la conjuration florentine de Gérard DELTEIL


La Conjuration Florentine DELTEIL424

GERARD DELTEIL

La Conjuration Florentine


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Le jeudi 10 Decembre 2015

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Gérard DELTEIL




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

En 1497, l'Italie est morcelée, se composant de divers États, de la république de Venise au royaume de Sicile, en passant par la royaume de Naples et quelques autres. La république de Florence fut longtemps dirigée par la famille des Médicis, qui en restent les banquiers discrets. Régnant sur les États Pontificaux, Rodrigo Borgia, le pape Alexandre VI, garde un œil depuis Rome sur ses puissants voisins florentins. Avec son conseiller, l'évêque Adriano Castellesi, le pape commence à s'agacer des prêches publiés sous forme de pamphlets par le moine dominicain de San Marco, à Florence, Jérôme Savonarole. Estimant corrompue l’Église catholique, ce tribun plaide avec virulence pour un retour aux doctrines de la Foi, dont la pauvreté et la chasteté seraient les bases. S'il ne cherche pas le schisme, le moine Savonarole utilise son influence pour que Florence soit symbole de chrétienté exemplaire.

La décision papale est radicale : il faut éliminer le perturbateur hystérique Savonarole. Sur le conseil de Castellesi, c'est l'étudiant Stefano Arezzi qui fait son noviciat à Bologne (dans les États du Pape) qu'on envoie sur place. Il sera officiellement précepteur des enfants di Turca, dont le père est un riche drapier de Florence. La fidélité de Stefano est sans faille, mais l’Évêque lui fait donner quelques cours d'initiation soldatesque. Et un apothicaire va fournir au jeune novice franciscain une gamme de poisons, soporifiques ou mortels. Bien que sa mission soit assez urgente, Stefano observe d'abord la vie quotidienne florentine, dans les ateliers de son employeur autant que dans les rues et les débits de boisson. À Florence, on complote beaucoup, semble-t-il. Toutefois, la bourgeoisie commerçante évite de fâcher les dominicains, dont le poids moral pèse lourdement sur la ville.

Les religieux ont formé toute une troupe d'enfants, les Anges Blancs, qui quêtent des dons en leur faveur. Par ce biais, Stefano parvient à approcher des dominicains, dont il est vite apprécié. Mais d'autres mômes sont moins bien lotis, et c'est ainsi que Stefano peut aussi se renseigner sur la population ouvrière modeste de Florence. S'il parvient à rencontrer Savonarole, Stefano n'est pas prêt à le supprimer, d'autant que le prêcheur lui apparaît sincère. Par contre, les comploteurs Doffo Spini et ses amis imaginent poser une bombe sous la chaire où Savonarole tient ses discours enflammés. Pas une si bonne idée, selon le capitaine Molini, qui sert de contact entre Stefano et le conseiller papal. Si le jeune novice a pu assouvir quelques instincts sexuels au sein de la famille di Turca, il rencontre bientôt une femme qui l'impressionne, Antonella Serafini.

Organisant des fêtes en son luxueux domicile, cette splendide veuve passe sûrement pour une débauchée aux yeux des dominicains. Accueillant des membres de l'élite opposés au dogmatisme d'un Savonarole, Antonella Serafini dispose d'un certain pouvoir. Qu'elle choisisse Stefano pour amant n'aurait rien d'étonnant. Chez elle, le jeune homme fait la connaissance de l'érudit Nicolas Machiavel. Il ne se prétend pas devin, mais assure à Stefano que l'influence de Savonarole ne durera guère. De son côté, le pape est bon tacticien : c'est plus probablement par la ruse que par des tentatives d'assassinat qu'il pourra contrer Savonarole. Quant à Stefano, qui a sympathisé avec l'apprenti imprimeur Luigi, il lui faudra éviter d'être éclaboussé par les évènements florentins à venir…

Avant tout, il est bon de préciser qu'il s'agit d'un inédit, d'une première édition. Le format poche ne signifie pas systématiquement qu'un livre ait été publié précédemment en grand format, même si c'est la plupart du temps le cas. Romancier depuis 1984, cet auteur est issu de cette génération dont les livres étaient initialement publiés en "poche". Écrivain chevronné, Gérard Delteil sait pertinemment qu'on lit en priorité un polar historique pour son intrigue. Bien sûr, tout auteur se doit de rester en conformité avec l'époque et les ambiances qu'il utilise. Qu'il se soit largement documenté ne fait aucun doute. Mais c'est bien une fiction riche en aventures et en rebondissements que nous espérons, et non un ouvrage savant sur l'Italie de cette période. Néanmoins, tout est véridique.

