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JEANNE DESAUBRY |
Dunes FroidesAux éditions KRAKOENVisitez leur site |
3781Lectures depuisLe mardi 18 Fevrier 2009
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Une lecture de |
Ah la mer, les embruns, les dunes de sable ! Carte postale rêvée de tous les estivants qui viennent se prélasser sur les plages du Nord recherchant le calme, la sérénité et la solitude. Sauf que, en ces mois d’hiver, c’est le sale temps qui règne en maître. Ce qui n’est pas forcément pour déplaire à Victor, un sexagénaire qui a pris une année sabbatique après le décès de sa femme. Un soulagement. Il a quitté Grenoble et il vit dans une villa nichée loin de tout avec Martha, une jeune fille étudiante qu’il a connue en tant que professeur à la fac. Une femme trop jeune pour lui, pense le voyeur qui les traque avec son appareil photo, obsédé de plus en plus par Martha, car de Victor il n’en a cure. Tout se passerait bien si un individu ne s’était pas introduit dans la maison, lors d’une absence de Victor et n’avait pas violé Martha. Victor rentré à l’improviste égorge l’homme dans un moment de fureur puis il enveloppe le corps dans des nattes de plage et le trimballe dans sa carriole accrochée à son vélo jusqu’au haut d’une falaise et le bascule dans la mer. Un pêcheur ramasse dans ses filets ce cadavre à moitié grignoté par les poissons. Selon les premiers examens réalisés par la gendarmerie locale, il s’agit de Benacer, un triste individu, récidiviste qui s’est fait la belle en toute impunité. Entre les deux amants le climat se détériore d’autant que Martha a avoué qu’elle était espionnée depuis quelques semaines. D’ailleurs Martha avait déjà été violée à Grenoble par une bande d’excités sexuels. Un traumatisme dont elle a eu du mal à se débarrasser, avec l’aide de Victor. Le voyeur n’est autre que Duchamp, le journaleux local, promis à un bel avenir s’il n’avait pas fait l’imbécile. Depuis il végète, se contentant d’espionner. Victor fulmine en voyant partout des photos de Martha dans l’appartement minable de Duchamp. La jalousie commence à le tarauder. Il imagine un stratagème susceptible de le dédouaner tout en accusant Duchamp. L’univers de Jeanne Desaubry navigue du côté de David Goodis et de Simenon, celui des romans dans lesquels Maigret joue aucun rôle. L’atmosphère, l’intrigue, les relations qui se délitent entre les divers personnages, font penser à ces deux grands maîtres du roman noir avec toutefois une touche personnelle, une écriture imagée (La maison est nichée entre deux seins de sable gris doucement vallonnés, mouillés par l’hiver) tout en étant sèche, précise et concise, presque abstraite (C’est l’été quand elle les retrouve. Première ligne du chapitre 24). Les personnages principaux évoluent au fil du déroulement de l’histoire, révélant leur véritable nature, et seule Martha peut trouver grâce auprès du lecteur, avec son côté fragile d’oiseau blessé. Le contrepoint étant assuré par la capitaine de gendarmerie qui se dresse fière dans ses bottes, et le pauvre Maillard, son adjoint, qui a de bonnes idées mais ne sait pas les exploiter. Et cette histoire d’amour devient rapidement le grain de sable qui cache les dunes et raye les existences. Ce troisième roman de Jeanne Desaubry démontre un réel talent de conteur et de fabriquant d’intrigues qui pourraient s’inscrire dans une comédie inhumaine moderne.
Mais tout naturellement la promesse des jours heureux se fracasse très vite contre la dureté du réel, le réel des contingences exogènes, mais aussi endogènes. Les unes prennent le visage d’un évadé et d’un voyeur, les autres trouvent leurs sources dans les défaillances de l’âge. Et au fil des jours, sous l’œil inquisiteur de la gendarmerie, l’amour se délite sous les coups de boutoir du soupçon et de la jalousie jusqu’à devenir haine. Publié au temps jadis chez les défuntes éditions Krakoen, ce roman à la noirceur anthracite a connu une seconde vie sous forme numérique aux éditions Ska avant de débarquer en audio (chez Numilog.com). Et l’audio lui convient à ravir, puisqu’elle sublime la multitude de points de vue qui charpentent cette histoire d’amour, cette histoire sordide, en multipliant les voix des conteurs. L’autrice, Jeanne Desaubry, déploie un talent de conteur qui envoutera aussi bien le lecteur que l’auditeur tant elle sonde avec justesse la psychologie des protagonistes, leur donne vie et épaisseur, hisse cette histoire glauque au rang de l’universel. |
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