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MERCEDES DEAMBROSIS |
Le Dernier Des TreizeAux éditions LA BRANCHEVisitez leur site |
1542Lectures depuisLe mardi 19 Mars 2013
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Une lecture de |
L’inspecteur Louis-Édouard Dudeuil n’est pas le plus brillant élément de la police criminelle. Issu d’une orgueilleuse famille de nantis, fils d’un puissant préfet, ce dandy joua longtemps au dilettante. Ses manières raffinées tranchent encore avec celles de ses collègues. C’est son père qui, deux décennies plus tôt, obligea Louis-Édouard entrer dans ce métier. À près de cinquante ans, il se complait dans une fonction subalterne. Si sa mère l’admet fort bien, son préfet de père supporte mal la médiocrité de Louis-Édouard. Il n’hésite plus à traiter publiquement son fils de honte de la famille. Par bravade, le policier affirme s’occuper d’une affaire qui lui prouvera le contraire. Une enquête sérieuse, justement, il s’en présente une. Ce groupe d’amis se connaît depuis une trentaine d’années. Après avoir tâté de la politique, gauchistes motivés, ils sont tous aujourd’hui employés par la société Dexon Expert & Cie, entreprise s’occupant de sécurité globale. Leur supérieur, la mûre Mlle Kraminski, a l’œil sur ces treize personnes, les traitant sans amabilité. Eux-mêmes, ils ne sont plus si proches, la vie de chacun ayant bifurqué au gré du temps. Pourtant, jadis, ils firent une sorte de pacte. Ils chargèrent leur ami René d’engager un tueur pour les éliminer si, devenus adultes, ils trahissaient leurs idéaux de jeunesse. On ne sait trop ce que le roublard René fit de l’argent que chacun versa à cette fin. Ils avaient quasiment oublié cet épisode lointain. Seulement, quand la mort soudaine de l’arriviste Françoise précède de treize jours celle de l’alcoolique Charles, ce n’est peut-être dû au hasard. L’anxieuse Dorothée agace le groupe avec ses suppositions, mais on ne peut pas exclure que le tueur se soit mis en action. Alerté, voyant là l’occasion de montrer sa compétence, le policier Louis-Édouard, assisté du fruste Guémard, s’intéresse au petit groupe. Quand Sylvain est la troisième victime, l’inspecteur affirme que son “intuition” était bonne. Il les interroge tous, sans grand résultat. Il fait ainsi la connaissance de Mlle Kraminski, qui ne le laisse pas insensible. Il cherche toutes les occasions de la revoir, sous prétexte d’avoir son opinion professionnelle sur ces décès. La tension devient vive dans le groupe, à cause de l’hystérie de Dorothée comme des mensonges de René, ou des vies mal équilibrée des autres. La série de crimes se confirme avec le meurtre de Stéphane. Ils passent les fêtes de Noël en semi-état d’arrestation. René semble se rebiffer, sans être ni plus ni moins suspect que presque tous. Pour Louis-Édouard, le bilan est quand même positif. Galvanisé par ce “succès”, il est trop causant face à la presse. Maintenant, il faut de l’efficacité, exige la hiérarchie. Ce qui n’empêche pas que, passé le jour de l’an, deux amis soient cibles de tirs, blessant mortellement Vladimir. Il faudra que Louis-Édouard soit carrément héroïque pour faire avancer l’enquête vers son terme… Ne confondons pas cette intrigue avec une ordinaire affaire de serial killer, même si les meurtres s’y succèdent à bon rythme. S’il règne une certaine nervosité chez les victimes potentielles, cette histoire est largement destinée à faire sourire. Il suffit d’entrer dans la famille préfectorale, et délicieusement caricaturale, de Louis-Édouard pour s’en convaincre. Entre paranoïa et scènes de pugilat, mystère et fanfaronnades du policier, le climat n’est toutefois pas au drame pour nous qui les observons. Un humour en finesse, qui compense l’amertume des protagonistes autrefois amis. Néanmoins, il existe bien un assassin qui domine la situation. Une précision s’impose au sujet de la narration. Le récit autour de l’enquêteur utilise la forme classique. Par contre, on a aussi la version des faits par divers membres du groupe, en alternance, sans indication nette de celui qui s’exprime. On s’y adapte très facilement, une fois assimilé le principe, et ça ajoute du piment (autant que du style littéraire) à l’énigmatique ambiance. Peu importe l’étiquette “polar”, puisqu’il s’agit d’un excellent et drolatique suspense. |