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PASCAL CHABAUD |
Mort D'un SénateurAux éditions DE BOREEVisitez leur site |
531Lectures depuisLe mardi 12 Juin 2018
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Une lecture de |
En juillet 1940 à Clermont, dans le Puy-de-Dôme. Joseph Dumont est un jeune inspecteur de police, exerçant sous les ordres bienveillants du commissaire Champeix. La femme de Joseph, Sabine, était enceinte quand elle a été tuée dans un accident par une automobile, près d’un an plus tôt. Le véhicule s’est enfui. Joseph peut moralement s’appuyer sur sa sœur Irène, couturière. Au commissariat, il peut faire confiance à Espinasse et à Nestor Bondu, le scientifique de l’équipe. Quant au policier Brouyard, il est tout dévoué au régime pétainiste. C’est dans le contexte troublé de la prise de pouvoir par Pétain qu’un meurtre est découvert dans un hôtel de la ville. Le sénateur Étienne Ferrand a été mortellement frappé à coups de cendrier dans sa chambre. Franc-maçon, il s’opposait au gouvernement réfugié à Vichy, trop favorable aux nazis. La soubrette qui a découvert le cadavre ne dit certainement pas tout à Joseph. C’est la petite amie du cambrioleur maladroit Fanfan. Dans la région, la famille des confiseurs Thévenet est puissante. Ce sont des partisans de la Cagoule, mouvement fascisant qui se sent fort depuis l’arrivée de Pétain. Localement, le nommé Goigoux est l’exécutant de la Cagoule. Cynique, il emploie des gens comme Fanfan pour mettre la pression ou même tuer leurs cibles. Les francs-maçons sont leur priorité. Après les obsèques de Ferrand, Joseph interroge la famille du défunt, ainsi que le curé qui fut ami d’enfance du sénateur. À une terrasse de bar, Joseph et Nestor sont visés par des tirs. C’était bien Nestor que le tueur à moto voulait abattre, en tant que franc-maçon. Il n’est que blessé. Que ce soit l’œuvre de la Cagoule ne fait pas le moindre doute. Joseph est convoqué à Vichy, et reçu par le président Pierre Laval en personne. Ce dernier exige une enquête à charge contre le défunt sénateur, qui s’opposait au régime venant de se mettre en place. Étienne Ferrand avait essayé, lors de la fuite du gouvernement à Bordeaux, de convaincre les parlementaires du danger pétainiste. Missionné par Laval, qu’il n’apprécie nullement, Joseph peut continuer son enquête à Paris. Il commence par la seconde épouse de Ferrand. Chez laquelle il croise Lucien Thévenet, le plus actif de cette famille à grenouiller pour la Cagoule. Joseph ne doute pas que son rôle soit obscur, mais il n’est pas facile d’en savoir plus autour du restaurant parisien qui lui appartient, antre des Cagoulards les plus résolus. Tandis qu’à Clermont, les fascistes continuent à supprimer leurs adversaires, Joseph sympathise avec Albertine, qui fut la secrétaire du sénateur. Le jeune policier ayant identifié les malfaisants, les sbires de Thévenet s’attaquent à lui avec violence. Joseph trouve refuge chez Albertine, où il peut se reposer un peu avant de rentrer à Clermont. Il va bientôt comprendre que la mort du sénateur peut avoir un lien avec un nouveau véhicule, projet des ingénieurs de Citroën, qui n’existe encore qu’à l’état de prototype. Il va également dénicher des éléments concrets sur l’accident dont Sabine, son épouse, fut victime quelques temps plus tôt… (Extrait) : “C’était une belle journée pour un enterrement. La température à Orcines était inférieure de deux ou trois degrés à celle de la plaine de Limagne. Une légère brise renforçait l’impression de fraîcheur, malgré un soleil étincelant. Joseph attendait le début de la cérémonie sur la place de l’église, à l’écart de la foule des notables et des habitants du village. Un groupe d’hommes se tenait à l’écart. Il reconnut parmi eux Jean-Auguste Senèze et Aimé Coulaudon, membres de la loge des Enfants de Gergovie. Le commissaire Champeix discutait gravement avec eux. Jocelyn Cluzel était là aussi. Joseph l’avait croisé plusieurs fois au cours de ses enquêtes. Ils s’estimaient, mais se livraient peu l’un à l’autre. Joseph se méfiait des journalistes, et Jocelyn pensait que la police était un mal nécessaire. L’assistance s’écarta à l’approche du corbillard. Le cheval noir qui le tirait fit demi-tour là où il le faisait toujours et s’arrêta. Les hommes des pompes funèbres retirèrent le cercueil, le posèrent sur des tréteaux et s’éloignèrent. Le cheval prit l’initiative de s’installer à l’ombre des pins, à l’extrémité de la place.” C’est de façon remarquablement vivante que Pascal Chabaud raconte cette histoire, qui se déroule à l’installation de l’État pétainiste. À chaque tête de chapitre, on nous gratifie de ces décisions émanant du nouveau pouvoir, sous la conduite de Pétain et Pierre Laval. La débâcle et l’exode laissent la place à l’autorité, déjà quelque peu sous contrôle nazi. En marge de l’enquête, est évoqué un de ces camps de réfugiés où végète la population ayant dû fuir en catastrophe. Parmi eux, touchés par la propagande, on désigne les Juifs comme coupables de la situation. Chez certains notables, dans une longue tradition anti-démocrate haineuse, on sent l’heure de la revanche contre les francs-maçons. Il faut se souvenir que la Cagoule et ses fanatiques furent tout près de réussir un coup d’état, et qu’ils sont alors les meilleurs serviteurs de Pétain et de sa clique. Les privations commencent pour les habitants, la censure est active contre les journaux, rares sont les gens obtenant des ausweiss, et les transports très surveillés rendent les voyages chaotiques. À Paris, l’occupant militaire hitlérien est probablement plus visible que dans une ville de province telle Clermont-Ferrand. Pourtant, le poids de la défaite pèse sur tous. C’est dans cette ambiance que le jeune inspecteur évolue, reconstituant les faits au gré des témoignages, tandis que plane l’ombre des tueurs de la Cagoule. Pas la moindre lourdeur narrative, dans une enquête de forme assez classique, en ces semaines où s’annoncent des temps difficiles. Le policier aura droit à sa dose de chocs, mais il reste tenace, volontaire. Une intrigue très entraînante, vraiment passionnante. |