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Hernán DIAZ




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

En ce temps-là, au 19e siècle, deux jeunes Suédois, Håkan et son frère aîné Linus, font partie de la multitude des émigrants vers l’Amérique. Mais, entre deux embarquements, Håkan perd son frère de vue et se retrouve seul, ne parlant pas un mot d’anglais. Néanmoins, il monte à bord d’un navire en partance pour l’Amérique. Celui-ci ne va pas à "Nujårk" (New York) comme le croyait Håkan, mais sa destination est San Francisco. Sur le bateau, il se joint à un prospecteur d’or irlandais avec sa famille, les Brennan. Ils débarquent ensemble en Californie, avant que débute leur périple vers les régions supposées aurifères. Håkan pense pouvoir rejoindre Linus à New York, en traversant le pays. James Brennan a bientôt trouvé un filon, une mine qu’il s’agit de protéger.

À Clangston, bourgade voisine, Håkan va être longtemps prisonnier dans une chambre d’hôtel, à la merci d’une dame – chef du gang local. Il parvient finalement à s’évader, avant de devoir affronter à pied le désert. Au bout de quelque temps, Håkan est recueilli par John Lorimer. C’est un scientifique bienveillant, un naturaliste ayant ses théories sur l’évolution de l’être humain – proches de celles de Darwin. Il donne à Håkan une forme d’éducation, tous deux conversant dans un langage "bricolé" par Lorimer. Celui-ci et ses hommes avancent vers l’Est, jusqu’au lac salé de Saladillo. Grosse épreuve pour la petite troupe, au point que les hommes commencent à se rebeller contre Lorimer. Håkan et le scientifique vont s’occuper d’une tribu indienne ayant besoin de soins, avec l’aide du guérisseur de ce groupe. Håkan apprend ainsi à soigner les autres.

Le jeune Suédois, qui s’est déjà endurci, doit poursuivre sa route vers l’Est, bénéficiant avant son départ des conseils de John Lorimer. Il ne dispose que d’un poney malade pour progresser. Après le désert, vient la Prairie moins hostile. Håkan y croise des convois d’émigrants allant vers l’Ouest. Dont celui de Jarvis Pickett, qui est à la tête d’une "fraternité de colons", et s’avère un fieffé escroc. Avec bravoure, Håkan défend le convoi de Jarvis quand ils sont attaqués par une milice agissant au nom d’une secte. Il tue ceux qui les ont ciblés, soigne les blessés du convoi.

Sa réputation "d’impitoyable" gagne les autres émigrants. La légende de Hawk, le Faucon – ainsi qu’on le surnomme vite – débute à cette époque. Cap sur le Sud et l’Est pour Håkan qui continue seul son périple. C’est encore de cette façon qu’il s’en sort le mieux, se débrouillant avec ce qu’il trouve. D’ailleurs, dans la première petite ville où il arrive, il a de gros problèmes avec le shérif du coin. Grâce à un admirateur, Asa, il réussit une fois de plus à s’enfuir. Mais le chemin vers l’Est est toujours semé d’embûches…

(Extrait) “Après un long moment à courir sans s’arrêter, Håkan se retourna vers les lueurs de la ville. À sa surprise, Clangston avait disparu. Et ce vent qui lui fouettait maintenant le visage, s’aperçut-il, charriait du sable. Dans un premier temps, les rafales le laissèrent discerner l’aura nocturne des gros rochers et des buissons qui se dressaient à un ou deux pas devant lui, mais bientôt il ne distingua plus rien. Le tourbillon de sable oblitérait jusqu’à l’obscurité. La puissance des bourrasques, combinée à la morsure du sable qu’elles transportaient, composait un nouvel élément qui, en dépit de sa texture sèche et rugueuse, avait plus de points communs avec l’eau qu’avec la terre et l’air. Håkan devait se tenir dos au vent pour respirer, mais il n’interrompit pas sa course , il se sentait protégé par cette tempête qui l’enveloppait et dont le grondement lui bouchait les oreilles…”

Que cette histoire est captivante ! Il ne s’agit ni vraiment d’un western, ni d’une intrigue policière, mais d’un roman littéraire d’aventures. Si le postulat – traverser l’Amérique à rebours – paraît incroyable, on est très rapidement convaincus. Håkan est un jeune homme grand et tenace, méprisant la douleur, décidé à atteindre son but (aussi illusoire soit-il) : retrouver son frère aîné à New York. Outre sa force bien réelle, c’est avant tout un garçon intelligent, le naturaliste Lorimer ne s’y trompe pas. Håkan sait tirer des leçons de toutes choses, même si les étapes et les épreuves ne manquent pas sur son long parcours à travers des territoires souvent vides.

La notion du temps qui passe devient forcément aléatoire pour lui, qui se basera beaucoup sur le rythme des saisons. La principale conclusion qu’il en tire, c’est qu’il s’en sort toujours mieux seul qu’en groupe – la solitude ne lui pèse pas, au contraire c’est sa protection. La conquête de l’Ouest a attiré autant de malandrins que de gens honnêtes. Le récit est clair et parfaitement maîtrisé, un tableau très vivant de cette époque si contrastée – narration servie par une traduction française fine et précise, qu’il convient de saluer. On partage avec Håkan – sacré personnage – tout ce qu’il endure, en conservant comme lui un certain optimisme. Voilà un roman remarquable – l’évidence d’un coup de cœur s’impose ; un des meilleurs titres de l’année. À ne surtout pas manquer !

 

 

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