la rose qui tue de DELLY


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DELLY

La Rose Qui Tue


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 DELLY




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Couverture de Gyula Konkoly. Editions J’Ai Lu N°921. Parution 20 septembre 1979. 192 pages.

ISBN : 2277119210

Première édition Editions Flammarion. Parution 1948.

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,

A point perdu cette vesprée,

Son parfum empoisonné…

D’après Ronsard

Grâce à une petite annonce parue dans un journal, Gemma va pouvoir enfin entrer dans la vie active. Elle est bardée de diplômes mais n’a rien trouvé pour subvenir à ses besoins d’argent qui se font pressant. Elle va bientôt entrer dans sa majorité tandis que sa sœur Mahault, un peu plus âgée qu’elle, donne des cours de musique dans une institution de jeunes filles.

Leur père vient de décéder et leur mère a quitté le foyer conjugal depuis longtemps, même si elles sont toujours en relation épisodiques avec elle. De nombreux revers de fortune ont accablé leur père, et depuis elles résidaient chez une vieille tante à Vallauris. Mais celle-ci vient de décéder elle aussi et elles doivent vendre la villa pour régler les frais de succession.

Heureusement Gemma va pouvoir être embauchée comme institutrice afin d’assurer l’instruction de deux petites filles. Elle doit prendre contact avec la comtesse de Camparène, qui est actuellement au Grand Hôtel à Cannes. L’entretien se déroule sous les meilleurs auspices et la vieille dame propose d’embaucher également Mahault comme professeur de musique. Le travail de Gemma ne se concentrera pas uniquement comme préceptrice car le vieux comte de Camparère aura également besoin de ses services.

Il a bien connu autrefois le père de Gemma et Mahault, celui-ci ayant écrit d’intéressant ouvrages historiques. Or le comte s’est donné comme mission d’écrire l’histoire des vieilles familles provençales. Il a bien un secrétaire mais l’homme déjà vieux ne vaut rien pour les recherches. Naturellement Gemma accepte ce supplément de travail, qui lui aussi sera rémunéré, et bientôt c’est le départ pour le château de Brussols, dans l’arrière-pays.

Gemma et sa sœur font bientôt la connaissance des résidents du castel de Brussols. Outre le comte de Camparère et sa femme, qui porte la culotte, sont présents Lionel, le petit-fils, deux fois veuf, père des petites Joyce, issue du premier mariage, et Auberte, née du second mariage. Elles ne sont guère âgées et se distingue par leur caractère. Autant Joyce est pétulante, vive, souriante, autant Auberte est timide, maladive, quelque peu renfrognée. Pourtant c’est Auberte que Gemma apprécie, Joyce lui paraissant hypocrite. D’autres membres de la famille séjournent régulièrement, comme Laetitia, comtesse de Camparini, Salvatore, petit-fils du comte, ou encore Brigida Tchernine.

Lionel, qui est à moitié paralysé des membres inférieurs et ne se déplace qu’à l’aide de béquilles, passe la plupart de son temps dans la Tour Hardie, une construction ancienne attenante au castel, s’occupant de ses fleurs rares et d’expériences chimiques. Il est aidé dans ses recherches par Laetitia. Le comte est plongé dans ses recherches et l’écriture de son ouvrage. Salvatore, qui vit dans un pavillon situé à quelques centaines de mètres du château, est un sculpteur amateur mais dont les statues sont particulièrement ravissantes. Il partage son temps entre ses séjours à Brussols et en Corse où il possède quelques propriétés.

Les employés eux aussi possèdent leurs particularités. L’un des deux chauffeurs est noir, la jeune femme de chambre est métisse, et d’autres sont chinois, italien. Un heureux mélange qui vit en bonne harmonie de surface. Et surtout il y a Zorah, la naine, la protégée de la comtesse, qui fait de brèves apparitions, et qui joue un peu le rôle de la sorcière.

Mahault est enchantée de ce séjour et se comporte comme elle l’a toujours fait, se montrant une jeune fille naïve, futile, superficielle, tandis que Gemma, la cadette est nettement plus réservée dans ses jugements. Elle se méfie de Lionel qu’elle juge hypocrite sous des dehors avenants, sournois, et surtout ce sont les décès prématurés de ses épouses qui l’intriguent.

Gemma n’est pas attirée par le charme de Lionel, qu’elle juge vénéneux, et se sent plus proche de Salvatore. Laetitia se montre distante, et la comtesse est très directive. Mahault pratique la musique, souvent en compagnie de Lionel, et bientôt elle va faire partie de la famille. En effet Lionel lui a proposé de se fiancer et devenir sa troisième femme. Gemma n’est pas vraiment satisfaite de cet engouement. Mais elle ronge son frein tout en s’occupant de Joyce, toujours aussi pétulante, tandis qu’Auberte est de plus en plus maladive. Un voyage au bord de la mer, à Dinard est envisagé afin de permettre à Auberte de se requinquer. Mais le drame couve.

Le titre de ce roman est trop explicite pour que l’intrigue, qui est pourtant dévoilée peu à peu, ne laisse guère de doute sur les occupations de Lionel et le décès de ses précédentes épouses.

C’est la tension entre ces différents personnages, et l’appréhension de Gemma envers un avenir qu’elle suppute anxiogène, qui imprègnent ce roman représentatif de l’œuvre de Delly.

Des hobereaux de province aisés, des jeunes filles en difficulté financière, des artistes qui sacrifient à une passion, et deux régions qui servent de décors.

Jeanne-Marie Petitjean de la Rosière et son frère Frédéric Petitjean de la Rosière forment ce couple littéraire connu sous le nom de Delly. Jeanne-Marie est née en Avignon et Frédéric à Vannes, ce qui explique en grande partie l’implantation provençale et bretonne dans les décors qui servent de support.

Si Delly est de nos jours quelque peu oublié, cet auteur bicéphale fut un véritable phénomène littéraire, traduit abondamment en Italie, et leur succès populaire attisa l’ire des critiques, probablement par jalousie. Des romans faciles, certes, mais qui ne manquent pas de psychologie, et les personnages offraient un dérivatif à des lecteurs issus souvent de la société ouvrière. Des rêves par procuration devant des personnages aisés financièrement qui se montraient parfois plus venimeux, plus hypocrites, plus sournois que ceux qui étaient décrits dans la culture populaire mettant en scène des miséreux, des cabossés de la vie, mis en scène sous la plume de Marcel Priollet, Pierre Decourcelles ou Xavier de Montépin et autres.

Un bain littéraire rafraîchissant démontrant que les riches sont souvent plus pervers dans leurs actions que les représentants du petit peuple.

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