temps, un nouveau détour par l’Alsace a permis à Hubert d’écarter définitivement le vrai Dharlay. Chez les politiques, Delange est violemment agressé par un groupe de “gros bras”, gorilles du Parti au service de Guinchard. Ce dernier n’arrive pas à situer Dharlay, le supposé candidat imposé par la direction du Parti. Quand le sénateur Chégnieux décède, on voit beaucoup de monde à ses obsèques. Y compris les deux Colombiens, qu’Hubert a été obligé d’associer à son projet; et les hommes de mains de Guinchard, venus repérer Dharlay. Sous cette identité, Le Prophète a rendez-vous chez le notaire. “L’héritier du sénateur” risque bien vite d’avoir à ses trousses quelques personnes malveillantes… C’est un suspense souriant extrêmement sympathique que nous propose Francis Essique. Quand un vieux roublard politique expert en manipulations organise un feu d’artifice posthume, quand un jeune magouilleur tente un coup incertain car mal maîtrisé par ce blanc-bec, quand un clodo cultivé essaie d’être assez malin pour ne pas se faire doubler, ça nous donne un chassé-croisé d’arnaques véritablement divertissant. Si on ajoute un duo de Colombiens qu’on appelle Recto et Verso, une jeune vendeuse victime collatérale de l’affaire, un retraité de la DDASS qui a déniché le fameux Dharlay, un gendarme alsacien qui se pose des questions, plus quantité de péripéties mouvementées, tout ça confirme qu’il s’agit bien d’une comédie policière très réussie. Un scénario d’autant plus convaincant qu’il apparaît très “visuel”.
|
|