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FORTUNE DU BOISGOBEY |
Le Pouce CrochuAux éditions ALTEREDIT |
197Lectures depuisLe mercredi 24 Janvier 2018
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Une lecture de |
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Avant-propos de Franq Dilo. Collection Noire sœur, Perle noire. Parution 20 juillet 2017. 230 pages. 3,99€. Une incursion à la Foire du Trône et ses baraques de saltimbanques… Dans le boulevard Voltaire, sis dans le XIe arrondissement parisien, non loin de la place du Trône, se dresse une maison, entourée d’un jardinet. Cette demeure ne paie pas de mine de l’extérieur, mais l’intérieur est confortable, douillet. Vivent dans cette maisonnette, le père Monistrol, mécanicien et chercheur dont la femme est décédée lors l’accouchement, et sa fille de vingt ans, Camille, qui travaille à une tapisserie. Il vient de mettre au point un condensateur qui devrait équiper des machines à vapeur. Un associé vient de lui remettre vingt-mille francs, une somme qui devrait lui permettre de débuter la fabrication. Cette somme il l’a gardée par devers lui, mais il affirme que dès le lendemain il la déposera à la banque. Seulement, il n’en aura pas la possibilité. Camille aperçoit une main derrière les rideaux, avec un pouce griffu d’une longueur démesurée, puis comme un éclair d’argent, et un homme surgit, étrangle Monistrol et le bouscule, s’empare des billets et s’enfuit. Le père Monistrol reste à terre après s’être cogné la tête à un angle. N’écoutant que son courage, et non la voix de la raison, Camille s’élance sur les traces de l’inconnu, jusqu’à la place du Trône qui est en pleine effervescence. En effet c’est l’époque de la fameuse Foire du Trône et l’individu se glisse dans l’une des baraques foraines. Elle choque quelque peu les badauds, habillée en négligé, certains pensent même qu’il s’agit d’une fille, d’une coureuse, mais elle n’en a cure. Elle s’intéresse au spectacle qui se déroule sur les planches, car démunie elle a pu entrer grâce à un jeune homme qui lui a payé sa place. Elle pense reconnaitre en Zig-Zag le clown son voleur, mais il est masqué et ses bras sont enfermés dans une sorte de sac qui lui couvre le corps. Elle fait le foin, importune les spectateurs, et se retrouve à la porte de la baraque où les saltimbanques continuent leurs exhibitions. Son bienfaiteur financier qui est accompagné d’un ami, se présente. Il se nomme Julien Gémozac et n’est autre que le fils de l’associé du père de Camille. Heureuse coïncidence. Camille narre ses déboires et Julien lui propose de la raccompagner chez elle, tandis qu’Alfred de Fresnay préfère se rendre à son cercle où ils ont l’habitude de rencontrer des horizontales et jouer à quelques parties de cartes, enjeu sur table. Le père Monistrol est décédé et ils font appel à des policiers qui soupçonnent la jeune fille. Celle-ci tombe en syncope et ne se réveillera que quelques jours plus tard. Zig-Zag est passé devant la justice et a été libéré, faute de preuves. Camille décide donc de se venger elle-même et déclare qu’elle épousera l’homme qui l’aidera. Julien se met sur les rangs, mais il ne l’aide pas beaucoup. Comme elle se retrouve sans ressources Gémozac père lui offre une belle somme d’argent, un acompte sur l’argent qu’elle doit percevoir en guise d’héritage, l’invention de son père s’avérant plus que rentable. Camille se rend donc à la Foire aux pains d’épices, seulement il ne reste plus devant la baraque des saltimbanques que le pitre, du nom de Courapied, qui est accablé et son fils Georget, âgé d’une douzaine d’années. Le patron a fait faillite et a préféré partir sous d’autres cieux. Amanda, qui n’est autre que la marâtre de Georget, les a plantés là, s’enfuyant en compagnie de Zig-Zag. Vigoureux, le chien de Zig-Zag arrive en courant, et commence à fouiner dans une