|
![]() |
JEANNE DESAUBRY |
HostoAux éditions KRAKOENVisitez leur site |
3735Lectures depuisLe mardi 25 Avril 2006
|
![]() |
Une lecture de |
![]() |
Mademoiselle Soline Porpiglia n'est pas n'importe qui, elle est la directrice des Affaires Médicales à l'hôpital Saint-Cyrille. Voilà une fonction qui contenterait plus d'une femme. Sauf que mademoiselle Soline Porpiglia n'est pas une femme ordinaire, non seulement elle est de ces femmes que le commun des mortels ne croise qu'en couverture des magazines féminins, et parfois dans les pages intérieurs des mensuels masculins, mais elle est aussi une collectionneuse, une passionnée du genre masculin. Et il faut bien l’avouer, ce dernier le lui rend bien. Au demeurant, ceci ne serait pas grave si son caractère exécrable, instrument à son besoin de domination, ne venait assombrir encore un peu plus le tableau. En résumé, à l'hôpital Saint-Cyrille, peu de monde supporte mademoiselle Soline Porpiglia… Certains vont même jusqu'à la haïr. C'est le cas de Christine Lagadec, la DRH, qui ne lui pardonne pas d'être la maîtresse de son mari, rédacteur en chef d'un grand journal parisien… C'est aussi le cas de Claudette Méjean, une de ses subalternes qu'elle accuse d'incompétence et qu'elle humilie quotidiennement… et d'un certain Choisy qui depuis des années falsifie la comptabilité et détourne des fonds de l'hôpital Autant dire, qu'à l'hôpital Saint-Cyrille, on ne soigne pas que les malades, on y règle aussi les comptes. Alors doit-on s'étonner, qu'un petit matin, on retrouve mademoiselle Soline Porpiglia gisant sur la moquette de son bureau le crâne défoncé ? Marc Perrin, inspecteur à la Brigade Criminelle, est dans un premier temps chargé de l'enquête ; dans un premier temps seulement, puisqu'ayant été l'amant de Claudette Méjean il est mis, autant qu'il se met, sur la touche. Jeanne Desaubry, avec ce roman, nous plonge dans le milieu trouble des hiérarchies hospitalières où la jalousie, la servilité, la mesquinerie et le carriérisme règnent sans partage. Phénomène consubstantiel des sphères du pouvoir qu'exacerbent les diverses réformes libérales de la santé. « Les grands patrons (les médecins), que le pouvoir ne suffit pas à rassasier, vont pouvoir se faire une petite clientèle à l'hôpital. C'est pour ça que depuis, ils peuvent, s'ils le demandent au Préfet, consacrer trois pour cent de leur temps et huit pour cent des lits du service à leur activité libérale. Le personnel est payé par l'Etat. (…) Comme les consommables, le chauffage, toutes les charges » « Hosto » est un roman de facture classique puisqu'il s'attache à répondre aux questions coutumières de ce genre : Qui ? et Pourquoi ? Qui a assassiné Soline Porpiglia et pourquoi ? Il est aussi fortement inspiré du néo-polar. Au final, ces questions ne sont qu'un prétexte pour croquer des silhouettes sociales et dresser un réquisitoire contre les « classes » dominantes, autant de thèmes propres au néo-polar. On pourrait croire que « Hosto » n’est qu’une tentative, heureuse, de fusion de ces deux « écoles », mais il n'en est rien. Car une surprise guette le lecteur : le dénouement jette une tout autre lumière sur ce roman qui se dévoile plus noir que prévu. La force du regard que l'auteur pose sur la société se révèle... Et Claudette Méjean acquiert la stature d'un archétype.
Et ce matin, elle doit répondre à l’appel impatient de Porpiglia, directrice des Affaires Médicales, qui, comme de coutume, la traite d’incapable. « Mais comment je fais pour supporter de travailler avec vous ? Est-ce que vous vous rendez compte que vous faites pitié à tout le monde ici ? Votre nullité est devenue proverbiale. Mais j'en peux plus de tout faire pendant que vous papillonnez. J'en-Peux-Plus ! Vous comprenez ? Vous êtes nulle ! J'en ai marre de porter ce service à bout de bras ». Ce matin à l'hôpital Saint-Cyrille serait donc un matin comme tous les autres… un matin où l’administratif prend le pas sur les malades. Mais ce matin n’est pas un matin ordinaire, car ce matin, Claudette Méjean découvre dans son bureau le corps sans vie de Soline Porpiglia. Un inconnu lui a fracassé le crâne ! Et l’enquête policière débute sous la direction de Marc Perrin, en duo avec Degroux, et sous les auspices du hasard, puisque Marc et Claudette se sont connus dans le passé avant de se perdre de vue au détour de mutations. Qui a assassiné Soline Porpiglia ? Ce ne sont pas les suspects qui manquent à l’appel tant la dame faisait la quasi-unanimité contre elle ! Serait-ce le directeur du journal « La Voix de la France », mari de Christine Lagadec, Directrice des Ressources Humaines, et amant de la jeune Soline Porpiglia ? À moins que ce ne soit un interne vertement rabroué ? Ou peut-être ce responsable informatique soupçonné de détournement de fonds et qui a pris la fuite ? Cette dernière hypothèse est celle que retint Perrin pendant que Degroux braque ses soupçons sur Claudette. Cet « Hosto », signé Jeanne Desaubry, a tout, quant à l’intrigue, du whodunit classique (« qui l'a fait ? ») et pourtant, il en est l’exact contraire, tant l’autrice concentre son attention sur la destruction psychologique de son personnage principal, destruction résultant d’une part du harcèlement moral de cadres dirigeants qui laminent sans remords leurs subordonnés et d’autre part de l’acharnement policier tout aussi détestable. Et c’est cette mécanique parfaitement huilée que l’autrice expose dans toute sa crudité et sa cruauté, créant de la sorte un poignant suspens hitchcockien. « Hosto » est un roman d’une noirceur absolue que l’on ne lâche qu’à regret lorsque s’inscrit en bas de page le mot fin sans que la moindre lueur d’espoir ne l’ait traversé. |
Autres titres de |