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GERARD DELTEIL |
Un Garçon OrdinaireAux éditions FLEUVE NOIRVisitez leur site |
2396Lectures depuisLe mercredi 24 Juin 2015
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Une lecture de |
Pour cette histoire peu banale, l’auteur semble puiser son inspiration du côté de chez Bloch. Et son personnage n'a rien à envier aux fous qui hantent l'univers du grand maitre du roman noir. Jugez-en plutôt : le gus en question s'est découvert des penchants sadiques et ne parvient au plaisir qu'en fouettant puis étranglant des femmes - jeunes et jolies-. Mais au détour d'un orgasme irréfléchi, il y perd ses testicules.
Mai 1985
À Paris, au milieu des années 1980. Âgé de trente-cinq ans, Charles Gaubert habite rue de Sèvres. Célibataire, il n'est guère attirant et s'habille de façon vieillotte. Il occupe un poste d'aide-comptable dans l'entreprise Renard-et-Richard, cent quarante-trois employés. À l'opposé de cette vie routinière, Charles Gaubert est un tueur sadique. Il aime maltraiter ses victimes, les frapper avant de les supprimer. La première fut une jeune Anglaise, qu'il rencontra par hasard. La deuxième était une brune antiquaire des Puces de Saint-Ouen. Il vient d'en éliminer une troisième : Évelyne, dix-huit ans, travaillant à la RATP. Il suit dans les journaux l'avancée de l'affaire, quand le commissaire Bouvier fait le lien avec le cas de l'antiquaire. On traite bientôt le tueur de Monstre, des psys s'expriment sur sa folie. On indique qu'un clochard était été témoin du meurtre d'Évelyne. Chez Renard-et-Richard comme partout, le personnel commente le double crime. Denise Liénard, jeune rousse excitante, est intérimaire depuis la veille à la Comptabilité. Elle ne tarde pas à soupçonner Charles Gaubert. Celui-ci la frappe mortellement dans les bureaux de l'entreprise, avant de cacher le corps dans un placard. Ce soir-là, il va voir “Vera Cruz” au cinéma, une histoire de tueur cynique avec Burt Lancaster. Puis il faut se débarrasser du cadavre en le jetant dans la Seine, non sans contre-temps. D'ailleurs, on retrouve bien vite le corps de Denise Liénard. Dès le lendemain, le commissaire Bouvier interroge les employés de chez Renard-et-Richard, en particulier ceux de la Compta ayant tant soit peu connu la nouvelle victime du tueur. Charles Gaubert ne présente qu'un alibi incertain. Il sent que le policier est sûr que l'assassin est membre du personnel, et qu'il le coincera. Charles Gaubert estime prudent de jeter aux égouts quelques indices pouvant l'incriminer. Le soir même, un inspecteur de l'équipe du commissaire Bouvier s'invite à son domicile, rue de Sèvres. Bien qu'il ne paraisse pas vraiment le suspecter, il vaut mieux jouer profil bas, ce dont l'aide-comptable a l'habitude. En fait, c'est son collègue Georges Dumonier qui se trouve dans le collimateur de la police. Il est vrai que cet homme marié se prend pour un grand séducteur. Au sein de l'entreprise, les petites secrétaires s'inquiètent, aussi organise-t-on un covoiturage pour les protéger. C'est ainsi que la décomplexée Babette devient l'amante de Charles Gaubert. Pour lui, le sexe reste moins puissant que sa cruauté de tueur. Tandis que Georges Dumonier est toujours absent, on pense à une dépression. La direction en profite pour complètement restructurer le service comptabilité. Au bénéfice de Charles Gaubert, qui monte un peu en grade. On apprend l'arrestation de Dumonier. Néanmoins, la police possède également des indices pouvant, après examen, les orienter sur la piste de Charles Gaubert. Il va se mettre au vert en Corrèze, dans une ferme abandonnée du côté d'Uzerche. À l'heure où toute la France recherche le criminel, pas sûr qu'il y soit véritablement à l'abri… Il s'agit là du cinquième polar de Gérard Delteil, publié en 1985 dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir sous l'égide de Patrick Mosconi, après “Solidarmoche”, “Kalashnikov”, “Votre argent m'intéresse” et “Les Chiens de garde” (parus en 1984). Si la France d'il y a trente ans ne nous paraît pas si lointaine, certaines ambiances sont néanmoins assez différentes. L'entreprise Renard-et-Richard veut garder l'aspect d'une "grande famille", plus besogneuse que dynamique. L'habillement du jeune inspecteur Tridon (jeans, boots, blouson) tranche avec celui des policiers de génération précédente. Surtout, même si des affaires se sont déjà produites en France, il n'est pas si fréquent que l'on parle chez nous de "tueurs en série". Une notion encore souvent réservée aux Américains ou aux Anglais, avec leurs "serial killers", à l'époque. Il y a aussi des situations qui ne changent pas, décrites avec une bonne dose d'ironie : “Plusieurs individus, dénoncés par des voisins ou des collègues, ont été appréhendés, interrogés et relâchés. On compte parmi eux trois Arabes, un Chinois, et un réfugié polonais qui ne parle pas un mot de français… Ça me rassure un peu sur l'efficacité de la police et de la collaboration de la population. Le pays se mobilise, paraît-il, pour la chasse au monstre, des associations d'anciens combattants proposent leurs services pour effectuer des battues, un ancien candidat aux présidentielles en profite pour se faire interviewer et rappeler qu'il a toujours réclamé le renforcement des effectifs des forces de l'ordre et l'îlotage systématique de la région parisienne. Un autre politicien déplore la suppression de la guillotine. L'ex-fiancé d’Évelyne déclare qu'il fera justice lui-même si le maniaque lui tombe entre les mains. La famille de l'antiquaire offre une prime et veut engager un détective privé. Les médias sont assaillis de coups de fils et de lettres anonymes...” Gérard Delteil choisit ici la narration à la première personne : c'est le tueur qui raconte son histoire. En effet, le récit est plus percutant en employant ce procédé. Son héros sadique prétend maîtriser ses instincts, contrairement à l'interprétation par les psys. Ce qui ne l'empêche pas de commettre quelques bourdes. Il nous invite à partager son jeu du chat et de la souris (et ses tourments) face aux enquêteurs. Les péripéties ne vont donc pas manquer. Un livre à classer parmi les romans noirs, pour son climat et son excellent portrait de "tueur en série"...
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