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ARTHUR CONAN DOYLE |
La Grande OmbreAux éditions AUBE |
1131Lectures depuisLe mardi 7 Decembre 2016
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Une lecture de |
The Great Shadow - 1892. Collection Aube Poche Littérature. Parution le 1er septembre 2016. 208 pages. 9,90€. Autre édition : Editions 10/18. Préface de Francis Lacassin. Parution avril 1982. 190 pages. Sort de l'ombre... Le personnage de Sherlock Holmes a tellement vampirisé son créateur que la plus grande partie des romans et nouvelles d'Arthur Conan Doyle sont souvent relégués aux oubliettes de l'histoire. Or justement les romans historiques de Conan Doyle sont ceux que l'auteur préféraient parmi sa production et plus particulièrement cette Grande ombre, dont il déclarait : Je le place au premier rang de mon œuvre. Et il avait raison même si d'autres romans ou recueils de nouvelles sont à placer dignement dans votre bibliothèque, dont Rodney Stone, ou la série des Exploits du Professeur Challenger dont Le monde perdu. Cette grande ombre, c'est naturellement celle de Napoléon Bonaparte, Boney pour les Anglais, qui se profilait sur toute l'Europe mais n'a jamais pu atteindre en totalité la Grande-Bretagne. Cet homme qui avait étendu au dessus de toute l'Europe cette grande ombre, qui avait plongé les Nations dans les ténèbres... Âgé de cinquante-cinq ans, Jock Calder, né à West Inch, placé à la frontière entre l'Ecosse et l'Angleterre, avec vue sur la Mer du Nord, se remémore son enfance et les tribulations qui en découlèrent. Son premier exploit, involontaire, alors qu'il est en internat scolaire à Berwick, son amitié avec Jim, plus vieux que lui et qui veut devenir médecin comme son père, ses premiers émois ressentis envers sa cousine Edie. Celle-ci, d'un an plus jeune que lui, est devenue orpheline et dépense sans compter son héritage familial. Elle se montre aguicheuse, futile, et bientôt les deux amis se disputent ses faveurs. Mais le grand tournant dans la vie de Jim se produit lorsqu'il récupère un naufragé qui vient de s'échouer à bord d'une barque. L'homme est mal en point, assoiffé, affamé, et s'il n'a pas de ressources alimentaires, il possède une sacoche garnie de pièces d'or. Il dit s'appeler Bonaventure de Lapp, et a vécu mille vies sur les champs de bataille, ne comptant plus les combats auxquels il a été mêlé. Le visage buriné, il parait plus vieux que son âge. Un major en retraite, voisin des parents de Jock le reconnait pour l'avoir côtoyé quelques années auparavant, les armes à la main. Jock est sous le charme de Bonaventure et des exploits qu'il a réalisé. L'homme vit chez les parents de Jock et paie royalement le gîte et le couvert. Mais insidieusement Bonaventure de Lapp va semer la zizanie entre Jock, Jim et Edie qui se montre toujours aussi aguicheuse. A nouveau la guerre, que certains, dont le major, pensaient éloignée pour des dizaines d'années, se profile à l'horizon. Boney s'est échappé de l'ile d'Elbe et des milliers de soldats se sont ralliés à sa cause et son charisme. Alors que Bonaventure a déjà embarqué depuis quelques semaines quittant West Inch, Jim et Jock partent sur le sol belge, et participent à la bataille de Waterloo.
Jock narre sa propre histoire, son enfance, son adolescence, sa présence à la fameuse bataille qui mit fin définitivement à cette ombre sur le continent européen. Pour autant, il ne raconte que ce qu'il voit, que ce qu'il entreprend, que ce qu'il ressent. Vous pourrez trouver dans les livres d'histoire les causes et les raisons de tout. Je laisserai donc tout cela de côté, pour vous parler de ce que j'ai vu de mes propres yeux, entendu de mes propres oreilles. Plus loin, il confirme cette première impression, ne désirant pas s'ériger en héros, mais bien comme un humble participant parmi tous les soldats engagés dans cette bataille. Il ne m'appartient pas de chercher à vous raconter l'histoire de cette bataille, et d'ailleurs je n'aurais pas demandé mieux que de me tenir en dehors d'un tel événement, s'il n'était pas arrivé que notre destin, celui de trois modestes êtres qui étaient venus là de la frontière, avait été de nous y mêler au même point que s'il s'était agi de n'importe lequel de tous les rois ou empereurs. A dire honnêtement la vérité, j'en ai appris sur cette bataille plus par ce que j'ai lu que par ce que j'ai vu. Ce fut par les lèvres et par les conversations d'autres personnes que j'ai appris comment la grosse cavalerie avait fait des charges, comment elle avait enfoncé les fameux cuirassiers, comment elle fut hachée en morceaux avant d'avoir pu revenir.
Ce voyage à l'étranger dans le but de s'engager aux côtés de soldats aguerris pour mettre fin à une dictature impériale, permet aussi et principalement à Jock de revenir sur des à priori, sur des préjugés, sur des affirmations qu'il avait entendu ici et là, et de se forger sa propre opinion sur un peuple dont il n'avait entendu parler qu'en mal. Pendant toutes ses années-là, on m'avait toujours habitué à regarder les Français comme de très méchantes gens, et comme nous n'entendions parler d'eux qu'à l'occasion de batailles, de massacres sur terre et sur mer, il était naturel pour moi de les croire vicieux par essence et de compagnie dangereuse. Après tout, n'avaient-ils pas entendu dire de nous la même chose, ce qui devait certainement nous faire juger par eux de la même manière. Mais quand nous eûmes à traverser leur pays, quand nous vîmes leurs charmantes petites fermes, et les bonnes gens si tranquillement occupés au travail des champs, les femmes tricotant au bord de la route, la vieille grand-maman, en vaste coiffe blanche, grondant le bébé pour lui apprendre la politesse, tout nous paru si empreint de simplicité domestique, que j'en vins à ne pouvoir comprendre pourquoi nous avions si longtemps haï et redouté ces bonnes gens. Ces simples constatations effectuées sur le terrain lui permettent de réviser son jugement. Je suppose que, dans le fond, l'objet réel de notre haine, c'était l'homme qui les gouvernait, et maintenant qu'il était parti et que sa grande ombre avait disparu du pays, tout allait reprendre sa beauté. Ce roman humaniste délivre incidemment un message, celui de ne pas écouter les hommes politiques, de ne pas s'esbaudir devant leurs paroles belliqueuses, leurs promesses, de réfléchir, de regarder et d'analyser. Ce qui n'était guère possible à l'époque où la parole des hommes sensés être éduqués et dont la voix forte primait avant tout, faisait office de vérité, devrait l'être de nos jours, l'information étant disponible à tous. Mais il existera toujours des faibles qui se laisseront mener par le bout du nez par des tribuns et n'écouteront que les belles déclarations mensongères. Nous en avons la preuve tous les jours, aussi bien en France qu'à l'étranger.
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