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JEANNE DESAUBRY |
Le RégisseurAux éditions L'ARCHIPELVisitez leur site |
683Lectures depuisLe lundi 5 Juillet 2021
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Une lecture de |
Le 30 octobre 1980, humoriste Michel Colucci, dit Coluche, organise une conférence de presse où il annonce son intention de se présenter à l'élection présidentielle de 1981. Son programme se résume à : « Avant moi, la France était coupée en deux. Maintenant elle sera pliée en quatre ». Le 16 mars 1981, il déclare renoncer à sa candidature. La raison qu’il avance se borne à : « Je préfère que ma candidature s'arrête parce qu'elle commence à me gonfler » Entre ces deux dates, l’humoriste a été sujet à des pressions amicales et à d’autres plus inamicales, il aurait même reçu des menaces de mort émanant de « Honneur de la Police » (1), un mystérieux groupuscule d’extrême droite qui avait par le passé revendiqué plusieurs attentats. Entre ces deux dates, le 25 novembre 1980, à 7 heures 30, René Gorlin, son régisseur lumière depuis sept ans, est retrouvé abattu de deux balles dans la nuque. C’est au cœur de cette affaire que s’inscrit ce récit. Au cœur ou plutôt à la marge, dans cette marge invisible où est reléguée cette jeune femme que d’aucuns désignent de maitresse, de tocade, de nouvelle compagne, d’amoureuse de René Gorlin, c’est suivant leur lâcheté, leur veulerie, leur opportunisme. Et l’autrice de cette « fiction » l’annonce dans un avertissement en lettres capitales : « Tout est vrai, tout est faux ». Et jamais avertissement n’a été aussi juste ! Tout est vrai dans ces incises en italiques dépourvues de ponctuation, de moment de respiration. Comme devait en être privée la compagne de René Gorlin, enceinte de lui, durant ces longs mois d’enquête, d’incessantes d’allées et venus au quai des Orfèvres. Tout est faux dans ces passages où René Gorlin conclut ses paroles par un « Je suis mort ! Fait chier ». Tout est faux ? Certes, car il ne peut en être autrement, mais le portrait, qu’il esquisse en creux de l’humoriste, surnommé de « Gros », l’est-il vraiment ? L’homme était-il capricieux, colérique, méchant, vaniteux, profiteur, limite prédateur sexuel, comme il semble le dire ? « Tout est vrai, tout est faux » et c’est dans ce hiatus, entre vérité et mensonge, que se glisse le journal de Marie. Le journal d’une femme hébétée, assommée, qui vit l’effondrement de son monde alors que celui qui l’entoure reste identique à ce qu’il était, alors que la pluie continue à tomber, le froid à sévir, la grisaille à s’étendre. Rien ne change et le vide où elle a été précipitée n’a aucune place dans le réel. Le verbe s’absente. Les phrases se dessèchent, se recroquevillent, l’action disparait, le mouvement se fige, seul subsistent l’incompréhension et le désespoir. Le gout de la vie s’est estompé, avalé par ce vide qui s’est substitué au bonheur, à la joie des projets échafaudés. Et dans ce hiatus entre vérité et mensonge qui a ingurgité Marie, l’enfant parait. Une petite Clémence nait. Et le sang de la vie irradie les phrases, le verbe ressuscite, et au fil des jours, des mois, Marie renait jusqu’au dénouement qui sonne la délivrance, jusqu’à ce que le mensonge s’efface, que la vérité éclate, jusqu’à ce que la vie prenne enfin un court nouveau. L’autrice, Jeanne Desaubry, dédie ce récit émouvant à sa fille, en souvenir de René Gorlin, son père. Faisons-lui la joie de le lire, faisons-leur celle de les saluer. Faites-vous le plaisir de le découvrir. 1- https://fr.wikipedia.org/wiki/Honneur_de_la_Police |
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