le retour du taxidermiste de François DARNAUDET


Le Retour Du Taxidermiste DARNAUDET165

FRANCOIS DARNAUDET

Le Retour Du Taxidermiste


Aux éditions RIVIERE BLANCHE


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Le dimanche 30 Juin 2008

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François DARNAUDET




Une lecture de
L A

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En 1985, sous la plume de duettistes à l’esprit torturé, prenait vie un personnage qui pour fuir la douleur s’enfonçait, à chaque instant un peu plus, dans la folie.
Après avoir empaillé un chat, il empaillait une femme avant d’obliger une prostituée à avaler de la limaille de fer… afin de suivre le long de son tube digestif, au détecteur de métaux, le trajet de ce plat.
La morale de cette aventure, qui se concluait par le meurtre du taxidermiste de Montparnasse, les auteurs l’énonçaient sans détours :
« Le soir même, j'ai empoisonné un chat de Cluny avec de la mort-aux-rats et je l'ai empaillé... J'ai bourré la peau d'Hélène avec de la filasse et du coton, sur une carcasse en fil de.fer... L'opération était plus longue, plus fatigante qu'avec le chat... Comme en toutes choses, avec les femmes c'est toujours plus compliqué. » Jacques Marioton dit le Taxidermiste. 

Vingt (trois) ans après, à la manière des plus grands, le Taxidermiste est de retour.
Certes, François Darnaudet, épris de vraisemblance, ne ressuscite pas Jacques Marioton dans une ellipse feuilletonesque, mais il n’en demeure pas moins que le Taxidermiste est de retour! Et que conformément à ses enseignements ses fidèles disciples, aujourd’hui rassemblés en l’église Saint-Sulpice, renouent avec son œuvre inachevée et à jamais vénérable. 

Avec Le Livre I du Taxidermiste, les auteurs avaient dépouillé le roman policier de ses oripeaux déductifs, de son manichéisme sociétal. Aucun détective, fut-il journaliste, n’y symbolisait le bien en lutte contre le mal, ou le prolétariat aux prises avec les puissants de ce monde… Dépouillait de tous ces garde-fous, de ces voiles et autres miroirs déformants, Le Livre I du Taxidermiste se concentrait sur l’objet même du roman policier : le mort… la mort. Objet qui ne se différencie pas de celui de la religion.

L’objet du Livre II du Taxidermiste reste inchangé, mais l’auteur franchit un nouveau pas. Si dans le précédent tome, les auteurs esquissaient une explication au comportement du « héros », on n’en trouve pas la moindre dans celui-ci. Les fous sont fous et aucun aliéniste n’est appelé à la rescousse pour décoder leurs actions à coups de traumatismes de la petite enfance ou d’Œdipes mal résolus. Et cette absence nous positionne au cœur de la folie. Nous ne sommes pas des spectateurs bardés de connaissances, nous sommes des acteurs éberlués, des presque fous… des anormaux qui rient lorsqu’un cadavre se vide des sucs qui l’emplissent. 

Et la morale dans tout ça? Amis lecteurs rassurez-vous, elle reste sauve :
« Ils (Thomas Davrel Junior et Robert Darnet) vivent dans un pavillon de banlieue, à Fresnes, une de ces petites maisons envahies par les roses trémières. Ils sont vieux, efféminés et emmitouflés dans des pulls de laine. Le plus décati des deux relit, en sirotant une verveine-menthe, un antique roman policier qu'ils avaient écrit au début de la carrière du couple.L'autre s'emploie à rédiger une œuvrette à l'eau de rose dans laquelle un jeune industriel s'engage dans la légion étrangère par dépit amoureux pour une jeune employée de sa propre usine... »
Et leur mort sera tout aussi horrible que leur retraite :
« Une plante carnivore engluait dans ses mâchoires végétales un phallus coincé dans un piège à souris tandis qu'un œil crevé d'un clou reposait sur un coussinet de poils pubiens dans un écrin constitué par une coquille Saint-Jacques »

Chacun l’aura reconnu, le phallus est celui de Darnet alors que l’œil appartenait à Davrel



Une autre lecture du

Le Retour Du Taxidermiste

de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE

210 pages. 17,00€.

Pour faire peau nette, comme disait un ami palefrenier !

Ce recueil comprend deux titres dont un inédit. Le premier roman, Le Taxidermiste, écrit en collaboration avec Thierry Daurel, a été publié en avril 1985 chez Corps 9, autant dire qu'il était devenu introuvable. Le second roman, Le Club des cinq fous, aucune analogie avec le Club des Cinq d'Enyd Blyton, tout juste un clin d'œil, est dû à la seule plume de François Darnaudet et devait être publié au Fleuve Noir dans une collection disparue entre temps. Et mon tout donne ce Retour du Taxidermiste, deux textes fantastico-policiers.

Commençons par le début, cela facilitera la suite :

Le Taxidermiste.

Pour se faire la main, le narrateur, on saura plus tard qu'il se nomme Jacques Marioton, attrape un chat puis l'empaille. Faut bien un début à tout. Il se rend régulièrement à la bibliothèque du Ve arrondissement de Paris, où il retrouve ses compagnons, et compulse des ouvrages sur la taxidermie. Hector Balsinfer, retraité, passe son temps à dormir sur un recueil des journaux du Figaro, année 1933, excellent somnifère qui ne délabre pas l'estomac comme les cachets et autres potions dites magiques; Albert Cziffram ancien prof de maths qui a tapé sur un inspecteur d'académie, ce qui n'était pas la solution; Ali m'Gari qui pour un rien pousse des cris, au grand dam des bibliothécaires.

