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ROBERT DARVEL |
Harry Dickson 2Aux éditions LES MOUTONS ELECTRIQUES |
879Lectures depuisLe vendredi 19 Novembre 2016
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Une lecture de |
Collection Hélio Noir 64. Parution le 6 octobre 2016. 288 pages. 7,90€. Les héros de la littérature d'évasion ne meurent jamais ! Ainsi, Harry Dickson, le Roi des détectives ou le Sherlock Holmes américain cher à Jean Ray, qui à ses débuts a traduit des aventures rédigées par d'obscurs tâcherons allemands puis les a réécrites ou en a imaginé de nouvelles car il les trouvait mauvaises, s'est vu immortalisé grâce à Gérard Dôle, puis Brice Tarvel et Robert Darvel. Vous remarquerez au passage l'étrange quasi homonymie patronymique de ces deux romanciers et nouvellistes qui perpétuent le mythe dicksonnien. Sans vouloir copier son illustre prédécesseur, Robert Darvel, tout comme son aimable confrère Brice Tarvel, emploie des vocables dont la connaissance lexicologique, la lexicographique, la sémantique laisseraient pantois, voire faire écumer d'envie nos romanciers goncourables. Tom les suivit, comme s'il pistait un acide lithophage. Ici et là, une étroite fenêtre éclairée d'une falote bougie perlait d'amphiboles la surface du granit.
Au sommaire de ce second recueil, pour l'instant, quatre nouvelles précédemment publiées sous forme de fascicules aux éditions du Carnoplaste, plus un bonus, non pas comme une cerise sur le gâteau puisque ce incarnat fruit délicat est immédiatement visible à l'œil du gourmand et du gourmet, mais enfoui telle une fève à dénicher.
Le Baal des Psychonautes : Alors que Londres est en proie à des événements tragiques, des enfants disparaissent, Harry Dickson envoie son élève Tom Wills d'office sur la côte afin de se reposer d'une précédente aventure. Le jeune assistant du détective lui poste le lendemain, après s'être installé dans une pension de famille, une carte postale sur laquelle figurent ses quelques lignes : Mon cher Maître, Bien las du Morne Repos & du Grand Air... quand du Sang, du Crime & du Mystère ? Votre dévoué Tom. Mais pour autant, Tom s'entiche de Mary Ann, la fille de la logeuse, une bien belle adolescente. Toutefois, Harry Dickson, lorsqu'il reçoit cette missive, est frappé par le côté recto de cette carte et tombe en légère catalepsie, ce qui affole naturellement Mrs Crown, sa gouvernante-cuisinière. Elle prévient immédiatement un docteur et le superintendant Goodfield. Tom Wills prend du bon temps à Tildesley-the-Sea, et apprend à Mary Ann des jeux de cartes qui sont plutôt du ressort des marlous qui fréquentent le tripot du village. Seulement Mary Ann le soir sort sans prévenir sa mère et rejoint un vaurien qui l'emmène jusqu'à un bouge. Tom la suit dans ce tripot, mais il perd les deux noctambules de vue en descendant dans la cave. Lorsqu'il remonte les douze gaillards qui buvaient et jouaient dans le tripot ont disparu ainsi que la table de jeu. C'est fort marri qu'il rentre dans sa chambre et se couche. Le lendemain, il est fort étonné de constater que le sémaphore lui envoie des signaux. Tout interloqué il se trouve face à Harry Dickson qui l'attend. Débute alors, après que Tom lui eut narré sa nuit, l'enquête qui les mène au tripot et chez la logeuse de Tom. Seulement la brave femme s'évanouit en voyant le détective. Puis s'ensuit une course poursuite contre les Psychonautes, ceux qui ont enlevé les gamins. Course poursuite qui les conduira jusqu'en Normandie, dans la reconstitution du village de Tildesley-the-Sea. Dans ce court roman, deux thèmes sont proposés, le double ou sosie, et le décor planté pour alimenter l'illusion, les artifices, les trucages, dans une ambiance fantastique. Tout repose sur la manipulation, les tours de passe-passe, les apparences trompeuses. Ces perceptions se retrouvent dans les autres histoires mais avec des traitements différents, et l'on n'y ferait guère attention à ces répétitions, si les histoires n'étaient pas lues l'une derrière l'autre dans la foulée.
