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EVA DOLAN |
Haine Pour HaineAux éditions LIANA LEVIVisitez leur site |
559Lectures depuisLe jeudi 31 Janvier 2019
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Une lecture de |
Au centre de l’Angleterre, Peterborough est une ville sinistrée économiquement. La seule qui tire parti de la crise, c’est l’agence de recrutement Pickman Nye. On y emploie des salariés sous-payés, en majorité originaires des Pays de l’Est et des Balkans. Marié à Anna, père du petit Milan, l’inspecteur Dushan Zigic dirige la Brigade des crimes de haine, assisté de la policière Melinda Ferreira, avec l’inspecteur Wahlia et leur équipe. Ils sont sous l’autorité du commissaire Riggott, qui n’est pas du tout un homme de terrain. Au petit matin, il se produit un accident de la circulation pouvant concerner leur groupe. Un véhicule a foncé sur trois personnes : Jelena Krasic est décédée, sa sœur Sofia est blessée et hospitalisée. Un homme qui se trouvait près de l’arrêt de bus voisin est mort, lui aussi. On n’identifiera que tardivement ce Polonais qui, ce matin-là, partait vers son pays natal. Compliqué de savoir qui était l’acheteur de la voiture d’occasion restée sur les lieux après l’accident, le véhicule ayant été vendu en dépit des règles habituelles, par négligence. Mais Sofia ne tarde pas à accuser l’ex-petit ami de sa sœur Jelena. La police qui débarque chez cet Anthony Gilbert le trouve mourant. Il semble s’agir d’une tentative de suicide, mais il peut avoir aussi bien été la cible d’un empoisonnement. Si le commissaire Riggott souhaite que l’affaire ne fasse pas de vagues – le suspect décédera peu après – c’est que ce n’est pas le premier cas récent de crime raciste à Peterborough. Outre un nommé Didi, sur lequel on ne sait quasiment rien, la seconde victime était Ali Manouf, dont la demande d’asile était en cours de traitement. Le meurtrier s’est affiché, masqué, devant une caméra de surveillance après son crime, faisant le salut nazi. Richard Shotton est un politicien d’extrême droite, de l’English Nationalist League. Des élections étant proches, ces assassinats d’étrangers ne servent pas ses intérêts. Il ne tient pas à être associé à l’image de ces brutes vociférantes, de ces chien hurleurs dont les exigence vont bien plus loin que le programme de l’ENL. Entre son conseiller Marshall, assez modéré par rapport à leurs idéaux, et son propre chauffeur Christian Selby, qui fut proche de l’extrême droite radicale, comment éviter que s’envenime la situation. Pas sûr qu’il puisse compter sur Ken Poulter, fanatique de leur cause, se qualifiant de défenseur des "valeurs" au-delà des grosses sommes qu’on peut lui offrir. Connu des services de police, c’est un ancien hooligan, un de ceux qui éprouvent un besoin viscéral de violence, profitant généralement de l’effet de groupe pour éructer, voire se battre. Sortie sans autorisation de l’hôpital, Sofia est bientôt agressée. Quand un nouvel Étranger est assassiné et martyrisé, la méthode est semblable aux cas de Didi et d’Ali Manouf. Les voisins ont immédiatement réagi, retenant le tueur. Si celui-ci observe le silence, on peut penser qu’il avait un complice ayant fui. Spontanément, ses amis de l’ENL se sont rassemblés. Une émeute est à craindre, s’agissant de militants déterminés. D’autant que les médias sont vite arrivés pour filmer l’affaire. Ça non plus, ça n’est pas bon pour le politicien Richard Shotton, ni pour son parti. On lui demande de redresser la situation, mais il n’a plus prise sur Poulter. Exécutant lobotomisé, Poulter est sûrement guidé par d’autres, plus haut que lui. Il se peut que l’enquête de Zigic et de la policière Melinda Ferreira doivent prendre une autre tournure pour éclairer les faits… La forme politique ne suffit plus aux activistes radicaux complotistes d’extrême droite. Au discours nationaliste, s’est substituée une violence visant le chaos intégral et permanent. Il ne s’agit même plus de populisme, avec son argumentaire basique. Dans leur esprit, c’est une guerre de résistance qu’ils mènent sans complexe contre tout Étranger, d’une "reconquête patriotique" contre des envahisseurs. Racisme ou formatage des cerveaux ? Personne ne les empêche de brailler "On est chez nous", mais jusqu’où iront ceux d’entre eux qui son parfaitement organisés, en brigades ou en milices ? Jusqu’aux meurtres ? Au nom d’une "identité nationale" bien relative, ils s’inspirent plutôt de la propagande des suprémacistes américains et du lobby international de l’extrême droite. Contester, se rebeller n’est ni casser, ni tuer : pour eux, tout ça n’était que l’étape politique précédente, ces "guerriers" sont dans l’action – criminelle au besoin. C’est ainsi que les frontières entre banditisme, terrorisme et chaos d’extrême droite existent de moins en moins, tous ayant besoin du désordre pour mener leurs combats. Avec “Haine pour haine”, son deuxième roman noir, Eva Dolan nous met en garde, autant pour la réalité anglaise actuelle que pour l’ensemble des pays où s’est développée l’extrême droite. Elle nous raconte en détail et avec justesse le quotidien de son couple de héros, Zigic et Ferreira. Ce ne sont assurément pas des "super-flics", et il n’est pas toujours aisé de discerner un crime raciste d’un acte privé. Ce sont là des personnages que l’on suit avec sympathie, après “Les chemins de la haine” (2018), Grand Prix des lectrices de ELLE. |
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