cache, ressortant avec une cassette dans la gueule. Courapied et son fils parviennent à l’attraper et lui mettent autour du cou une laisse. L’animal tire sur son collier improvisé et repart, entraînant derrière lui l’homme et l’enfant suivis de Camille, jusque dans les terrains vagues de la Plaine Saint-Denis. Ils aperçoivent une maison délabrée où vit Amanda et ils veulent pénétrer dans la bicoque. Malheureusement Courapied et son fils tombent dans la cave et Camille pense qu’ils sont décédés lors de leur chute. Deux malfrats s’en prennent à elle, tentant de la détrousser, et elle est sauvée par un hobereau de province, Georges de Menestreau, qui va la ramener chez elle, puis l’aider dans ses recherches. Pendant ce temps, Julien et son ami Alfred font la connaissance dans un café-concert d’une jeune femme rousse, la comtesse de Lugos, d’origine hongroise, communiquant par signes avec un homme qui pourrait être Zig-Zag. Alfred rencontre également une femme aux mœurs légères et tireuse de cartes, entre autres. Alfred va même jusqu’à installer la prétendue comtesse dans ses meubles, dans une petite maison qu’il a reçu en héritage. Julien essaie de renouer avec Camille, dont il est tombé amoureux, mais la jeune fille le dédaigne, monsieur de Menestreau lui semblant plus fiable dans ses démarches et dans sa volonté de l’aider.
Fortuné du Boisgobey fait paraître ce roman en 1885, et il évoque quelques-uns de ses confrères romanciers, incidemment lors des conversations entre protagonistes. De Gaboriau et ses romans criminels ou d’Adolphe d’Ennery et de ses romans mettant en scène des orphelines. Mais le style de Fortuné du Boisgobey est plus vivant, plus actuel que celui de ses confrères, même si Gaboriau est plus souvent réédité que lui et par ce fait plus connu. Ce roman est intéressant à plus d’un titre, même s’il existe des coïncidences heureuses, des hasards inexpliqués, car il permet de retrouver un mode de vie parisien lors de la fin du XIXe siècle, avec ses cabarets, ses bourgeois et hobereaux dépensant leur argent dans des cercles de jeux, et ses femmes de petite vertu, entretenues mais libres. C’est le plaisir de découvrir comment Paris et sa proche banlieue ont bien changé depuis des décennies, remplaçant les bidonvilles qui proliféraient par des immeubles. Il est à noter, que ces bidonvilles s’appelaient alors des cités et de nos jours ce mot a été remplacé par jungle. Vivaient là toute une faune hétéroclite, marlous et gens honnêtes. Principalement les biffins ou chiffonniers et pauvres hères. Et les maisons, ou plutôt les baraques et bicoques, étaient construites à l’aide de boîtes de sardines emplies de terre et jointes par du plâtre. S’élevaient aussi les fortifications ou Enceinte de Thiers, les Fortifs chers à quelques romanciers dont Auguste Le Breton, et qui ont disparu peu à peu remplacées par le Périphérique. Sans oublier les postes de l’Octroi, la douane qui vérifiait surtout les entrées de voyageurs et de marchandises. Mais s’agit bien d’une photographie instantanée de Paris et ses environs, et non pas une reconstitution aléatoire par un romancier moderne. De même la narration est fluide, et les dialogues ne sont pas ampoulés, relevant d’un langage argotique populaire de l’époque, sans pour autant que ce soit vulgaire. Certaines scènes sont décrites avec réalisme sans violence inutile. Bref, un roman policier, même si les représentants des force de l’ordre ne sont que des personnages évanescents sans réelle consistance, agréable à lire, élégant, plus contemporain que l’on pourrait penser, qui n’a pas vieilli, mais dans lequel on retrouve quelques thèmes qui à l’époque étaient abondamment développés, mais qui ne tombe pas forcément dans le misérabilisme, entre Victor Hugo et ses Misérables et Eugène Sue et ses Mystères de Paris.
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