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INGRID DESJOURS |
Sa Vie Dans Les Yeux D'une PoupéeAux éditions POCKETVisitez leur site |
1144Lectures depuisLe dimanche 27 Juillet 2014
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Une lecture de |
Barbara Bilessi est une esthéticienne fraîchement diplômée âgée de vingt-quatre ans. Elle habite avec sa mère aveugle, Marthe. Les deux femmes ne s'entendent pas très bien, la mère se montrant mordante avec sa fille. Barbara collectionne les poupées authentiques. Elle vient d'en acquérir une quand, rentrant chez elle ce soir-là, elle est agressée et violée dans un parc. Peu après, Barbara commence à travailler dans un institut de beauté. Elle reste dans le déni de son récent viol. Elle dialogue régulièrement avec la dernière poupée achetée, Sweet Doriane. Barbara se fâche contre l'influence qu'exercerait sur elle cette poupée, et la martyrise. Si elle a un petit ami, ce Raoul Poncet n'est certainement pas le prince charmant. Il se proclame “son mec”, mais ignore bien des choses sur Barbara. Dans son personnage de Barbie, la jeune femme augmente son salaire en se prostituant. Ce second métier ne nécessite aucune attirance sexuelle, juste d'avoir l'esprit clair vis-à-vis des hommes. Par le bouche à oreille, elle se fait vite une petite clientèle. Dans son déni du viol, Barbara a vécu une grossesse fantôme. La voilà qui accouche par surprise d'un bébé. Un garçon, qu'elle n'a pas l'intention de déclarer officiellement. Fatalement, la mère de Barbara est mêlée à cette situation. C'est Marthe qui surveillera le petit quand, après quelques jours d'arrêt-maladie, l'esthéticienne retourne à l'institut de beauté. Barbara se comporte telle une maman attentive. Par contre, l'arrivée du bébé entraîne des disputes sérieuses avec la jalouse poupée Sweet Doriane. Policier, Marc Pergolès a été victime avec sa compagne Annabelle d'un accident de voiture. La femme est décédée. Le policier a été amputé d'une jambe. Il est maintenant équipé d'une prothèse. De l'avis de son collègue et ami Ange Gardeni, Marc aurait dû prolonger sa convalescence. Car le caractère de Marc est plus agressif que jamais. Peut-être parce qu'il savait qu'Annabelle lui était infidèle, l'accident prend un autre sens dans sa tête. Il ne se contente pas de jouer au provocateur, mais pratique aussi la roulette russe. Ange est inquiet pour la santé mentale de Marc. Tandis qu'il suggère à son ami de voir un psy, il fait intégrer le policier dans la brigade des mœurs de leur commissariat. Marc Pergolès va y être bientôt confronté à une affaire qui captive son attention. Le psy qu'il a rencontré est la troisième victime d'une prostituée. Celle-ci attache ses clients, se grime avec une moustache, et torture les hommes venus la voir. Marc, ayant esquissé un profil assez juste de la coupable, estime que cette femme n'en restera pas là. Qu'elle va finir par carrément tuer ses clients. Marc réussit à identifier la prostituée, et se propose de servir d'appât pour l'arrêter. Il imagine la détresse psychologique de la coupable, ce qui n'est pas sans l'émouvoir, lui qui n'éprouve plus guère de sentiments… [“Barbara a besoin d'être aimée. Par son enfant, par sa mère, par un homme. Et cet amour, elle l'obtiendra, même si ce doit être par la force.”] Moitié-moitié. C'est la forme choisie par l'auteure pour nous raconter cette histoire. D'un côté, il y a Barbara. Un cas psychiatrique, pas la peine de le taire. De l'autre, il y a Marc. Un caractériel suicidaire, inutile de le cacher. Existent donc deux possibilités pour les lecteurs. Soit on les accepte tels qu'ils sont, avec risque d'aggravation de leur état, car une amélioration est improbable pour l'un des cas. Soit on les juge négativement, en tant que personnages dérangés. Car la folie, schizophrénie ou instincts violents, peut constituer une explication, pas une excuse à tout. Ingrid Desjours maîtrise très bien la construction de l'intrigue. Le déni de grossesse après viol, le petit ami qui ne correspond nullement à la jeune femme, les sautes d'humeur du policier, tout cela est distillé selon un bon dosage. Néanmoins, on pourra regretter une tendance à surcharger certains effets. Débuter un chapitre par “Putain de bordel de merde !”, parce qu'une sixième agression est découverte, c'est excessif. Si les dialogues avec la poupée sont justifiés, quelques passages de ces conversations apparaissent plus artificiels. En somme, la tension est déjà présente, n'en rajoutons pas. Petit défaut qui n'a rien de rédhibitoire, toutefois. En acceptant le jeu psychologique, c'est un roman qui se lit avec un certain entrain. |