|
|
ALAIN DOREMIEUX |
Cauchemars Au Ralenti Ou Douze Réalités Mal ProgramméesAux éditions CASTERMANVisitez leur site |
477Lectures depuisLe jeudi 2 Janvier 2020
|
Une lecture de |
. Récits de science-fiction et d’insolite choisis, présentés et traduits par Alain DOREMIEUX. Collection Autres temps, autres mondes. Edition Casterman. Parution septembre 1976. 256 pages. ISBN : 2-203-22619-6 Le cauchemar est la face cachée du rêve… et inversement ! Comme l’écrivit Alain Dorémieux dans sa préface : Il y a des récits où la réalité est à sens unique, où le lecteur retombe sur ses pieds en fin de parcours : on reste là dans le domaine de la logique. Mais il y en a d'autres où la réalité est déphasée, subtilement dénaturée, et où la situation décrite n'est normale qu'en apparence. Ce sont douze nouvelles de ce genre qui sont ici présentées. Elles ont toutes en commun le fait d'entretenir avec la réalité quotidienne des rapports faussés à la base. Comme si les postulats sur lesquels elles reposent émanaient d'un ordinateur n'ayant pas reçu les instructions convenables. C'est en quoi elles sont « mal programmées ». Au fil de ces textes, surgissent d'inquiétants thèmes clés qui semblent jalonner un parcours onirique : l'univers clos, la claustration, le piège en forme de cercle fermé, la route qui ne mène nulle part, l'environnement qui semble factice, la dimension-refuge dont on reste prisonnier. C'est là une trouble toile de fond, où s'inscrit le tracé des obsessions intimes et des névroses quotidiennes. Et parfois ces cauchemars sont tangibles, s’inscrivant dans une anticipation proche. Parfois ce sont comme des rêves qui n’auraient ni début ni fin, pris en cours de route, mais qui imprègnent le lecteur d’une sourde angoisse. Si certains noms réveillent des souvenirs de lectures, tels John T. Sladek, Harry Harrison, Thomas M. Disch, bon nombre de ces auteurs ne sont guère connus, pourtant en effectuant quelques recherches, on peut s’apercevoir que depuis la publication de ce recueil, quelques-uns d’entre eux ont participé à de grandes aventures. Ainsi Vonda N. McIntyre a rédigé quelques épisodes de la série Star Trek. Mais, au risque de décevoir les quelques lecteurs de ce billet, je vais me contenter de ne parler que d’une nouvelle, qui est un cauchemar réel et non fictif, même si elle entre dans la catégorie anticipation proche. Si proche même qu’elle est à notre porte. Il s’agit de la nouvelle de Kate Wilhem, Il était un canari rouge.
La société décrite est confrontée à une bureaucratie étatisée et l’individu moyen est entraîné, broyé, absorbé et rejeté par un engrenage kafkaïen. Mais cette bureaucratie pourrait être substituée par des sociétés privées qui ne réagissent qu’à l’appât du gain et qui s’est forgé une dépendance informatisée. Le thème de cette dérive est la maladie, ou plutôt l’aspect de l’accueil des malades dans une société qui a rejeté tout humanisme. Raconter le chemin de croix des patients peut se résumer en quelques citations qui décrivent bien cette atmosphère et n’est pas loin de ce que nous connaissons ou presque. Il appela le service d’urgence de la pédiatrie : Ceci est un répondeur téléphonique. Nous regrettons de ne pouvoir satisfaire votre demande, mais nos effectifs travaillent déjà au maximum de leurs capacités. Veuillez signaler le numéro d’identification du malade, son nom et le motif de l’appel. Conduisez le malade à l’hôpital le plus proche demain à 8 heures du matin. Nous vous en remercions. Mais quand il s’agit d’un enfant, que l’on ne connait pas son numéro d’identification, que quarante de fièvre toute la journée est un motif valable en soi pour s’inquiéter, comment fait-on ? On attend.
Et quand on est âgé et que l’on vit seul, l’avenir n’est guère réjouissant : Mon fils est mort. Cancer du larynx. Ils n’avaient pas de lit pour lui. Il fallait qu’il attende presque deux ans. Mais quand la place fut disponible, il était déjà entre quatre planches. Et pour mieux enfoncer le clou : A partir du mois prochain, ils vont supprimer les visites d’infirmières à domicile. Ça revient trop cher et il n’y a pas assez de personnel.
D’autres exemples pourraient compléter cette vision de l’avenir, mais est-ce bien besoin d’en ajouter ? Nul doute que certains hommes, ou femmes politiques, en charge de notre santé, se sont inspirés de cette vision futuriste désastreuse pour effectuer des économies et c’est Bercy qui est content.
Bonne lecture et ne vous rendez-pas malade pour autant. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, n’est-ce pas ?
Sommaire : 1 - Alain DORÉMIEUX : Préface. 2 - Kate WILHELM : Il était un canari rouge (The Red Canary – 1973). 3 - David GERROLD : Toutes les chambres étaient vides (All of Them Were Empty - 1972). 4 - Edward BRYANT : Épaves sur l'autoroute (Adrift on the Freeway – 1970). 5 - Harry HARRISON : Au bord des chutes (By the Falls – 1970). 6 - George Alec EFFINGER : Au lit de bonne heure (Early to Bed – 1972). 7 - David John SKAL : Crayola (Crayola - 1972). 8 - Evelyn LIEF : Toutes les quatre maisons (Every Fourth House - 1972). 9 - R. A. LAFFERTY : Configuration du Rivage du Nord (Configuration of the North Shore - 1969). 10 - Vonda N. McINTYRE : Seulement la nuit (Only at Night - 1971). 11 - John Thomas SLADEK : Circuit fermé (The Interstate – 1971). 12 - Robert RAY : Envol psychédélique (Psychedelic Flight – 1972). 13 - Thomas Michael DISCH : Hâtons-nous vers la Porte d'Ivoire (Let Us Quickly Hasten to the Gate of Ivory – 1970).
|