À Florence, alors alliée au roi de France, la situation est complexe. La caste des notables, représentant ce qu'on nomme les Arts majeurs, doit s'accommoder de la pression de plus en plus forte des religieux dominicains. La férocité d'un orateur comme Savonarole n'est pas si rassembleuse à long terme. Car, concernant les inégalités sociales et le sort des femmes, ses paroles ne changent rien. Et s'entourer de jeunes adeptes endoctrinés, finit toujours par apparaître telle une menace. Dans les hautes sphères, on verra quelle sera la réaction du pape. Mais c'est surtout, grâce au jeune Stefano, l'incursion dans le quotidien de la toute fin du 15e siècle qui rend passionnant ce récit. Une reconstitution épatante et détaillée avec subtilité de la vie des Florentins, la narration étant d'une parfaite fluidité. Belle harmonie entre l'Histoire, les péripéties et le suspense !

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Une autre lecture du

La Conjuration Florentine

de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE

Points Thriller P4222 Inédit. Parution 19 novembre 2015. 480 pages. 7,90€.

Il faut tuer Savonarole...

Il est difficile de ne pas effectuer un parallèle entre des événements qui ont secoué la ville de Florence en 1497 et l'état d'esprit qui régnait alors, et certains événements socioreligieux actuels.

Dieu ne veut pas de crucifix d'argent à côté d'estomacs affamés.

Cette diatribe imprimée à Florence et émanant de Jérôme Savonarole, le moine dominicain qui veut imposer aux habitants de la cité une règle de conduite plus pure, indispose fortement le Pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia.

Avec l'évêque Adriano Castellesi, qui est également son ami, le pape décide de supprimer purement et simplement son ennemi. Il recherche donc un candidat susceptible de mener à bien cette mission et le trouve en la personne d'un novice, Stefano Arezzi, car selon Castellesi, sa foi frise le fanatisme.

Enfant trouvé, Stefano, qui entre dans sa vingtième année, a été élevé par les Franciscains, a étudié la théologie, les mathématiques, l'astronomie, les langues, à l'université de Bologne, et est actuellement au couvent de l'Aracoeli. Seulement Stefano ne sait pas manier les armes et son maître sera un sicaire qui aurait pu prétendre lui aussi à affronter Savonarole. Après un entraînement poussé, Stefano se rend à Florence, muni d'un coffret contenant une Bible mais qui dissimule des fioles de poisons et des objets pouvant servir de cachette telle qu'une bague au chaton amovible.

Les troupes de Charles VIII remontent vers la France, les Médicis ont été chassés de Florence, et la populace est divisée en trois factions d'inégales compositions. Savonarole possède ses partisans, les Piagnoni, tandis que les Arrabiati s'érigent en ennemis du moine, les Compagnacci représentant la tendance dure des Arrabiati. Les Médicis sont soutenus par les Bigi qui espèrent leur retour aux affaires. Mais ce sont surtout les jeunes gens issus de familles riches qui se montrent les plus virulents.

Savonarole a proscrit la musique, la danse, les masques et les carnavals, obligé les femmes à cacher leurs cheveux sous un voile, et bien d'autres manifestations qui font de lui un moine intégriste enflammant une grande partie des Florentins. Les livres, les œuvres d'art licencieuses ne trouvent pas grâce à ses yeux, de même que le luxe affiché par l'Eglise et les puissants, la recherche du profit, et la vente bénéfique financièrement d'Indulgences. Une réforme humaniste dans l'excès.

