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ÉMILIE DE TURCKHEIM |
Le Joli Mois De MaiAux éditions HELOISE D'ORMESSONVisitez leur site |
622Lectures depuisLe vendredi 1 Juillet 2011
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Une lecture de |
Dans sa propriété de Saint-Benoît-sur-Leuze, au cœur d’une contrée giboyeuse, Louis Yoke reçoit des hôtes amateurs comme lui de chasse au sanglier. C’est ce qu’il faisait jusqu’au mois dernier, avant qu’on ne le retrouve mort par balle sous un arbre de son domaine. Ne restent plus ici que ses employés Aimé et Martial, pour nourrir les poules et les cochons, passer l’épuisette dans l’étang, ratisser les allées, s’occuper de la maison. C’est surtout Aimé, aussi simplet paraisse-t-il, qui s’occupe de tout. Car Martial, au temps où M.Louis était encore là, a subi un sévère choc qui lui a laminé la tête et l’esprit. Pour le réconforter, Aimé ne peut même plus compter sur la tendresse de Lucette. Cette prostituée quadragénaire fut une habituée de la propriété, une intime de M.Louis. Mai, c’est pas la saison de la chasse. Pourtant, Aimé et Martial doivent recevoir cinq invités. S’ils sont réunis, “c’est parce que M.Louis qui avait ni femme ni enfant ni considération pour personne à part son chat Grin [les] a choisis par hasard dans la liste de ses clients pour [tout] leur léguer” explique Aimé, avec la maladresse qui le caractérise. Ils devront patienter ce soir : le notaire viendra le lendemain à onze heures pour régler la succession. Il y a là, venant de Picardie, M.Truchon et sa pulpeuse épouse Paulette. Le commandant Lyon-Saëck, policier retraité septuagénaire, arrive de la même région. Sacha Milou, un petit gros dont ce n’est sans doute pas le vrai nom, est accompagné de son chien Pistache. C’est le patron du bordel L’Ange Bleu, du côté de Saint-Étienne. Très discret, le cinquième hôte est un ancien militaire au court patronyme incertain. Ils sont donc ici pour hériter tous les cinq, comme l’indiquent les dispositions testamentaires de M.Louis. Encore qu’il s’agisse d’un document assez sommaire, peu officiel. La soirée débute mal, Paulette Truchon quittant prématurément le cercle des héritiers, suite à un malaise soudain, mortel et définitif. Culpabilisant sans raison, Martial fait une crise. Aimé est son “soutien psychologique”, comme celle qui l’a écouté dans l’affaire de Lucette. Tandis que M.Truchon s’occupe de couper du bois pour le feu dans la grange, Aimé recueille les confidences du policier retraité Lyon-Saëck. Ce fut un homme de principes, mais sa rigueur n’empêcha pas des errances familiales. Peut-être Aimé comprend-il son histoire mieux qu’il ne veut le montrer. Le lendemain, la matinée risque d’être longue, voire mortelle, en attendant l’arrivée fort improbable d’un notaire… La vie “elle en fait voir de toutes les couleurs, et surtout du noir et du foncé”, se dit Aimé, narrateur malhabile de ce récit. Ce n’est pas qu’il explique mal, mais les souvenirs se mélangent souvent aux faits du moment. Il faut pourtant bien qu’il évoque feu-M.Louis, Lucette, le drame de Martial, les filles de Sacha Milou, ce dont il fut témoin, et ce qu’il sait de ces gens aveuglés par l’héritage. Ici, l’écriture joue avec le langage, donnant sans en avoir l’air indices et révélations, au fil d’une intrigue criminelle de bon aloi. On sent pointer l’hécatombe. Il s’agit donc d’un bel exercice de style, extrêmement plaisant à lire. Néanmoins, sans revenir sur l’impression très favorable, il faut nuancer les louanges. La base du sujet n’a rien de novatrice, elle a servi à quantité de romans depuis qu’existe le genre policier. Il n’est pas inutile d’avoir quelques notions en la matière avant d’écrire un suspense. Éluder certaines précisions, c’est quelque peu tricher. En outre, aussi ciselé et littéraire soit-il, le style a ses limites. Tout lecteur tant soit peu exercé devinera très tôt les rouages et les connections, moteurs de l’affaire. Émilie de Turckheim devra corriger quelques petits défauts, si elle publie un autre polar. Toutefois, répétons-le, celui-ci reste fort agréable à découvrir. |