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HELENE CALVEZ |
Le Prince Des TénèbresAux éditions ERICK BONNIER |
505Lectures depuisLe mercredi 23 Mai 2018
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Une lecture de |
Collection Encre d’Orient. Parution le 12 avril 2018. 264 pages. 20,00€. ISBN : 978-2367601175 Sort de l’ombre… Comme l’affirmait Régine Pernoud dans son étude Pour en finir avec le Moyen-âge (Le Seuil – 1977), cette période de l’histoire de l’humanité ne fut pas aussi obscurantiste que l’ont prétendu bon nombre de manuels d’histoire, et d’historiens. Et si les technologies numériques n’avaient pas encore été inventées, les sciences philosophiques, médicinales, chirurgicales et autres enregistraient de très gros progrès, surtout avec l’apport des études des Anciens dont Aristote. Et c’est bien en référence à ce philosophe qui aborda tous les genres que le narrateur de ce roman historique, natif de Tolède et ayant suivi des études à Séville auprès d’Avenzoar, médecin, chirurgien et découvreur, nous conte un épisode de sa vie. Avendeuth ainsi dénommé par son père Jean de Séville, médecin, traducteur et astrologue, à l’âge de sept ans mais aussi connu sous les noms de Jean de Tolède ou Jean David, est mandé par le rabbin philosophe Maïmonide à Fustât, ville incorporée depuis peu au du Caire, à enquêter sur une mort suspecte en la personne de Saad al Dawla al Misri, riche négociant en tissu et tisseur lui-même, soutien de l’Egypte et ami de Saladin alors dirigeant de ce pays qui subit les croisades des Francs. Or, à cette époque, dans les années 1170, en Espagne et particulièrement à Tolède, Juifs, Musulmans et Chrétiens vivent en bonne intelligence, même si la mosquée a été transformée en cathédrale. Avendeuth a donc suivi des études de médecine, est devenu traducteur comme son père, mais surtout s’est spécialisé dans la flore médicinale et aux poisons. Il est devenu un Empoisonneur, et non un tueur, car c’est à la demande des familles qu’il pratique son art. Il s’est d’ailleurs surnommé le Prince des Ténèbres, mandaté par Dieu pour empêcher la résurrection des viles personnes. Et il visite dans son laboratoire l’Autre-Monde grâce aux substances qu’il prépare. Mais c’est pour ses connaissances et plus qu’encouragé par son père et l’archidiacre, Dominique Gundissalvi, qu’il s’est rendu à Fustât afin d’enquêter sur cette affaire. Seulement, une autre obsession l’habite, celle de découvrir la matérialité de l’âme, de la voir, d’en démontrer l’existence ou non. L’âme ou psyché en grec. Il rencontre Khadi, la veuve de Saad, ainsi qu’un des portiers de la mosquée Ibn Tûlûn dans laquelle vivait le défunt depuis vingt jours. Il apparaissait montant le minaret appelant les fidèles à la prière, puis procédait à ses ablutions, observant un jeûne rigoureux. Or en conversant avec ses différents interlocuteurs, Avendeuth se rend compte d’une dichotomie entre les actes et les paroles de Saad. Malgré ses connaissances déjà poussées, il découvre d’autres plantes qui peuvent aussi bien être médicinales que mortifères, selon leur dosage.
Au-delà de l’enquête, celle concernant un meurtre dit en chambre close, et du personnage trouble d’Avendeuth, Hélène Calvez nous décrit cette période médiévale, bien loin de nous et nébuleuse pour certains, aussi bien en Espagne qu’en Egypte, avec rigueur et érudition. Ce qui au départ pouvait sembler ardu et pédagogique s’est rapidement transformé en roman historique passionnant et foisonnant. Et l’auteur s’attache plus sur le pourquoi que sur le comment, même si le comment est indissociable du pourquoi. Il existe de très nombreuses divergences entre la représentation que l’on peut se faire de la France médiévale, marquée par la peste, la lèpre, les Croisades et l’érection de très nombreuses cathédrales, édifices qui ont su traverser les siècles et résister aux ravages des guerres et des dégradations de toutes sortes tandis que les bâtiments actuels sont déjà vieux à peine sortis de terre, et les pays du sud de l’Europe et surtout du Moyen-Orient. On se croirait dans une nouvelle version des Mille et une nuits mais en plus savant. Hélène Calvez nous offre une vision plus approfondie de cette période, des us et coutumes et des mœurs de ces pays, avec une approche des religions qui exclue le prosélytisme. Les connaissances intellectuelles et médicales étaient mises en commun et élevaient la pensée. Mais il ne faut pas croire pour autant que des personnages, tels que Saad ou d’autres, ne se consacraient qu’à la générosité. Souvent elle n’était que de façade, pour des raisons matérielles. Mais est-ce que cela a vraiment changé de nos jours ? Une image que je retiens, qui n’est pas le fait plus marquant mais éclaire un peu mieux sur cette époque, celle de l’ophtalmologiste opérant l’œil d’un patient atteint de la cataracte à l’aide d’une aiguille à piston. Une plongée historique, ésotérique, philosophique, métaphysique en tout point remarquable ! A signaler que les plupart des personnages évoqués ou jouant un rôle prépondérant dans ce récit, ont réellement existés.
S’il est une chose qu’apprécient les gens de pouvoir, c’est la flatterie. Ils seront d’autant plus sensible aux louanges s’ils sont cajolés par celui qui n’est pas réputé en faire.
L’on sait que raison et foi ne font pas bon ménage. L’une et l’autre ne se comprennent pas, donc s’ignorent. Comment faire entendre raison à qui en est totalement dépourvu ?
Lorsqu’un médecin ne veut pas te dire la vérité, il t’envoie vers un confrère.
Sache que s’il y a une chose dont je ne me suis jamais préoccupé, c’est la politique. Mais ce n’est pas parce que je ne suis pas versé dans cet art que je ne connais pas les politiciens. Ce sont des individus qui n’admettent pas qu’on leur rappelle leurs erreurs.
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