Le cerveau du Frate est trop étroit pour comprendre que la jeunesse préfère la musique, la danse, les masques et les jeux de l'amour qui accompagnaient les carnavals d'autrefois aux litanies de l'église.

C'est dans cette ambiance trouble que Stefano débarque à Florence et il se rend, sur les conseils de Castellesi chez Maître Turca, un riche drapier-lainier, afin de devenir le précepteur de ses deux enfants, Gustavo et Léna. Gustavo se montre un élève appliqué, mais Léna, proche des quatorze ans, est déjà une petite femme aux formes généreuses et elle se montre aguicheuse auprès de Stefano. Mais ce n'est pas Lena qui décrochera le pompon, ce sera Fedora, la femme de Turca, qui lui rendra visite en catimini dans sa couche un soir.

Gustavo est embrigadé dans la formation des Anges blancs, dont la mission est de récolter des subsides pour construire des hospices. Stefano est chargé de le surveiller car Turca se méfie des manigances du Frate, alias Savonarole. En guise de subsides, les Anges blancs reçoivent des pierres lancées par des gamins vivant dans un quartier défavorisé. Il évite toutefois à Vittorio, l'un des agresseurs d'être écharpé, ce qui lui vaut la reconnaissance familiale et celle du voisinage. Il devient même le général d'une section des Anges blancs. Mais il s'attire les quolibets et les inimitiés de la part des Compagnacci, des jeunes gens tout feu tout flamme.

Ce que n'avaient pas prévu Alexandre VI et Castellesi, c'est l'attirance qu'exercera Savonarole sur Stefano. Il rencontrera bien d'autres personnages, dont le jeune Nicolas Machiavel, et surtout la belle et veuve Antonella Sarafini, dont le fils est lui aussi membre des Anges blancs. Il lui faudra également déjouer des tentatives d'assassinat, des complots, car les ennemis de Savonarole ne manquent pas, soit dans Florence même, soit dépêchés par le Pape qui ne s'est pas résigné à subir les affronts de Savonarole, lequel va jusqu'à organiser un autodafé, le bûcher des vanités, au plus grand dam de ses adversaires.

Stefano va apprendre qu'il ne faut pas confondre la religion, la politique et le négoce, ces trois éléments étant souvent incompatibles.

Gérard Delteil nous invite à un voyage dans le temps à une époque au cours de laquelle la religion possédait une prépondérance maléfique dans la vie quotidienne des êtres humains, régissait tout et imposait une vision déformée des enseignements humanistes.

Si le but de Savonarole, réfuter l'amas de richesses engrangées de la papauté et les redistribuer aux pauvres, était avisé et louable en soi, c'est sa façon de procéder qui est condamnable. Imposer des préceptes intégristes et plonger la masse populaire dans l'ignorance, et ses prises de positions principalement vis à vis de la gent féminine, nous ramène inconscient (ou pas) aux préceptes des talibans tels qu'ils l'exercent aujourd'hui. Et Savonarole influencera peut-être Luther et Calvin lorsqu'ils poseront les bases de la Réforme.

Et au delà du roman, très fouillé, construit avec une recherche historique, même si cela reste justement un roman, ce sont bien les débordements religieux qui s'ancrent dans l'esprit du lecteur. De plus, entre les Dominicains dont fait partie Savonarole, et les Franciscains, religieux dont le Pape est proche, existe un antagonisme flagrant.

Gérard Delteil démonte l'hypocrisie qui règne, les magouilles et manipulations exercées au nom de l'église en appliquant les doctrines selon ses envies et ses besoins personnels. Le personnage de Savonarole se montre ambigu, et dont justement il faut se méfier. Tout comme les religieux, quelle que soit leur confession, d'aujourd'hui qui veulent infliger leur vision en abaissant moralement leurs fidèles, en se servant de textes dénaturés, et les obligeant à se conduire en rétrogrades exaltés, fanatiques, subissant des enseignements iniques.

Un roman historique passionnant, dans la veine d'Alexandre Dumas, mais avec une approche sur des événements actuels , même si cela n'est pas défini et exprimé dans l'ouvrage, et qui va au-delà du simple plaisir de la lecture.

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