la prisonnière du djebel de Didier DAENINCKX


La Prisonnière Du Djebel DAENINCKX309

DIDIER DAENINCKX

La Prisonnière Du Djebel


Aux éditions OSKAR

2953

Lectures depuis
Le lundi 29 Juillet 2013

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Didier DAENINCKX




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

C’est fou ce que l’on peut trouver dans des endroits insolites. Prenez par exemple derrière la cloison qui cache une baignoire, on penserait surtout à de la poussière, à des gravas négligemment poussés par des ouvriers peu scrupuleux, à des morceaux de ferraille et autres déchets laissés là lors de l’installation de la plomberie.

Eric, obligé de changer un joint de robinetterie, après avoir enlevé la trappe d’accès, infiltre sa main dans l’ouverture exiguë et tâtonne. Il sent une espèce de boite qu’il ne parvient pas à sortir. Il soulève le couvercle et palpe l’intérieur ramenant des objets en bois et métal enveloppé dans un chiffon, des papiers, une photo. Sous ses yeux ébahis il commence son inventaire. Le tissu graisseux entoure un pistolet et un chargeur. Il y a également une petite quille en bois, taillée à la main, coloriée, une boucle de ceinturon, des épaulettes, ainsi qu’une série de cartes postales représentant les environs d’Affreville et enfin une photo. Sur le cliché figure une jeune femme attachée à un arbre, les mains liées derrière le dos et accroupie. Au premier plan un jeune soldat allumant une cigarette. Or ce visage ne lui est pas inconnu. Il croit se voir pourtant c’est impossible, il n’a jamais fait la guerre. Il s’agit de son grand-mère, une intuition confirmée en examinant plus attentivement la quille qui comporte une date, le nombre 100 et un prénom : Gilbert.

Il lui faut en savoir davantage et Eric profite du pont de l’Ascension pour descendre en compagnie de Lydia, sa jeune épouse, en Charente où vit son grand-père dans une petite maison située dans les marais. Eric lui montre sa découverte et Gilbert au début se contente de déclarer qu’il avait oublié ces objets qu’il avait caché afin d’enterrer ses souvenirs. Comme beaucoup de soldats de cette époque, il ne s’est jamais étendu sur ces années de sa vie. Pourtant, peu à peu, Gilbert va révéler ce passé, se confiant à Eric et narrant cet épisode peu glorieux.

D’ailleurs, même encore aujourd’hui peu de militaires ayant participé à cette guerre qui ne veut pas dire son nom, pudiquement appelée les événements d’Algérie, racontent ce qu’ils ont vu, endurés, entrepris. Ils rechignent à tout déballer, se retranchant derrière les secrets de la Grande Muette, avouant avec réticence que si des bavures ont été commises c’était à cause des ordres de leur hiérarchie. Certains en sont même revenus traumatisés.

Didier Daeninckx s’inspire d’événements dont il a eu connaissance par des membres de sa famille et d’amis proches, de discussions qui ne se font qu’entres personnes issues du sérail, et d’épisodes réels. D’ailleurs il rend hommage à Michel Boujut, décédé en mai 2011, auteur d’un livre de souvenirs, Le jour où Gary Cooper est mort, qui narre sa propre expérience.

L’histoire de Georges n’est qu’un tout petit morceau du puzzle de la Guerre d’Algérie, mais une pièce importante pour la compréhension de ce qu’elle fut et comment elle a été vécue et ressentie. En fin de volume, un dossier explique cette démarche dans un entretien entre l’éditeur et l’auteur. Une mise au point sur la mémoire, que beaucoup aimeraient voir effacée, mais qui ressurgit grâce aux témoignages, ainsi que sur les antécédents. Ce livre est destiné à l’édification des adolescents, à partir de onze ans, et espère leur démontrer que ce qui a été dit, aujourd’hui encore, comporte de nombreux mensonges et de terribles lacunes. Et tous ceux qui, comme moi, avaient une quinzaine d’années en 1962, lorsque les accords d’Evian ont été signés, se souviennent probablement de cette date historique mais n’ont eu que des informations partielles et partiales par les journaux et la radio. Les membres de leur famille ayant participé malgré eux à ces événements, le mot guerre était interdit, restant sur leur réserve et ne parlant que de péripéties ne prêtant pas à conséquence. Ils préféraient vivre avec des souvenirs peut-être peu glorieux et ne pas les exposer au grand jour.

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