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HERVE CLAUDE |
Toxic StarAux éditions L'AUBE NOIREVisitez leur site |
301Lectures depuisLe mardi 10 Avril 2018
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Une lecture de |
Anthony Argos est un journaliste du West Tribune à Perth, en Australie. Il a l’air d’un gros ours débraillé, chemise déboutonnée, barbe en bataille, exhibant un ventre de buveur de bière. Néanmoins, cet homosexuel est un pro de l’information. Certains renseignements lui viennent de l’officier de police Kerry John. Ces derniers temps, le flic est assisté de la séduisante stagiaire Debbie Chan, qui ne le laisse pas insensible. Ils enquêtent sur une affaire dont on parle beaucoup dans ce secteur du pays. Des touristes en avion ont repéré un 4x4 vide dans le désert de Nullarbor, non loin duquel ont été retrouvés les restes d’un corps. On définit bientôt qu’il s’agit de Mathew Constant, un sportif ayant été très célèbre, qui avait disparu depuis dix-huit mois. Cette affaire intéresse Anthony Argos. Originaire de Roumanie, Mathew Constant fut un des meilleurs joueurs de footy, au sein de l’équipe des Dockers de Fremantle, il y a quinze à vingt ans. Ce sport typiquement australien excite les foules. Le footy a “une allure de jeu du cirque plus que de matchs de gentlemen”. Entre la violence des mêlées, les assauts directs sur le porteur du ballon, et des bagarres générales fréquentes, il faut que les joueurs soient solides. C’est pourquoi la plupart de ces sportifs sont dopés, utilisant des drogues addictives. Avec la bénédiction des dirigeants, sans doute. À la fin de leur carrière, certains tel Julius Florence tentent des cures de désintoxication, d’autres comme Marin Dokic ou Abraham Nigaloo s’éloignent de ce milieu vicié. Mathew Constant vivotait après avoir dilapidé ses gains du sport. Fils du propriétaire des Dockers, l’ancienne gloire Carlos Santander a fini en prison. Peu après qu’on ait retrouvé le cadavre de Constant, il se suicide en détention. Bien qu’ayant un père millionnaire, l’avenir de l’ex-joueur de footy s’annonçait bien sombre. C’est dans sa maison troglodyte de la Nouvelle-Galles-du-Sud qu’Argos rencontre Marin Dokic. Pour l’heure, il n’a pas de révélation à apporter, ayant rompu avec l’univers du footy. Dans les archives du journal West Tribune, Argos découvre qu’un certain Vusan fit durant un temps partie de l’entourage de Mathew Constant, avant de disparaître. C’est un prénom qui fait penser aux Balkans, Vusan. Tandis que le policier Kerry John est mis sur la touche à cause de Debbie Chan, pour harcèlement sexuel, le journaliste se rend en Roumanie. À l’époque du dictateur Nicolae Ceauşescu, l’équipe de football du Steaua de Bucarest a connu de beaux succès internationaux. Par son confrère local Christi, Argos retrouve les noms d’anciens footballeurs, dont l’un a pu choisir de fuir vers l’Australie. Mais celui-ci est mort en 1988, avant la chute du régime dictatorial, ce que confirme sa famille. Pourtant, la piste n’est pas vaine, le nommé Vusan étant le frère de ce joueur. Quand le journaliste rentre à Perth, il apprend le décès de Julius Florence, ex-star de footy en désintoxication. Abraham Nigaloo a lui-même frôlé la mort dans un accident de la route. Quand on sait que la famille Florence compte une excellente juriste, ça peut démêler cette affaire… (Extrait) “L’Europe centrale, la Roumanie, les Balkans, la Serbie de Dokic. Cela résonnait étrangement aux oreilles d’Argos. Est-ce que cela l’avait intrigué deux jours auparavant dans les propos du géant boiteux ? Cette histoire ramenait à sa mémoire des souvenirs enfouis. C’était l’époque où, étudiant en fin d’études, il était parti comme beaucoup de ses camarades voir à quoi ressemblait l’Europe. La Roumanie, il y était passé, et il en gardait des souvenirs troublants. Pour le reste, l’accident de la Mercedes n’était qu’une des nombreuses péripéties, alcoolisées ou non, du champion disparu. Anthony pouvait le vérifier dans les articles qu’il continuait à lire. Tant de bagarres, de nuits agitées, de troisièmes mi-temps qui avaient dégénéré au cours des années suivantes et puis, plus tard, tant de cures de désintoxication et même d’arrestations, que l’accident de la voiture brûlée pouvait paraître anodin. Pourtant, après avoir ingurgité une bonne centaine d’articles, c’est celui-là qui lui restait en tête.” Même s’il existe des pratiquants en France, le football australien – surnommé footy la plupart du temps – ne connaît pas grand succès chez nous. Avec un ballon ovale, ce sport se joue principalement au pied – mais aussi à la main, selon des règles qui ne s’appliquent qu’à ces compétitions. C’est la vitesse du jeu qui est le principal atout du footy, avec ce que ça suppose de contacts violents entre joueurs. Un sport viril, extrêmement populaire en Australie. Faut-il penser, comme le suggère l’auteur, que les joueurs ont recours à la drogue pour résister aux chocs, aux blessures, à la pression ? C’est tout à fait imaginable. Même s’il y a des avancées, subsiste un laxisme complaisant dans le contrôle des sportifs. Primant tout, les enjeux financiers atteignent des sommets, ne soyons pas naïfs. À l’occasion de Jeux Olympiques passés, on s’était aperçus que l’Australie avait recruté des athlètes étrangers, dans des disciplines où ce pays ne brillait guère. Ils bénéficiaient de la nationalité et des honneurs nationaux, mais il n’était pas absurde de s’interroger sur "l’achat" de sportifs de haut niveau formés dans leurs pays d’origine. C’est quelque peu le cas de Mathew Constant, venu d’Europe de l’Est. Ah, la Roumanie ! Il est vrai, comme le souligne Hervé Claude, que la "confusion" semble être l’état d’esprit traditionnel de ce pays. Ce qui était le cas au temps de Ceauşescu, imitateur des principes soviétiques, et qui reste peut-être dans les comportements actuels, bien que la modernité soit arrivée ici. La délation version Securitate, c’est évidemment de l’histoire ancienne. Mais les Roumains n’ont probablement pas envie de réveiller ces vieux démons. À travers l’intrigue de “Toxic star”, Hervé Claude évoque plusieurs thèmes qui relèvent du vrai roman noir sous son aspect sociétal et historique. Le point central étant le sport, avec les fortunes que ça génère et les dérapages que ça inclut. Au point de supprimer les gêneurs ? Possible, puisqu’il s’agit d’une sorte de mafia. Un polar qui invite à méditer sur ces questions, en effet. |
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