les pâques du commissaire ricciardi de Maurizio DE GIOVANNI


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MAURIZIO DE GIOVANNI

Les Pâques Du Commissaire Ricciardi


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Maurizio DE GIOVANNI




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Au printemps 1932, à quelques jours de Pâques. Trentenaire, le commissaire Ricciardi est policier à Naples. Son principal adjoint est le brigadier Raffaele Maione, quinquagénaire. Le plus sûr des contacts de ce dernier, c’est l’indic Bambinella, un travesti bien renseigné sur la vie napolitaine. Le brigadier Maione ne craint pas d’enquêter dans tous les milieux sociaux, modestes ou huppés. C’est généralement son ami le légiste Bruno Modo, qui est chargé des autopsies dans les affaires traitées par le commissaire Ricciardi. Le médecin affiche volontiers son anti-fascisme, ce qui peut comporter des risques. Côté privé, le policier vit avec sa tante Rosa, âgée et souffrante. Il est épris d’Enrica Colombo, sa voisine de vingt-cinq ans, une relation incertaine. D’autant que la belle veuve romaine Livia, proche de la famille du Duce, s’est installée à Naples, afin d’être plus près de Ricciardi.

Tenu par Madame Yvonne, le Paradiso est une maison close assez chic au cœur de la ville. Vipera, la prostituée la plus connue de l’établissement, a été retrouvée morte dans sa chambre par sa consœur Lily, étouffée par un oreiller, sans rapport sexuel très récent. Le docteur Bruno Modo, habitué des lieux, explique parfaitement le contexte à Ricciardi : “Avant tout, c’est une erreur de croire que le bordel est uniquement un lieu où on achète du sexe, du moins pour une maison de ce standing. Bien que ce soit en principe interdit, on peut s’y restaurer, la cuisine y est d’ailleurs excellente, boire, jouer aux cartes. On y rencontre aussi des hommes âgés, que les femmes n’intéressent plus vraiment mais qui aiment encore se sentir entourés de jolies filles…

…La plupart d’entre elles changent de maison tous les quinze jours. Pour plusieurs raisons : d’abord, pour éviter que les clients s’attachent trop, que naissent des liaisons capables de susciter des jalousies et des violences ; ensuite, pour créer des attentes et de la nouveauté, du genre : allons voir s’il y a quelque chose de neuf au Paradiso. Certaines restent au même endroit plus longtemps, parfois des années… [Vipera] était célèbre, et Madame se servait d’elle pour attirer les clients. Elle lui coûtait cher car elle empochait la totalité de ses gains, et beaucoup d’habitués venaient uniquement pour la voir se promener sur la mezzanine. Je lui ai parlé plusieurs fois, elle était sympathique et très belle. Lily aussi, à sa manière, est fascinante.”

En réalité, ce n’est pas Lily qui a trouvé le cadavre, mais le cavaliere Vincenzo Ventrone, qui tient avec son fils une boutique d’objets du culte fréquenté par le meilleur monde. Il était littéralement fasciné par Vipera, dilapidant beaucoup d’argent au Paradiso. Ce que déplore son fils, qui ne croit pas que Ventrone soit le meurtrier. Un autre homme se déplace jusqu’au commissariat afin de témoigner. Giuseppe Coppola était ami depuis leur enfance avec Rosaria, le vrai prénom de Vipera. Tous deux étaient issus des quartiers les plus pauvres de la ville. Amoureux, Coppola envisageait alors d’épouser Rosaria, mais le destin en décida autrement. Gagnant désormais très bien sa vie, il proposa voilà peu à son amie de quitter la prostitution pour se marier avec lui. Il avait bon espoir, même si Madame Yvonne prétend que Vipera aurait finalement refusé.

Tandis que son épouse Lucia prépare les fêtes pascales, le brigadier Maione se renseigne auprès de son indic préféré, Bambinella. Il n’est pas le seul à chercher des indices, le légiste Bruno Modo s’activant de son côté. C’est au son d’un tango joué par l’accordéoniste faux-aveugle toujours positionné près du Paradiso qu’un dernier hommage est rendu à Vipera. Avec Giuseppe Coppola et Vincenzo Ventrone, le commissaire Ricciardi tient deux excellents suspects. Il ne peut pas imaginer un mobile sordide. En revanche, la complexité des attirances amoureuses est un sujet qui touche personnellement le policier…

(Extrait) “— Vous ne savez pas qui a pu faire cette chose-là ? Vous ne voyez pas quelqu’un qui lui aurait voulu du mal, une femme jalouse par exemple, ou un homme qui aurait pu éprouver de la haine pour elle ?

Durant le silence qui suivit, la femme n’exprima ni sentiment, ni doute.

— Les filles dans son genre, il y a toujours quelqu’un pour les haïr, dit-elle. Toute petite, elle était déjà comme ça, trop belle. La beauté, vous savez, est une tare. Tout le monde ne peut pas se permettre d’être belle. Si tu es trop belle, tu dois t’en aller, sinon voilà comment tu finis. De toute façon, je n’ai aucune idée de qui ça peut être, elle envoyait l’argent par la poste, on ne la voyait plus depuis des années. Le môme, il ne sait même pas qui elle est. Qui elle était.”

Après les quatre romans du “cycle des saisons”, la première enquête du “cycle des fêtes” du commissaire Ricciardi se situait à l’époque de Noël 1931. Nous le retrouvons quelques mois plus tard, lors de la Semaine sainte précédant Pâques 1932. Voilà bientôt dix ans que Mussolini est au pouvoir, avec ses fascistes aux chemises noires, même si le régime dictatorial du Duce remonte à 1925. Malgré le printemps qui arrive, l’atmosphère reste assez sombre autour de Ricciardi. Si lui-même garde profil bas, il craint que les positions de son meilleur ami, le docteur Modo, entraînent de graves problèmes pour celui-ci. C’est par ce biais que Maurizio de Giovanni suggère de façon nuancée l’ambiance d’alors.

Le commissaire a toutes raisons de penser qu’il puisse s’agir d’un crime passionnel, bien que le contexte – prostitution et maison close – permettent d’autres hypothèses moins teintées de romantisme. Entre rivalités et amour-passion, c’est dans la tête du criminel qu’existent des raisons de tuer. Croyant percevoir par l’esprit un ultime message de la victime, toujours un brin rêveur, Ricciardi n’a rien d’un fonceur, mais il peut heureusement compter sur le brigadier Maione pour tenter de dénicher des éléments matériels. Que ce soit dans les origines de Vipera, ou dans son environnement actuel. C’est avec bonheur que l’on suit les investigations du commissaire Ricciardi, une fois de plus.

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