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GIUSEPPE DI PIAZZA |
La Nuit Appartient Aux AmantsAux éditions HARPER COLLINSVisitez leur site |
693Lectures depuisLe mardi 10 Avril 2018
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Une lecture de |
En 1984, à Palerme. Leo est un journaliste sicilien d’une vingtaine d’années. Il fait partie de ceux qu’on appelle les "blondinets", les jeunes gens ayant encore à faire leurs preuves. Il vit avec sa copine Lilli, partageant l’appartement avec Fabrizio, leur coloc, et son amie Serena. Pour ses reportages, Leo est assisté par le photographe Filippo. Il obtient souvent des infos du commissariat, grâce au policier Antonio Gualtieri. Une prostituée de luxe connue sous le nom de Veruschka a été agressée chez elle. Elle a été battue avec une violence démesurée, causant d’atroces souffrances, avant qu’on lui jette de l’acide chlorhydrique au visage. Bien que transférée au service des grands brûlés de l’hôpital, elle est décédée. Âgée de vingt-sept ans, la victime se nommait Vera Něměcěk. Elle était originaire de Prague, en Tchécoslovaquie. Issue d’une famille sans histoire, cette splendide jeune fille avait réussi à fuir son pays communiste, avant de devenir entraîneuse au club Lady Jim, en Italie. Elle ne tarda pas à être remarquée par des personnes puissantes. Connaître la liste de ses clients permettrait d’avoir autant de suspects. Leo est contacté par son "faux oncle", le baron Bruno Capizzi di Montegrano, un authentique aristocrate sicilien. Il fut un des clients de Veruschka, dont il était quelque peu amoureux. Il pense qu’elle ne simulait pas la jouissance. Si Vera aimait le jazz, c’était une grande admiratrice de Raffaella Carrá. Leo essaie de cerner la personnalité de la victime, mais Serena l’en estime incapable, trop sentimental et faible avec les femmes. Il est vrai qu’avec Lilli, son couple bat de l’aile alors qu’il est vraiment épris. Un autre client de Veruschka accepte de témoigner. Ami du baron, Giovanni Vassallo tient une galerie d’art, présentant des artistes trop obscurs pour Palerme. Bien que ça semble improbable, lui aussi reste convaincu de la sincérité de la prostituée dont il était franchement amoureux. Comme le baron Bruno, il confirme que Vera portait toujours un collier de pierres rouges, des grenats. On ne l’a pas retrouvé sur le cadavre de Veruschka, détail que Leo transmet au policier Gualtieri. Leo doit enquêter sur un autre meurtre. Un inconnu bien habillé a été découvert dans le coffre d’une voiture. Il a été tué par ce mode de strangulation appelé "incaprettamento", souvent utilisé par les mafieux. Pourtant, cet homme de vingt-sept ans menait une vie assez ordinaire : Stefano Bevilacqua tenait un pressing. Selon son frère, “c’était un garçon sérieux, il n’avait pas d’ennemi.” Il faisait son métier, jouait au foot en amateur, n’avait pas de petite amie. Leo poursuit ses investigations sur la prostituée. Tony Casuccio, le patron du club Lady Jim, ne savait pas grand-chose sur la vie privée de Veruscha. Le nom d’un proche de parrains mafieux apparaît finalement… (Extrait) “Les tableaux d’Appel me semblèrent déplacés avec leurs pitreries loufoques. La confession de Vassallo méritait des paysages mélancoliques, des ciels voilés, des étendues de gris. L’homme qui se tenait devant moi était tombé amoureux d’une prostituée tchécoslovaque de vingt-sept ans, et l’avait aimée d’un amour profond, sincère. Un amour voué à l’échec, comme beaucoup. Il avait cru pouvoir lui faire changer de vie, imbécile heureux appartenant à cet immense cortège d’hommes qui rêvent de sauver des filles, surtout si elles sont jolies, et il était aujourd’hui incapable de faire son deuil. Cet homme sensible et cultivé sentait une plaie béante dans son ventre, un trou de la taille de la figure disloquée que représentait le tableau accroché au mur. À vue de nez, un trou de 50x70.” Voilà un roman qui fourmille d’excellents atouts. Raconté à la première personne, le récit décrit la première expérience significative de ce jeune journaliste. Il y incorpore des éléments de sa propre vie, telle sa relation avec sa copine Lilli et d’autres femmes, ou cette soirée de fête organisée par son ami Totino avec des amis de leur âge. Leo est surnommé Sansommeil, assidu dans son métier, mais il a aussi besoin de loisirs. En ce qui concerne le contexte, il est bon de retenir que nous sommes là en 1984, dans une Sicile gangrenée depuis des décennies par la Mafia. Même le grand hôpital Camilliano n’y échappe pas : “Les parrains y faisaient la loi, intimidant, voire tuant les médecins si nécessaire. L’hôpital avait été pendant des années une sorte d’annexe de la prison de l’Ucciardone, que les parrains surnommaient "Grand Hôtel Ucciardone" en raison des services dont ils bénéficiaient.” Ce n’est pas seulement l’ombre de la Mafia qui plane sur cette affaire, mais plus exactement sa présence viciant l’ambiance palermitaine. Bien que la Justice progresse contre la Mafia, les habitants doutent encore de changements possibles. Grâce au journal intime de la prostituée Veruschka, nous en apprenons davantage sur son parcours et sur ses amants. Des confessions très instructives, dont ne disposent pas les enquêteurs – policiers ou journalistes. L’intrigue oscille habilement entre plusieurs motifs, quant au meurtre de la jeune femme. Il faudra un indice crucial pour commencer à en dénouer les rouages. “La nuit appartient aux amants” de Giuseppe di Piazza est un polar fort séduisant, un franc plaisir de lecture. |