A cause d'une bavure, le narrateur, l'autre qui répond au nom de Charles Jabert, a été obligé de changer de métier. Ancien inspecteur de police il est devenu représentant en matériel électronique. Ce soir là il est content, il va retrouver Hélène qui doit l'attendre chez lui. Elle a décidé de partager son appartement, au moins il n'aura plus les pieds froids le soir dans son lit. Seulement Hélène n'est pas là. Le lendemain il apprend par la télévision qu'Hélène a été retrouvée chez elle, dans un piteux état. Pourtant l'empailleur avait bien travaillé, le boulot était fignolé.

Le naturaliste, à l'origine de la mort d'Hélène, ne s'arrête pas en si bon chemin et d'autres jeunes femmes sont ainsi découvertes au gré de ses maux de tête. Car les névralgies sont fréquentes, de plus il arbore un œil de verre, c'est peut-être pour cela qu'il regarde les représentantes du sexe féminin de travers.

Le chemin du taxidermiste et du policier vont se croiser, et ce ne sera pas le fruit du hasard.

Dans ce premier roman, les deux auteurs s'amusent avec le genre gore alors naissant, le premier roman de la collection Gore du Fleuve Noir parait justement en 1985, initié par des films qui connurent un certain retentissement comme Massacre à la tronçonneuse. Ils ne se cantonnent pas dans un style rigide mais multiplient les délires, en se renvoyant peut-être la balle lors de la rédaction. En effet dans certains passages, des mots ou des locutions sont sciemment répétés, comme un mantra, tel ce détecteur de métaux ferreux et non ferreux qui apparait au moins cinq fois dans la même page. Le quartier de l'Odéon est au cœur du sujet même si d'autres lieux comme le quartier Montparnasse sont largement évoqués. Et le Panthéon, Cluny, endroits symboliques du Ve arrondissement parisien ont marqué François Darnaudet, puisque l'un de ces romans publiés plus tard se nommera justement Les Dieux de Cluny. Enfin il faut signaler que toutes les têtes de chapitre font référence à des films, le premier cité étant Drôle de drame.

Le Club des cinq fous

Nous retrouvons dans une chapelle de l'église Saint Sulpice quelques protagonistes ayant évolué dans Le Taxidermiste. Mais pas tous. Marioton n'est plus. Albert Cziffram non plus. Inexplicablement il a disparu. Ne restent que Ali M'Gari, éternel étudiant en sociologie et Hector Balsinfer qui se sert toujours des reliures du Figaro en guise de somnifère. A ces deux inamovibles rescapés de la confrérie Théorème de la Nuit se sont joints pour former l'association Triste Planète les sieurs Inocybe de Patouillard, religieux agressif qui siège justement en l'église Saint Sulpice, Gérard Touzbarre, ancien ingénieur des Travaux publics et collectionneur invétéré et enfin Francisco Cervantoche, ancien auteur-acteur et metteur en scène de ses propres pièces destinées à quelques résidents d'un asile dans lequel il a vécu et actuellement vendeur chez Presciences, une boutique qui fourni de tout à l'intention des chercheurs naturalistes.

En lisant un ouvrage consacré à la réincarnation par la taxidermie, ils se sont mis en tête de ressusciter le Grand Maître Marioton en procédant à des expériences sur des sujets vivants. Il leur faut respecter certaines règles que tous n'ont pas exactement assimilées et surtout qu'ils détournent en pensant bien faire, leur esprit naviguant en dehors de toute logique. Ali M'Gari, dont ce n'est pas le véritable patronyme, s'est institué Premier Président de Triste Planète, en l'absence de Cziffram, et il ne fait pas l'unanimité. Ils ont entamé leur démarche par l'invocation du Bedouk, sans effet réel, donc il leur faut trouver un autre exorcisme. En attendant à la fin de leurs réunions, ils passent leurs nerfs sur un pauvre chanoine étripé et gisant dans un confessionnal et M'Gary donne pour se défouler des coups de pied à un clochard rencogné au porche du monument religieux.

Le premier à s'y coller est Gérard Touzbarre qui est inspiré par la visite du musée Orfila. Et ce sera sa servante-maîtresse Gudule qui est l'heureuse élue de cette expérience. Il garde la tête afin de réaliser un moulage de cire et se débarrasse du corps. L'inspecteur principal Malvy est chargé par son patron le commissaire Daurel (clin d'œil à son comparse) de résoudre cette énigme.

Mais cette tentative avorte et il faut renouveler ce procédé d'une autre manière s'ils veulent parvenir à leur but.

Dans ce second opus consacré au Club des cinq fous, qui à l'origine n'étaient que quatre mais avec l'inflation... ce second opus donc est plus gravement et sérieusement jubilatoire que le premier. François Darnaudet est seul aux commandes mais il emprunte toutefois quelques rites stylistiques puisé dans le premier ouvrage. Ainsi en parlant d'une jeune femme, future victime, le mot provocant est employé au moins une quinzaine de fois afin de la décrire physiquement, vestimentairement, sans que cela choque ou provoque l'ire du lecteur. Une répétition amusante qui sied bien au contexte.

François Darnaudet est plus inventif et créatif dans la démesure et il s'ébroue dans les descriptions comme le ferait un thanatopracteur devant une assemblée de carabins. L'histoire, tout comme les protagoniste, est complètement décalée et déjantée. Si le gore prédomine, l'humour en pied-de-nez est omniprésent décontractant les mâchoires et l'estomac noué. Et le final est fort bien amené, laissant place toutefois à un possible retour des Cinq fous qui enregistrent l'arrivée d'une nouvelle recrue. Mais voilà, le mot fin est suivi d'un ? Alors, suite ou pas suite ?

Ce recueil est augmenté d'une bibliographie exhaustives des œuvres de fiction établie par Alain Sprauel.

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