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FRANCESCO DE FILIPPO |
L'offenseAux éditions METAILIEVisitez leur site |
1968Lectures depuisLe jeudi 13 Octobre 2011
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Une lecture de |
Traduit par Serge Quadruppani Gennaro vit à Naples, dans le Quartier. Un lieu qu’il est aisé de boucler quand y entre un importun. Un lieu où, dans un palais au milieu des masures, vit Don Rafele qui tutoie le pouvoir et ne sait pas sourire, homme d’immense puissance.Gennarino, père de famille, n’est qu’un minable, chômeur, petit fricoteur sans envergure. Un jour, Don Rafele décide de lui donner un rôle local. Sans le moindre choix personnel, l’option « refus » ayant été bannie du vocabulaire de l’Organisation, le voici « camorriste ». A vrai dire, il est plus efficace comme prête nom que comme tueur. Incapable de se servir d’une arme, n’ayant pas le cœur aux « interrogatoires », Gennaro se sent couler dans un univers dont il ne veut pas.« Le soir je devais regarder Lello et Assunta [ses enfants], je devais rester attaché à la vie, accroché au jour à la lumière à la voix… »Bousculant les valeurs du machisme mafieux, Gennaro voudrait qu’on l’oublie, mais sait que c’est impossible. Alors, il suit Paolino Sanvergogne dans ses descentes violentes, ses excès de sexe, la drogue, et s’enfonce dans le noir et le désespoir. Ce roman vaut par plusieurs aspects originaux. Le personnage de Gennaro est clairement un anti héros, mais issu du petit peuple de Naples, il nous en offre toute la richesse. La vie du « Quartier » en particulier, son vacarme, ses commerces, le petit peuple laborieux, les ateliers clandestins dans les caves, le linge qui sèche partout. La loi qui régit le Quartier est celle de la Camorra. Mais le bras de Don Rafele est long, très long, et l’on s’autorise à penser que sa puissance s’étend bien au-delà de son quartier d’élection. Le reproche que l’on peut faire au roman, terriblement bien informé, est de faire de Gennaro un benêt de bonne volonté. Cela réduit sensiblement la portée de son message. L’omnipotence de la camorra est-elle à ce point absolue ? S’il avait complètement raison, on perdrait tout espoir de voir ce pays magnifique se libérer du joug de la mafia. Filippo, après De Cataldo, ou Saviano, le discours est différent, la conclusion identique. La mafia est partout. Alors comment fait l’Italie pour rester debout ? La traduction que fait Quadruppani du dialecte napolitain, doublant les premières consonnes, offrant les expressions savoureuses spécifiques avant de les traduire, n’est pas pour rien dans l’attachement que l’on finit par avoir pour ce personnage veule et désespéré, pris dans une toile d’araignée qui lui parait universelle. On connaissait Quadruppani comme traducteur talentueux de Camilleri le sicilien et on sait le succès de ces romans en Italie comme en France. Utilisant les mêmes principes : recours à des expressions provençales, chamboulement de la syntaxe, la traduction de « l’Offense » est cependant tout à fait spécifique. On est clairement dans une autre langue. Bien sur, il y a l’inévitable perte de sens de la traduction. On bénéficie toutefois dans ce roman du talent remarquable d’un écrivain traducteur sachant rendre tout le sel des parlers italiens, car, en effet, le sicilien de Montalbano n’a pas grand-chose à voir avec le napolitain de Gennaro. Dans tous les cas, c’est pour notre plus grand plaisir de lecteur que Quadruppani joue avec les phrasés. |