Le ministère du Grand nocturne : Légèrement éméché, l'acteur Richard Crosgove est victime d'un accident de la circulation. Il s'en sort sans trop de mal, sa passagère, rencontre d'une nuit, de même, mais il n'en va pas pour autant au malheureux bonhomme qu'il a percuté avec son véhicule. Quelques mois plus tard, la notoriété de Cosgrove a atteint son apogée. Mais intérieurement il cultive une forme de neurasthénie qu'il cache sous un faciès de contentement. Un soir, alors qu'il se rend au Greeeat Club en taxi, il aperçoit dans le véhicule qui roule près de celui dans lequel il est installé, son sosie. Arrivé à destination il se rend compte que son double accapare l'attention de la foule. Cosgrove-bis est fauché par un taxi couleur sang-de-boeuf. Cri d'horreur émanant des témoins de l'accident, une ambulance survient avec à bord trois infirmières, l'homme est transporté sur une civière, ne reste plus sur le bitume qu'une flaque de sang. Et deux reliques négligées par les brancardières, deux répliques de jambe en osier. Harry Dickson reçoit dans un paquet un double poinçon, outil utilisé pour manier l'osier, puis surgit Richard Cosgrove qui lui narre sa mésaventure survenue dans le Suffolk quelques mois auparavant. Tout le temps que l'acteur raconte son accident, Harry Dickson remarque que dans la maison qui fait face à sa pièce, se tient une silhouette. Or le locataire est en voyage et ne peut donc pas les espionner. En compagnie de Tom Wills il traverse la rue et lorsqu'il revient au 92b Baker Street, une jambe en osier accompagnée d'un petit mot a été déposée sur son tapis. Une référence au Ministère du Grand Nocturne laisse supposer que le Roi des détectives juge cette affaire comme une représentation théâtrale. Il ne reste plus à Harry Dickson et à son élève à se rendre dans le Suffolk, là où tout a commencé et à rencontrer l'accidenté qui a survécu à son ablation des membres inférieurs. Comme dans la nouvelle précédente, tout repose sur l'illusion et la présence de sosies. Ce sont les seuls rapports qui existent entre ces deux histoires avec des adversaires narguant Harry Dickson avec diabolisme.
Le réveil du Chronomaître et Le fil à couper le cœur. Ce n'est guère son habitude, mais Tom Wills abuse du toddy (grog) dans le pub, tandis que Harry Dickson attend un revenant. Car il s'agit bien d'un mort ressuscité, Francis K., ayant vécu trois décennies et mort depuis douze ans. Et pourtant il s'agit bien ce riche aventurier qui met les pieds dans le pub. Assassiné douze ans auparavant, ses surineurs Blygg et Kip qui arrêtés ont rendu leur dernier souffle accrochés à une potence. C'est le début de multiples péripéties tellement nombreuses qu'il faudra deux fascicules pour en connaître le fin mot. Cadavres avérés revenant sur le lieu de leurs exploits, sosies de vrais personnages, et morts en trompe-l'œil, descentes dans des souterrains avec des décors dignes du cinéma, enlèvements, et enquête réalisée, dans la seconde partie par Goodfield, Harry Dickson étant étrangement absent, Tom Wills blessé et séquestré, autant d'aventures subies ou provoquées dont le lecteur ne saura le résultat qu'à l'épilogue. Les faux-semblants sont accentués par la neige qui tombe, recouvre tout et gêne la circulation. Comme le déclare à un certain moment Harry Dickson : Aussi brillante que soit la fantasmagorie, n'oublions pas que toute illusion a une base de fonctionnement rationnelle.
Enfin, la fève promise, une histoire écrite à quatre mains par Robert Darvel et Brice Tarvel dont l'entame pourrait laisser supposer que le lecteur est en face d'une aventure réelle mais qui n'est en réalité, là encore, qu'une interférence avec le réel et la fiction et une plongée dans le temps. Il s'agit de La machine à explorer Baker Street, histoire dans laquelle les deux auteurs se mettent en scène alors qu'ils sont en panne dans la forêt de Balleroy, revenant de participer à un salon. Et c'est ainsi qu'ils vont se trouver transportés dans le temps grâce à un canapé quantique réalisé par un taxidermiste et mécanicien quantique de Cerisy-la-Forêt (à ne pas confondre avec Cerisy-la-Salle, lieu d'échanges littéraires et grand pourvoyeur de colloques situé dans le même département de la Manche), Cerisy-la-Forêt donc, paisible village dont le rythme est ponctué par son abbatiale, placé à la limite du Calvados et de la Manche et à une quinzaine de kilomètres de la résidence du rédacteur de cet article. Le but de nos deux amis étant de résoudre un différent, à savoir si Harry Dickson habite au 92b Baker Street, comme l'affirme l'un, ou au 221b selon les assertions de l'autre.
La lecture de ce recueil provoque une addiction non anxiogène, non illégale et non mortifère, à découvrir d'autres aventures du Roi des détective, tout au contraire. Le lecteur ébaubi en redemande afin de prolonger son plaisir non feint, aussi je me permets de vous signaler quelques pistes utiles à suivre, la lecture n'étant pas encore prohibée. Heureusement !
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